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Accueil du site > Actualités > Société > Une journée sauvage vs une journée civilisée

Une journée sauvage vs une journée civilisée

Deux récits imaginaires, l'un dans un monde que l'on peut juger comme utopique, sans argent où règne le partage et l'entraide ; l'autre, le monde dit civilisé où il nous faut pour la plupart gagner "de quoi vivre".

Une nouvelle journée sauvage imaginaire, un peu utopique, un peu idéalisée :

Dans la vaste forêt le soleil apparaît au-dessus de l'épaisse canopée et progressivement illumine la place centrale du petit village bâti au bord du grand fleuve. Il s'éveille lentement tiré de son sommeil par les cris des oiseaux diurnes et le babillage des petits enfants que la faim commence à tirailler. Doucement il s'assied sur le bord de son hamac et sent la force de vie quitter le monde des songes pour regagner celui de son corps. La journée va être chaude et il a prévu d'aller aujourd'hui en quête de nourriture bien qu'il serait resté avec plaisir jouer avec les enfants mais cette activité est vitale pour la communauté où les tâches sont réparties entre tous suivant les compétences, la capacité et la disponibilités de chacun. Il bascule en avant, pose ses deux pieds sur la terre tassée par les piétinements incessants et se dresse à la verticale heureux de l'énergie qui coule en lui.

Il referme le couvercle du petit coffre en rotin placé sous sa couche et qui contient tout son bien hormis ce qu'il porte sur lui et se dirige vers le fleuve, monte sur une souche d'arbre et dans un grand éclat de rire plonge dans l'eau fraîche et vivifiante pour un bain qui le lavera et effacera tous les souvenirs de la nuit, il terminera sa toilette avec de la saponaire et se lavera les dents avec un mélange de poudra d'acacia et de charbon. Il émerge brusquement à la surface de l'eau dans une formidable éclaboussure et se hisse, heureux, sur son plongeoir pour s'y asseoir et contempler le miroitement de la lumière sur la surface irisée du grand ruban qui se déroule de toute éternité en distribuant sans compter ses bienfaits. Comme tous les êtres à la vie simple et naturelle, ses rêves ne lui laissent que des souvenirs fugaces et sa conscience toute attentive au moment présent lui aménage de longs moments de silence.

Dans un moment, le moment opportun, lui et une troupe de femmes, d'hommes et de jeunes se rassembleront sur la place centrale et sur un signal mystérieux, tous ensemble, simultanément comme un vol d'oiseaux dans le ciel ou un banc de poissons dans l'océan, ils se dirigeront vers la grande forêt qui pourvoit à l'essentiel de leurs besoins. Dans deux ou trois heures ils seront de retour les besaces chargées des provendes de mère nature, le reste sera complété par le grand jardin entretenu à tour de rôle avec l'aide des enfants volontaires, heureux de se rendre utiles. 
L'après midi, comme chaque après midi, chacun fait ce que lui dicte son inclination en alternant les activités manuelles, culturelles et la découvertes de l'altérité. 
La place centrale, carrefour des activités, est dominée par la maison à palabres qui sert à la fois d'hôtel de ville, de centre de soins et de repos, de centre culturel, de salle des fêtes, d'école et de lieu de réunion, elle est dotée d'un écran géant connecté qui relie ce lieu de vie à l'ensemble de la planète mais quelques postes individuels permettent également d'accéder en toute intimité au village planétaire.

Certains soirs, la maison à palabres est ouverte à celle ou celui qui veut partager une expérience ou poser une question qui sera débattue par les personnes intéressées ; c'est aussi le lieu où est organisée et délibérée la vie communautaire et pour chaque projet d'importance est désigné un maître d'œuvre volontaire. La soirée qui s'annonce est particulière car d'une part l'un des leurs, parti à la découverte du monde, revient d'un long voyage et de nombreuses histoires à narrer et d'autre part des voyageurs nomades, arrivés dans la journée ont demandé l'hospitalité pour quelques jours et ont proposés de se présenter et d'offrir un spectacle de chants et danses de leur culture.  

Dans cette société sans hiérarchie et sans caste, ouverte sur le monde, le respect des libertés et l'entraide sont les deux garants de l'équilibre social. La vie s'écoule simple et frugale pour un observateur extérieur, riche et harmonieuse pour les acteurs, respectueuse pour l'environnement.

Chacun est à sa place mais rien n'est figé et l'organisation n'est ni rituelle, ni réglementée.

Une nouvelle journée civilisée imaginaire, ce n'est ni l'enfer ni le paradis :

Dans le petit matin, il est tiré de son laborieux sommeil par la lanterne magique qui trône sur la table de nuit et qui programmée pour cinq heures, diffuse une musique à la mode agrémentée d'une lumière irisée qui progressivement éclaire la chambre ; une nouvelle journée de travail commence. Il traîne encore au lit un quart d'heure et finalement se lève, le dos endolori en prenant soin de ne pas réveiller la maisonnée qui a encore une bonne heure à dormir. Il se dirige vers la cuisine où le café est déjà prêt grâce à la cafetière programmable, rituellement entrouvre la fenêtre pour regarder le temps qu'il fait – pluvieux – et écoute les bruits de la ville toujours active puis contemple la nouvelle cuisine équipée dont le crédit obère encore un peu plus les revenus du ménage. Il déjeune rapidement, café, pain de mie grillé beurré, jus de fruits sans sucre ajouté mais enrichi en vitamines diverses – son verre de ce nectar assurera 50% de ses besoins journaliers, c'est marqué sur l'emballage qui finit dans la poubelle jaune – et ensuite toilette, habillage et à six heures tapantes va faire le bisou à sa femme pour lui dire qu'il est six heures, sort de l'appart et se dirige à pas nerveux vers le lieu de rendez-vous où il retrouve un collègue de travail avec lequel il fait du covoiturage, aujourd'hui il se fait emmener. La voiture est déjà là, il monte, prononce les civilités d'usage et bien vite s'enferme dans ses pensées et la petite transhumance, la course contre la montre commence. Ils ont quarante kilomètres à faire pour gagner l'un de ces nombreux parkings qui se trouvent à proximité des portes de la capitale. Suivant la circulation, les manifestations urbaines et la météo, le trajet s'effectuera entre une demi heure et une heure trente ce qui dans ce dernier cas laisse encore trente minutes pour arriver à l'heure à leur boulot, ce qui est jouable si le métro fonctionne correctement. Aujourd'hui ils sont dans la moyenne et il seront à leur destination avec vingt minutes d'avance, le temps de prendre un petit noir sur le zinc du bistrot d'à côté.

Ils pénètrent ensuite dans le grand bâtiment, se souhaitent un "bon courage" et chacun se dirige vers son service, lui vers le commercial et l'autre vers la compta, ils se retrouveront à douze heures quinze à la cafette pour un repas "qui n'est pas si mauvais que ça".

Il s'assied à son bureau qu'il partage avec trois autres personnes le chef y compris et constate avec plaisir qu'il est le premier, ce qui simplifie de beaucoup les salutations. Il ouvre sa messagerie, elle est pleine et un peu las la referme bien vite en remettant à plus tard sa lecture, apparemment il n'y a pas d'urgence. Il attaque courageusement la pile de dossiers que lui a préparée son chef, à dix heures pause-café et rebelote, tout concentré à sa tâche il ne voit pas l'heure tourner, son portable se met à sonner, un coup d'œil, c'est l'alarme, il est midi, il est temps d'aller déjeuner. Le resto d'entreprise a une grande baie vitrée qui donne sur un jardin intérieur et il remarque avec une certaine nostalgie que le soleil s'est invité et a chassé l'humidité. Il rejoint, une fois le passage au self, sa table habituelle où il retrouve son covoiturier. Le repas, sans surprise, est vite avalé et ensuite ils se dirigent vers le coin détente où ils referont le monde en compagnie d'habitués. L'après-midi ressemblera à la matinée et vers dix-sept heures, il refera le trajet inverse, si tout va bien il sera de retour chez lui pour dix-neuf heures, le trafic est plus dense dans le sens du retour. Ensuite ce sera un peu de surf sur le Net, dîner vers dix-neuf heures quarante-cinq devant le grand écran plat 3D de la télé, les infos et après un rapide coup d'œil au programme TV, il choisira un film sur la chaîne payante, film qu'il ne verra pas en totalité, la fatigue ayant raison de lui. Il se couchera vers vingt-trois heures, dormira par intermittence et recommencera le lendemain une journée identique à la précédente. Samedi, il se forcera à une activité physique que lui a fortement conseillée son toubib, sa tension étant un peu forte, il participera à l'animation d'une association de quartier et essaiera dimanche de passer du temps avec sa femme et ses enfants qui lui échappent de plus en plus. Une fois par mois, rituellement, ils déjeuneront chez ses parents ou ses beaux parents. Parfois la fuite du temps dans son univers bien réglé l'angoisse mais la routine rassurante reprend le dessus.  

 


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12 réactions à cet article    


  • alinea Alinea 1er août 2013 12:45

    C’est un peu l’Afrique ou l’Amazonie ou... Notre-Dame-des-Landes !
    L’autre...bien sûr !
    Et si vous nous faisiez  l’un dans l’autre ? Un monde à inventer qui pendrait le bon ici et là ?


    • miha 1er août 2013 12:49

      Voici un endroit qui permet de vivre de la même façon que celle décrite dans la journée « sauvage » :

      http://www.youtube.com/watch?v=P831hBMJB_w&list=PLVGFnetSVDgQTGJHkANOrumjG8nKgLNFZ

      Pas si utopiste que ça, vous voyez. smiley


      • kitamissa kitamissa 1er août 2013 12:58

        Il rentre chez lui un peu plus tôt que d’habitude et ouvre la porte sans bruit voulant faire la surprise à se femme en congé parental , la famille s’étant agrandie d’un nouvel héritier !


        il a acheté un bouquet de roses chez la fleuriste et veut l’offrir à sa charmante épouse pour la récompenser de son dévouement et de sa nature de bonne mère et épouse exemplaire ..

        il entend quelques petits soupirs venant de la chambre conjugale et suppose qu’elle est occupée à quelque tâche ménagère...

        il entre -ouvre la porte et s’aperçoit avec dépit que sa femme n’est pas seule dans le lit, mais en compagnie du voisin si affable qui dit bonjour et offre un petit bonbon aux enfants lorsqu’ils se croisent dans l’escalier !!

        • kitamissa kitamissa 1er août 2013 13:57

          Donc cet aimable voisin, Epouloum Kurumba , venant d’une communauté où le partage était coutume séculaire, était selon ses explications, venu rendre service à la voisine en lui prodiguant le plaisir qu’elle ne trouvait plus avec son époux , rompu par son travail et le pénibilité des transports, et pour rendre service également à l’infortuné mari, heureux de retrouver le soir son épouse toute guillerette et épanouie !!


          Mr Kurumba demanda où était la saponaire et la poudre d’accacia et le charbon de bois dans la salle de bains, n’ayant trouvé qu’un tube marqué Colgate ainsi que deux brosses à dents !

          Mr Kurumba ne plaisantait pas avec l’hygiène buccale d’autant plus que la voisine l’avait initié à la minette, une chose que l’on ne pratiquait pas dans sa tribu, mais il faut bien se plier aux us et coutumes des indigènes de ce pays que l’on nomme la France !!

          Mr Kurumba était très ouvert d’esprit , et ne compris pas pourquoi le Monsieur qui entrait chez lui ait l’air courroucé au point qu’il en vint aux mains en vociférant des mots que la bien pensance actuelle interdit de proférer ...

          en un mot, le Monsieur en colère vira du lit Mr Kurumba manu militari et le flanqua dehors avec son paquet de fringues, le tout souligné par un vigoureux coup de pied au cul, tandis qu’ensuite il fila une torgnole à sa femme !! 

          décidément, ce jour là, les Dieux n’étaient pas du bon côté pensa Mr Kurumba meurtri mais heureux tout de même d’avoir appris une pratique bien de chez nous dont les Dames raffolent, et se promit d’en faire profiter toute la tribu au nom de l’ouverture culturelle !

          • alinea Alinea 1er août 2013 14:52

            Vous déraillez complet kitamissa !
            Voulez-vous que je vous donne une bonne adresse de psy ?
            Que vous le pensiez, c’est déjà grave, mais que vous l’écriviez ici, c’est un cap que, heureusement, tout le monde ne franchit pas !
            Cela s’appelle « le passage à l’acte » ; bien connu de la science psychologique !!


          • kitamissa kitamissa 1er août 2013 15:06

            Alinéa...


            si vous me proposez si aimablement une adresse de psy, je suppose qu’ils s’agit de celui que vous consultez ?

            moi merci, ça va bien.... smiley


          • alinea Alinea 1er août 2013 19:04

            absolument, et, depuis trente cinq ans que j’y suis fidèle, à raison de deux fois par semaine, je vous assure que je n’ai plus du tout le mépris de qui que ce soit, et que même, la fiction ou l’humour ne me sont plus nécessaires comme exutoires ! Je me sens très légère savez-vous ?


          • kitamissa kitamissa 1er août 2013 23:22

            J’en suis ravi pour vous Alinéa ,


            vous vous sentez légère preuve que ce psy fait du bon travail , toutefois, je déplore que le sens de l’humour vous ait quitté, ( c’est vous qui l’affirmez ..) 

            souvent ça vaut un bon laxatif et ça décoince plus surement !

            Bien à vous 

            Kitamissa

          • foufouille foufouille 1er août 2013 16:36

            journée sauvage
            parti à la chasse, il se fait éventrer par un bison
            parti cueillir des fruits, il glisse et se fait une fracture ouverte, il mourra d’une infection
            il croise un groupe de cannibales et leur servira de repas
            etc


            • kitamissa kitamissa 1er août 2013 18:36

              Pire encore....


              il va ramasser des fruits au Bois de Boulogne, il se baisse mais n’a pas vu les potes de Delanoé et de Ruquier .... ceux qui élargissent le cercle de leurs amis et crac ! déshonoré à tout jamais...

              • Jean Keim Jean Keim 2 août 2013 15:17

                Ce sont deux récits imaginaires, comme le sont les commentaires dont certains contenus sont finalement à l’image de notre monde. Nous sommes le monde et le monde est ce que nous en pensons. On peut réagir à un article jugé sirupeux, débile ou inutile avec passion, virulence voire insolence mais la grossièreté sans esprit n’apporte rien de constructif.


                • ArnaudB ArnaudB 13 mars 2014 15:22

                  Les 2 récits sont magnifiques ! Je trouve que la mise en abime au milieu du texte est parfaitement mis en place ! J’aimerais aussi dire que ce genre de récit m’évade de plus en plus et j’aime bien m’évader de ce monde si imparfait et cruel ! Les cours de cuisine m’évadent aussi mais c’est encore trop réel pour moi je préfère l’imaginaire et le délire de l’esprit !

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