Vers un Grenelle de l’insertion
Après le « Grenelle de l’environnement », un Grenelle de l’insertion ! Chez un président qui a manifesté sa volonté d’en finir avec l’héritage de Mai-68, cette expression ne manque pas de piquant. Nicolas Sarkozy a chargé Martin Hirsch, Haut Commissaire aux solidarités actives contre la pauvreté, d’organiser un « Grenelle de l’insertion ». Il n’a pas fixé de calendrier, mais il a imprimé sa marque pour ce qui est de la direction à donner.
C’était le 2 octobre à Dijon. Le président Sarkozy a donné son inflexion personnelle à la politique d’insertion et il a affirmé une volonté forte d’appliquer le programme qu’il demande. Ce volontarisme ne cache-t-il pas une impuissance à changer les choses en profondeur dans une réalité sociale qui se dégrade chaque jour ? En tout cas, il ne va pas vraiment dans le sens des acteurs du social et, surtout, le pari sera dur à tenir.
I - Une ambition et une volonté forte affichées
Revenu de solidarité active, contrat unique d’insertion et adoption d’une recommandation du Conseil de l’Union européenne, telles sont les armes décidées contre l’exclusion. Réduire d’un tiers la pauvreté en cinq ans, voilà l’objectif.
La mise en œuvre rapide du RSA : le 2 octobre, Sarkozy assistait à une table ronde sur la réinsertion, au Conseil général de la Côte-d’Or, département pilote pour la mise en place du RSA. Il a confirmé avoir demandé à Martin Hirsch de "réfléchir à la fusion des minima sociaux", RMI, API, Allocation de solidarité spécifique (ASS), Allocation de parent isolé et Allocation aux adultes handicapés (AAH), en conséquence de la mise en oeuvre du Revenu de solidarité active (RSA), expérimenté par ailleurs à l’initiative de Martin Hirsch.
Le contrat unique d’insertion : le même jour, Sarkozy a aussi annoncé la mise en place d’un contrat unique d’insertion, fusionnant la dizaine de contrats aidés existants, et valable pour le privé comme pour le public. "La création d’un contrat unique d’insertion répondra au besoin de simplicité grâce à un régime juridique unique pour l’ensemble des contrats aidés, avec un seul prescripteur", a-t-il expliqué, ce nouveau contrat venant mettre un terme à la coexistence d’une dizaine de contrats aidés différents, dont il a déploré au passage qu’ils soient utilisés "depuis trop longtemps pour améliorer les statistiques de l’emploi".
L’adoption d’une recommandation du Conseil de l’Union européenne : à l’automne se tiendra la septième table ronde européenne prévue dans le cadre du programme communautaire de lutte contre l’exclusion sociale. C’était l’occasion à ne pas rater pour la France de proposer l’adoption d’une recommandation sur "l’inclusion active". Pour deux raisons : c’est elle qui organisera cette table ronde et c’est elle qui présidera Conseil de l’Union européenne. Par cette proposition de recommandation, elle compte relancer la stratégie de Lisbonne adoptée en 2000 pour éradiquer la pauvreté sur le sol européen, stratégie qui prévoit aussi l’adoption d’objectifs chiffrés en matière de lutte contre la pauvreté et l’exclusion. Or, nous savons que les objectifs chiffrés, c’est l’affaire de notre président, lequel a promis de réduire d’un tiers la pauvreté en cinq ans. Les choses sont en route puisque le mercredi 3 octobre, en Conseil des ministres, la ministre du Logement et de la Ville, Christine Boutin, et Martin Hirsch, ont présenté les différentes mesures envisagées dans le cadre du "Plan national d’action pour l’inclusion", qui doit permettre au gouvernement d’approcher cet objectif. Mais le pari sera difficile à gagner.
II - Un pari mal engagé !
De mauvais signaux sont donnés par la majorité en place. Ainsi une disposition du projet de loi sur l’immigration visait à exclure les sans-papiers du dispositif d’hébergement d’urgence. Il s’agissait de modifier la loi du 5 mars 2007 dite DALO (Droit au logement opposable) et de réserver le droit au maintien en hébergement d’urgence aux "personnes en séjour régulier". Cette restriction discriminatoire et peu conforme aux principes humanistes a finalement été abandonnée sous l’effet de l’indignation manifestée. En matière de logement toujours, le Conseil de l’Europe a entendu le 17 septembre l’association ATD quart-monde et la "Fédération des associations nationales du travail avec les sans-abris", pour une plainte déposée pour violations de la Charte européenne en matière de logement social.
Pour ce qui concerne l’insertion par l’emploi, on sait qu’il est prévu pour 2008 la suppression de contrats aidés (230 000 contrats aidés, au lieu de 310 000 aujourd’hui). Le gouvernement justifie cette baisse des crédits par la situation de l’emploi en 2007, mais la reprise de l’emploi n’a profité dans les années précédentes que marginalement aux personnes défavorisées. La réduction annoncée des emplois aidés en 2008 risque fort de pénaliser les structures d’insertion par l’économique, qui ne fonctionnent qu’avec ces contrats.
Un mauvais bilan : la loi de 1998 de lutte contre les exclusions n’a pas amélioré l’accès des exclus à l’éducation et à la culture. C’est ce qui ressort d’une enquête de l’IGAS et de l’IGAENR (Inspection générale de l’administration de l’Education nationale et de la recherche). L’étude, qui a porté sur les « angles morts » des précédents bilans, montre que les dispositions ambitieuses de la loi ont été plus déclaratives que normatives. Les échecs sont patents notamment en matière d’illettrisme et d’exclusion scolaire. L’accompagnement à la scolarité est très défaillant sur les apprentissages de base et il n’existe pas de volonté nationale de favoriser l’accès à la culture. Les leçons de cette étude ne sont pas tirées puisque l’on parle de réduire l’effort culturel et de le soumettre à la logique du profit.
Enfin, pour ce qui est de l’accès aux soins, un tiers des allocataires des minima sociaux doivent renoncer à se soigner selon une enquête de la Drees (ministères de la Santé et du Travail), publiée le 4 octobre.
Un avenir effrayant : "faillite" de l’entreprise France, croissance en berne aux Etats-Unis et dans notre pays, mise en place de mesures de restrictions de l’accès aux soins comme les franchises médicales. Le gouvernement sort son jeu de cartes : carte judiciaire (suppression de tribunaux d’instance, qui sont chargés de régler les petits litiges, proches des gens), carte sanitaire pas toujours très juste non plus (pouvant amener des parents à hospitaliser leur enfant dans un service pédiatrique loin de leur domicile), renonciation à des recettes fiscales (paquet fiscal), etc.
Un pari de l’insertion vraiment mal engagé !
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