Une économie juste au service de la Terre et des êtres
En s’insérant peu à peu dans la société, l’enfant se fait rapidement rappeler l’importance de l’économie moderne. Chaque institution, chaque apprentissage et chaque moyen d’expression utilisé sont imprégnés de la mentalité capitaliste qui a pris une place de premier ordre au sein du monde, mais encore plus profondément en habitant nos aspirations, nos désirs et nos besoins. Ce mode de pensées a bientôt réussi à programmer nos vies et à leur donner un sens élusif, proclamant sans cesse le bonheur par sa structure et son objectif de toujours produire plus en un temps inférieur. Cependant, ce modèle de performance est, en réalité, plus digne de la machine que de l’humain émotif, contemplatif et chercheur de lumière. Cet éveil qui habite l’humain et qui le nourrit par son âme est très peu valorisé par ce système qui est devenu une philosophie et une croyance qui guide l’action des hommes.
Le capitalisme se veut rassurant. Il fait taire l’émotion, ranime les exigences, encourage les certitudes et empêche ceux qui cherchent de se tourmenter pour trouver, de vivre en souffrant, de connecter avec cette partie d’eux-mêmes qui les rend si fragiles et vulnérables, mais pourtant si heureux et créateurs.
Cette économie qu’a créée l’homme afin de se sentir en sécurité connait ses faiblesses. Mais connait-elle la profondeur de ses ravages et l’ampleur de ses répercussions ? A-t-elle conscience qu’elle perturbe la nature dans toute sa grandeur, qu’elle lacère les esprits et détruit la sensibilité et la naïveté de tous ces êtres qui la composent ? L’ensemble des facteurs qu’elle engendre est immense. En voulant contrôler, réguler, structurer et se sentir mieux, l’homme s’est attaqué à un équilibre beaucoup trop puissant et se plaisant justement dans sa complexité et son incapacité à être totalement géré. On ne peut enfermer cette nature dans une cage ; elle s’agitera. S’il le faut, elle fera tomber le ciel pour s’y rendre et trembler la terre pour la remettre en ordre. Si on ne lui donne pas sa liberté, la nature, je n’en doute pas, s’assurera qu’elle vienne jusqu’à elle. Cette Terre, l’homme a tenté de s’en exclure, mais en vain. Et puis, les ravages se sont manifestés, ils ont crié, ont pris tous les moyens, mais l’homme n’a qu’encore plus écrasé cette peur, cette souffrance et cette intensité que la Terre voulait éveiller en lui.
Je crois qu’il serait temps que nous créions non pas une économie juste au service de l’humain, mais plutôt une économie au service de la Terre qui comprend tous ses êtres, dont l’homme et bien d’autres. Il est temps de recentrer l’homme pour son propre bonheur, pour son propre bien, car il court à sa perte. Il devra comprendre que sa vie dépend d’une multitude de facteurs, que son environnement l’habite et que ce qu’il produit et crée est aussi le fruit de ce qu’il reçoit et de ce qui influence directement son développement. Ce fait est loin d’être un apprentissage nouveau, mais malgré qu’il soit un fondement de base de la biologie et de la vie, personne ne le comprend vraiment puisque ce que nous construisons ne suit pas du tout ce principe. L’économie devrait être questionnée dans ses valeurs les plus fondamentales. Ne voulait-elle simplement pas être au départ le symbole de l’échange et du partage ? Pourquoi est-elle devenue la signification même de la valeur, de ce qui est important et de ce qui ne l’est pas ? L’économie nous encourage à dépenser et à ne pas penser. Mais qu’en sera-t-il du moment où la nature s’imposera à nous, où elle tentera de nous ramener à ce qu’il y a de plus vibrant en nous, où nous verrons mourir et nous verrons souffrir, où nous perdrons le goût de manger et où nous n’aurons simplement rien pour nous nourrir ? Chacun aura à traverser ces épreuves, à affronter la mort et surtout la vie dans toute sa splendeur et sa force. Choisirons-nous de nous sécuriser dans la bêtise, de nous opposer à cette nature, de tenter de la maîtriser et de la faire taire ? Et bien, c’est ce que nous tentons bien trop souvent de faire. Jusqu’à quand l’ignorerons-nous ? Que devra-t-elle faire pour que nous y portions attention ?
Une chose est certaine, la nature, elle, ne pourra jamais nous abandonner. Elle nous donnera toujours ses signaux, elle tentera de nous toucher, de nous ramener à la comprendre et à s’animer en elle. Mais serons-nous seulement alertes à celle-ci, notre émerveillement face à sa beauté dépassera-t-il la simple admiration pour laisser enfin place à la paix profonde, à la joie et à l’amour dans toute son égalité et sa justice ? L’harmonie avec la nature dépasse l’unique contemplation et ce que nous appelons l’instinct animal. Il réside dans le plus profond de nous-mêmes.
Évidemment, le problème de détachement, d’indifférence, de peur ou même de dégoût envers la nature est beaucoup plus vaste et intérieur qu’un simple choix. Nos habitudes ne sont que le reflet de nos Êtres. Sincèrement, il est clair que nous voulons encore de ce système. Voilà où est le réel problème. Nous nous fermons à la peur, à ce qui nous fait vibrer pour nous protéger de ce que nous ne voulons pas voir, de ce que nous sommes, en fait. Malheureusement, il reste que les conséquences qu’engendre ce mal-être profond ont un impact sur la beauté et la puissance elle-même. Je ne crains et je ne doute de la résilience de la Terre, je doute plutôt de la nôtre. Jusqu’où irons-nous pour déferler notre colère et notre malheur ? Quand cesserons-nous d’appliquer consciemment et inconsciemment ce qui nous habite à ce qui nous entoure ? Ce cycle est dangereux. Ce que l’on rejette dans l’environnement nous malmène, nous détruit. Il faudra comprendre un jour qu’une économie au service de la Terre et des êtres, sera nécessairement juste et au service de l’humain, si, bien sûr, elle peut s’appliquer au sein des cadres assez restreints de son image créée par l’homme et de ses conceptions. Peu importe la façon dont elle se traduira, cette « économie » devra au minimum comprendre que le bonheur ou le bien ne réside pas dans une finalité, mais dans l’ensemble de causes et de conséquences toutes importantes et liées entre elles. Nous avons fait naître un semblant de solidarité entre les hommes, mais allons-nous comprendre que cette solidarité souvent à intérêts solitaires ne peut en rien combler ce vide et prendre soin de notre âme ? La sensibilisation de surface ne sera pas suffisante. Il faudra une vraie solidarité torrentielle pour ramener l’équilibre, voilà ce qu’il faudra.
8 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON