J’ai entendu, à plusieurs reprises,sur France-Infos, l’interview d’un étudiant de première année de sciences de Toulon qui évoquait l’éviction des « bloqueurs » de son université (dont il était) par trois « camions » de CRS. Libération sans violence, ni même incidents précisait-il. C’était prévu, selon lui, car inscrit dans le « concept ». Je cite mot-à-mot, y compris pour ce dernier terme, si impropre qu’il soit ! Je n’ai guère de mérite à être exact, car, sur France-Infos, on entend tous les sujets, diffusés en boucle, trois fois en une demi-heure !
Le récit comme le ton de cet étudiant démontraient le soulagement éprouvé à mettre un terme à l’occupation de façon honorable, au lieu de rentrer bêtement chez soi, l’été venu, dans l’indifférence générale. Là au moins, les grévistes ont été expulsés manu militari (même si les CRS ne sont pas des militaires !) ; c’est tout de même plus glorieux, même si un peu de violence n’aurait pas été déplacée dans le tableau, surtout pour des narrations ultérieures. En tout cas, merci Monsieur le Président de Toulon !
Une ombre au tableau ; elle tient à ce que, comme à Caen, en fin de semaine précédente, on n’a guère compté, lors de l’évacuation, qu’une petite centaine de grévistes bloqueurs dans des universités, qui comptent pourtant 15.000 étudiants, ce qui est bien maigre. En outre, à Caen, on a découvert qu’une partie de ces cent grévistes n’étaient nullement des étudiants. Rien d’étonnant dans tout cela pour qui connaît, si peu que ce soit, ce domaine !
Comment en serait-il autrement dans la mesure où l’on constate, à lire les textes produits et diffusés par les grévistes, enseignants comme étudiants, la dégringolade de la pertinence des argumentaires. Pour faire simple, on est parti de la « mastérisation » de la formation des maîtres ( qui ne concerne, d’ailleurs, qu’une fraction réduite des enseignements universitaires en lettres et en sciences), pour passer à la loi LRU dans son ensemble (sans rapport avec le point précédent et qui est votée depuis près de deux ans !), puis au « processus de Bologne » (mis en place depuis dix ans et sans rapport net avec les deux points précédents), avant d’en venir, comble de l’aberration, aux accords entre la France et le Vatican (Hou ! Hou ! A bas la calotte !). Cette incohérente succession de thèmes hétéroclites de revendications ne témoigne pas d’autre chose que de l’absence réelle de consistance et de constance de la revendication.
Il en avait été tout autrement dans les grèves à propos du CPE par exemple.
En fait, on ne sait plus comment sortir de cette grève.
« Il faut savoir finir une grève ! ».
On connaît bien cette formule dans laquelle tenait, le plus souvent, l’argumentaire final des deux parties, patronale et syndicale, dans bon nombre de VRAIS conflits. J’ai mis en capitales le mot VRAI car il constitue, me semble-t-il, la clé de l’énigme.
Madame Pécresse (et à un degré moindre, Xavier Darcos, moins concerné par tout cela) aurait dû, depuis longtemps, se débarrasser de ses conseillers concernés par ces affaires. Certes, elle avait fait un coup d’éclat avec le vote de la loi LRU, passée comme une lettre à la poste en 2007, grâce à la stratégie habile mise en oeuvre. Elle avait consisté à se gagner les faveurs des Présidents d’universités, en incluant dans le texte l’ensemble de leurs revendications personnelles, et surtout le renouvellement du mandat présidentiel comme l’accroissement de leurs pouvoirs. Les présidents ont donc bridé ou brisé, en 2007-2008, tous les mouvements revendicatifs contre la loi LRU.
Toutefois, il fallait songer que, d’une part, un certain nombre de présidents allaient être renouvelés (dont ceux de Paris 4 et de Bordeaux 3 par exemple) et surtout que la « modulation » des services pour les enseignants-chercheurs qui ne font pas de recherches et qui, de ce fait, auraient vu alourdies, très logiquement, leurs charges d’enseignement, allait mettre le feu aux poudres de toute la droite universitaire, traditionnellemenr à l’écart de tout conflit. Par incompétence et sottise, même si l’intention était juste, on a fait entrer dans le conflit toutes les facultés de droit, la plupart des enseignants juristes ayant un second métier et ne faisant, de ce fait ; aucune recherche. On a réussi le tour de force de mettre côte à côte dans la rue le SNES-SUP (dont la contestation du pouvoir en place est le fonds de commerce ordinaire) et l’Autonome-SUP (syndicat, au minimum de droite !). Toute cela était pourtant écrit dans le ciel et on ne comprend pas comment ces conséquences ont pu ne pas être prévues. Comme je l’avais prédit dans un précédent post, la contestation des juristes et de la droite a miraculeusement et instantanément cessé, dès qu’on a satisfait, au mépris de toute équité, les revendications des juristes !
« Il faut savoir finir une grève ! ».
La formule n’est pertinente que si les deux parties y trouvent leur compte ou, du moins, cessent, en mettant fin à la grève, d’en subir les conséquences fâcheuses. Dans une usine en grève, la production reprend (donc se rétablissent le chiffre d’affaires et les profits qui permettent de payer salariés et actionnaires), les ouvriers, qui ne percevaient plus leurs salaires, les touchent à nouveau et on peut même négocier le paiement des jours de grève.
Rien de tel dans les universités ; les enseignants grévistes ont continué, en effet, à percevoir l’intégralité de leur traitement et de leurs primes, puisqu’aucun d’entre eux ne se déclare en grève et que les retraits de journées de rémunération pour fait de grève ne se font qu’à cette condition. Ceux des personnels, enseignants ou ATOS (administratif, technique, ouvrier ou de service), que grèves et blocages ont empêché de travailler, n’ont évidemment pas à subir les conséquences de tels faits. Quant aux étudiants, ils savant tous, par expérience, que tout cela se terminera dans des « rattrapages de cours » bidon et des examens donnés, plus ou moins ouvertement, à tout le monde. Comment faire autrement avec si peu de temps et des locaux déjà surchargés, en régime normal, quand les cours sont concentrés sur trois jours dans la semaine ? Le prolongement de l’année pose des problèmes insolubles, tant sur le plan de l’organisation des examens que du côte du personnel ATOS qui, bien entendu, n’entend nullement subir les conséquences d’actions qui ne le concernent en rien.
Cette grève, comme celle des années précédentes, finira donc en eau de boudin ; une fois les mouvements éteints, faute de sens, du côté de enseignants comme des étudiants, on se hâtera de fourrer les cadavres dans les placards et les balayures sous le tapis. Restera à payer les vigiles devenus inutiles avec l’arrivée de l’été et, pour la rentrée, à payer la casse du matériel comme les multiples dégradations des locaux et du matériel. Les seules vraies victimes sont les commerces qui entourent les universités (restaurants, cafés, entreprises de photocopies, librairies) dont certaines auront, entre temps, mis la clé sous la porte.
Mais qui s’en préoccupe ?