Un voile pudique
Un tissu qui déchire la société
On peut tout dire sur ce petit bout de tissu qui déchire la société, la fragmente et surtout dissimule bien des pensées sournoises, des intentions détournées, des postures inavouables. Que cache le débat actuel et que cherchent à prouver les uns et les autres ? Rien n’est innocent dès qu’on aborde sur la pointe des pieds ou avec des gros sabots ce sujet qui nous couvre tous de ridicule.
Les uns et les autres évoquent la tolérance, le respect de l’autre, l’intégration, agitent ces belles notions comme un chiffon rouge qui finit par donner raison aux pires idéologies qui se frottent les mains et ramassent les dividendes de cette affreuse manipulation. Les bonnes intentions n’ont guère leur place derrière ce rideau qui ferme définitivement l’éventualité d’une concorde et d’une fraternité sereine. La tolérance se retourne dans le nez de ceux qui la proclament puisqu’elle ne peut s’exprimer à sens unique.
C’est bien la preuve arborée faute de pouvoir l’exprimer en mots que nous renvoient à la figure ces femmes qui pour certaines ne peuvent faire autrement, pour d’autres le font sans savoir vraiment pourquoi et pour quelques-unes expriment ainsi un refus fort de partager des valeurs qui les effraient, les dérangent ou les indisposent. Le voile empêche de penser parce qu’il n’est pas qu’un simple objet vestimentaire, il exprime tant de choses qui n’ont pas la même signification que l’on soit devant ou derrière lui.
Il est en premier lieu une affirmation identitaire, un signe d’appartenance à quelque chose qui à aux yeux de la dame voilée est plus fort que la société qui l’accueille. D’ailleurs, bien souvent ceux qui défendent becs et ongles ce droit, se reconnaissent d’abord comme musulmans avant que de concéder parfois qu’ils sont également français. La confusion entre foi et nationalité atteste manifestement une rupture catégorique avec le concept de laïcité.
Il est en second lieu un refuge, une protection contre un monde qui ne reconnaît pas ces femmes avec leurs différences, leurs particularités, leurs manières de percevoir la complexité de l’existence. Derrière lui, la vie est plus simple, elle est la création d’un Dieu qui exige soumission et discipline, qui n’attend aucune évolution, qui réclame une obéissance sans exception à ses préceptes.
Il est encore la marque de la soumission à son conjoint tout en étant dans le même temps l’expression absolue d’une défiance et d’une crainte vis à vis des autres hommes. De cette terrible ambiguïté, le voile est perçu par nombre de personnes étrangères à cette pratique comme un refus d’entrer en fraternité, de partager un mode de vie en faisant société.
C’est ainsi qu’il passe pour une insulte à la capacité de l’autre à respecter la femme, à la regarder en toute empathie. Son désir de se dissimuler est la marque d’une défiance absolue qui ôte toute possibilité de fusion réelle. Il n’est à ce titre pas la seule marque ostensible qui vient entraver la grande confraternité idéalisée par une devise de la République qui échoue manifestement. Il n’y a ni égalité, ni liberté et encore moins de fraternité quand la fragmentation est ainsi revendiquée au grand jour.
Il ne s’agit ni de tolérer ni d’interdire ce qui devrait relever de la seule liberté individuelle, mais bien d’expliquer la véritable portée de ce choix non pas du point de vue de celles qui l’adoptent mais de ceux qui ne peuvent accepter que le fait religieux s’impose dans la rue. C’est un véritable choc de culture. Beaucoup dans ce pays ont grandi avec cette dichotomie absolue entre la foi et la vie publique. Le voile vient ici rompre une règle incontournable de notre vivre ensemble.
Celles qui font en connaissance de cause ce choix ont bien sûr tout à fait le droit d’exprimer ainsi leur rupture avec la philosophie qui fonde notre société, elles ne peuvent pas réclamer par contre d’être actrices, ne serait-ce que de manière transitoire, d’une collaboration pédagogique au sein d’une école qui défend des valeurs diamétralement distinctes aux convictions qu’elles affichent. Dans d’autres circonstances, leur défiance avec une culture et des valeurs qu’elles n’ont pas choisies doit légitimement pouvoir s’exprimer dans l’espace public.
Prudemment vôtre.
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