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Un rapport de la Cour des comptes relance le débat sur les prisons

Le débat sur les prisons ouvert en fin d’année dernière par l’hebdomadaire Le Nouvel Observateur témoigne d’une prise de conscience collective de la réalité de l’univers carcéral. La publication le 10 janvier d’un rapport de la Cour des comptes, intitulé « Garde et réinsertion-La gestion des prisons », relance fort à propos cette question délicate.

Les rapports de la Cour des comptes sont généralement très attendus. Celui-ci ne déroge pas à la règle. Pour autant, les amateurs de scoop seront déçus. Les 184 pages n’apportent pas de révélations spectaculaires. Concrètement, chiffres après pourcentages, elles dressent le tableau que nous attendions, celui d’une situation indigne de la patrie des droits de l’homme ou de toute démocratie moderne.

La juridiction financière rappelle tout d’abord une évidence : nombre de Français ne connaissent pas, ou plus, la double mission du service public pénitentiaire, soit participer à l’exécution des décisions de justice, mais aussi prévenir la récidive en contribuant à la réinsertion sociale, c’est-à-dire favoriser le retour à une vie normale de ceux qui ont purgé leur peine.

Toute peine a une fin, et il est donc nécessaire de limiter notamment les effets désocialisants de l’incarcération. Notamment parce qu’en 2005, sur les 180 000 personnes confiées à l’administration pénitentiaire, seules 32% étaient incarcérées. Les 68% étaient essentiellement des sursis avec mise à l’épreuve.

Les grands principes d’une politique pénitentiaire ont été définis sous la 3e République : différence de traitement selon la nature de la peine, incarcération en cellule individuelle, répartition des individus dans différents établissements selon la nature de la peine...

Faute de crédits suffisants, leur mise en œuvre ne s’est jamais réalisée, ou l’a fait seulement de façon très inégale. Ce n’est pas faute, pourtant, d’avoir gravé dans le marbre, par le biais de la loi du 22 juin 1987, le fait que la réinsertion est l’un des objectifs de la politique pénale actuelle.

Mais les beaux principes se heurtent à une dure réalité.

L’après-guerre a été marquée par un accroissement conséquent de la population pénale dans des bâtiments vétustes devenus au fil des ans exigus et inadaptés. Depuis 2001, le nombre de détenus, du fait du durcissement de la loi, a augmenté de 25%, pour atteindre 59 000 individus, dont la durée moyenne de détention était de 8,4 mois.

La surpopulation est générale, avec un taux de densité moyen de 118 %. Mais, des disparités importantes existent dans les 188 établissements de l’hexagone, entre les maisons centrales ou centres de détention, et les simples maisons d’arrêt que la Cour qualifie de "à la limite de la rupture". La France apparaît ainsi, par sa densité carcérale, comme le plus mauvais élève européen, avant-dernière devant l’Italie.

Conséquence directe, un taux de suicide particulièrement élevé, et considéré comme la première cause d’incident dans les prisons.

Le tableau ne serait pas complet sans une hygiène qualifiée de préoccupante : douches insuffisantes et rares, "présence d’animaux nuisibles" -façon pudique de dire que les rats sont monnaie courante, fourniture de papier hygiénique à la charge des détenus, absence de fenêtres...

Quant à l’ordinaire, ce n’est guère mieux. Les sommes affectées à l’alimentation des détenus est inférieure, par individu, de 70% à celle que consacre l’armée à ses hommes du rang.

On apprend également que la location de télévisions est génératrice de recettes très conséquentes, non pas pour l’administration mais pour des associations socioculturelles. La Cour demande une clarification dans ce domaine, ainsi que pour de nombreuses procédures financières jugées archaïques et ne permettant pas une véritable mise en concurrence des fournisseurs.

La réinsertion est également à la peine. L’administration pénitentiaire est dans l’impossibilité de fournir un travail à ceux qui le souhaitent. La question des droits sociaux des détenus (main d’œuvre non qualifiée, mais peu onéreuse) est soulevée.

Pour autant, la Cour des comptes souligne l’importance des efforts budgétaires consentis par l’Etat depuis 1988 (+60% depuis 1997), avec des programmes de construction de places conséquents. Le retard est toutefois tel que des efforts de même ampleur restent à engager.


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Henry Moreigne

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