V comme Victoire
Fin de la grève de la faim de Jean-Paul Fantou, dit Clocheman, SDF qui entendait par son action dénoncer l’exclusion et l’indifférence dans la société d’aujourd’hui.
Sommes-nous dans une société de l’acrimonie, du cynisme et du nihilisme ? Cavanna, dans Charlie Hebdo de cette semaine, p.10, intitule son article : " Si tu vois un gréviste de la faim, laisse-le crever "... Et il y croit sérieusement, dans le sens où, dit-il, "crever de faim ne devrait jamais servir d’argument"... Nous serions dans un monde rationnel ? Dans une société raisonnable ? Dans une nation qui met un point d’honneur à respecter les Droits de l’homme, à les défendre, à les valoriser ? Lisez le livre de Clocheman, aux Presses de la Renaissance, sorti en octobre 2005, vous comprendrez peut-être ce que son "Bac + 30 dans la rue", comme il dit, signifie...
Un crève-la-faim faisant une grève de la faim : quoi de plus politique au fond ? Quoi de plus paradoxalement citoyen ? Quoi de plus révolutionnaire ? Que l’arrière-plan philosophique ne puisse pas toucher ni émouvoir les habitués du confort mental et de la pensée molle, c’est un autre problème. Ceux qui n’étaient pas là, ceux qui n’ont rien compris, ceux que cette affaire n’affecte pas : puissent-ils ne jamais connaître de ces péripéties du sort , de ces épreuves de la vie, qui peuvent condamner à connaître la rue, la misère, l’exclusion et l’indifférence, si ce n’est la méchanceté du monde extérieur ; à la façon américaine : homeless du jour au lendemain...
Reste-t-il des humanités au sens le plus noble du terme ? Des personnalités véritablement morales, autrement que pour le spectacle et la publicité ? Si l’abbé Pierre nous refaisait son Appel de l’Hiver 1954, qui l’écouterait de nos jours, et qui l’entendrait ? Dominique Versini, du Samu social, a été au gouvernement : qu’a-t-elle fait, sinon de la figuration ? Coluche a inauguré les Restos du coeur, censés ne durer qu’un hiver ; ils se développent depuis vingt ans dans une banalisation malsaine... Que la misère puisse être le lieu commun des pays du Tiers monde ou des pays dits en voie de développement, c’est l’évidence même ; mais pour la France, c’est honteux. En dessous de tout.
Dixit Le Parisien libéré : "Clocheman a gagné contre la misère , le 04/05/06 : il a démonté les pancartes accrochées depuis si longtemps sur « son » arrêt de bus. Il a rangé ses papiers, son duvet et son sac à dos. Il a même esquissé un sourire malgré des traits tirés et fatigués par six semaines d’épuisement."...
Fin de la grève de la faim, enfin, grève entamée le 17 mars 2006, après la fin de la trêve hivernale. Au 48e Jour, c’était hier, Jean-Paul Fantou a mangé deux croissants lorsqu’il a eu entre les mains les accords écrits concernant les négociations engagées hier avec la Mairie de Paris, via Madame Mylène Stambouli, adjointe au maire de Paris chargée de la lutte contre l’exclusion. Mille remerciements à Métro, quotidien gratuit, pour son article du 3 mai 2006, p.10, et aux journalistes de France-Inter qui, ce soir, sont passés interviewer Jean-Paul Fantou, dit Clocheman, qui, par son action politique, entendait interpeller les politiques sur le sort des SDF et des exclus. Sur plus de cinq cents mails bien ciblés que j’ai adressés çà et là, afin de participer à la médiatisation de Jean-Paul Fantou, je n’ai reçu que cinq réponses et encouragements lui étant destinés...
Jean-Paul Fantou a perdu bien évidemment beaucoup de poids, et il est très affaibli, mais il était conscient, lucide, quoique titubant, marchant difficilement, il était souriant et jubilait d’avoir enfin obtenu la promesse d’un logement via le chef de cabinet de Jean-Louis Boorlo, et l’engagement d’affectation d’un local dans les mois à venir, et en attendant un bureau et une domiciliation à la Maison des associations du XIIIe arrondissement, pour son association "Bannissons l’exclusion". Mercredi 3 mai 2006, autour de 18h, c’était champagne à l’abri-bus de l’Opéra Bastille, en compagnie des proches, des amis, des sympathisants ! Et le tout début de l’association, de l’accueil de jour qui existera dans les mois à venir pour lutter contre la misère, la fatalité et le fatalisme, l’indifférence, l’exclusion... Merci à tous ceux qui l’ont soutenu, à tous ceux qui nous ont aidés. Ce n’est pas l’union indifférenciée qui fait la force ; ce sont les dream team qui mènent le bal ! Longue vie et prospérité à l’association des humanités !
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