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Vers un supermarché de l’adoption ?

Le rapport remis par la commission Colombani sur l’adoption n’a pas fini de susciter des critiques. Pierre Verdier, auteur éminent d’ouvrages et d’articles dans le domaine de l’aide sociale à l’enfance, s’interroge sur les intentions et objectifs du rapport de la commission. Il se demande notamment si le seul objectif dudit rapport ne serait pas de permettre aux candidats de trouver des enfants sur le grand marché mondial...

Pierre Verdier fait autorité dans le domaine spécialisé du droit de l’enfant et de la famille. Auteurs de nombreux ouvrages qui servent de référence aux professionnels des services de l’aide à l’enfance (Conseils généraux), il est aussi ancien directeur de DDASS et ancien membre du CSA. Il est avocat au barreau de Paris.

Son constat est inquiétant. Il remarque tout d’abord que la commission Colombani a tiré un grand trait sur les études menées ces dernières années par des auteurs qualifiés tels que Jean-François Mattei, Irène Théry, Jean Hauser, quelques autres et lui-même. Le rapport fait table rase des questions soulevées par ces spécialistes comme : faut-il maintenir telle quelle l’adoption plénière ? Doit-on introduire en France l’adoption ouverte comme elle est pratiquée dans certains pays avec succès ? Faut-il légaliser la gestation pour autrui ? Mais le rapport élude aussi des questions tenant à la Kafala (système d’"adoption" du Maghreb), l’adoption par les homosexuels...

Pierre Verdier met en doute les arguments avancés dans le rapport Colombani comme le fait d’annoncer le nombre de "2 100 petits enfants placés qui pourraient faire l’objet d’un projet d’adoption". Ce nombre, dit-il, est sorti de nulle part. L’idée pernicieuse serait-elle de faire croire que de nombreux enfants adoptables croupissent dans les foyers de l’enfance à cause des blocages administratifs et des pratiques des travailleurs sociaux qui donneraient trop la priorité aux liens avec la famille ? Cette hypothèse n’est pas farfelue si on prend au pied de la lettre cette phrase du rapport : "Il ne faut pas renoncer à faire évoluer les pratiques pour augmenter le nombre d’enfants susceptibles d’être adoptés." Pierre Verdier voit dans cette annonce un effet de la politique des quotas.

Pierre Verdier, qui examine les propositions du rapport Colombani, tombe cependant d’accord avec son auteur sur certains points :


- Le projet pour l’enfant : actuellement le tribunal prononce l’abandon de l’enfant sur le fondement de l’article 350 du Code civil :

Rappelons qu’une évolution a été introduite par la loi du 4 juillet 2005 qui a modifié l’article 350 afin de faciliter l’adoption des enfants dont les parents se sont volontairement désintéressés depuis au moins un an, quel qu’en soit le motif. Le critère de "grande détresse des parents" ne fait plus obstacle à la demande en déclaration d’abandon.

Mais cette procédure prévoit une sorte de systématisme : "est déclaré abandonné par le tribunal de grande instance..." Cette sorte d’automaticité à décider judiciairement l’enfant abandonné, pourvu bien entendu que les critères soient remplis, laisse peu de place à l’examen de l’intérêt de l’enfant et de son avenir au travers d’un projet. Le rapport Colombani, qui préconise, "l’élaboration in fine d’un projet pour l’enfant" va donc dans le bon sens.


- Promouvoir l’adoption simple : la proposition 15 du rapport est de mieux informer sur l’adoption simple qui, dit Pierre Verdier, correspond le mieux à la réalité de l’enfant adopté qui a une double filiation. L’avantage de cette forme d’adoption est aussi qu’elle est révocable, ce qui n’est pas le cas de l’adoption plénière.


- Donner un rôle à la famille adoptive : la proposition 24 envisage d’intégrer les familles adoptives comme membres de l’AFA (Agence française de l’adoption créée en 2005). C’est une bonne chose, dit Verdier, sauf qu’il ne faut pas limiter la notion de "famille adoptive" aux adoptants. Il ne faut pas oublier d’associer les enfants adoptés qui, en grandissant, ont leur mot à dire sur leur devenir.

En définitive, Pierre Verdier demeure inquiet sur l’esprit qui anime le projet de réforme et qui semble voué à augmenter l’offre d’enfants adoptables, comme si l’on raisonnait en termes économiques et non en termes de filiation et de politique sociale. Mais ironise-t-il : le projet de grand supermarché de l’adoption internationale ne sera, faute de vraie ambition et de possibilités réelles, qu’une mesquine épicerie.



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13 réactions à cet article    


  • Voltaire Voltaire 5 juin 2008 11:52

    L’auteur, comme sans doute Pierre Verdier, semblent démontrer une profonde méconnaissance de ce qu’est l’adoption, des éléments fondamentaux qui permettent à l’enfant adopté de se sentir effectivement membre d’une famille, comme du rôle des parents adoptifs et du vécu psychologique de ce qu’implique l’adoption.

    Bien que je n’ai pas d’affection partculière pour Mr Colombani, son rapport a démontré une justesse de vue inattendue. Sans doute le fait que lui-même soit un parent adoptant y a été pour quelque chose.

    Il est évident qu’il ne peut qu’y avoir opposition entre certains tenant de la politique sociale de "placement" des enfants, et d’autres favorables à la stabilité qu’apporte l’adoption. Mais il serait utile de se rappeler la loi essentielle qui doit présider à toute définition d’une politique de l’adoption : l’intérêt de l’enfant. Cet intérêt doit primer sur tout a priori. IL est donc utile de regarder le devenir des enfants adoptés par rapport à celui des enfants placé, et leur propre expression sur ce sujet.

    Quant aux "supermarchés de l’adoption internationale", l’expression est une insulte aux parents adoptants européens, quand on connait la réalité du système. IL n’y a qu’aux Etats-Unis que l’on retrouve effectivement une dimension plus "catalogue" de l’adoption.


    • La Taverne des Poètes 5 juin 2008 12:02

      L’expression "supermarchés de l’adoption internationale" est de Pierre Verdier et je me suis contenté de la faire connaître. Contrairement à ce que vous prétendez, Pierre Verdier est une personnalité éminente qui fait autorité auprès des professionnels de l’enfance. Affirmez, comme vous le faites, qu’il ne connaît rien à l’adoption, va tout simplement faire sourire ces professionnels qui ne prendront même pas la peine de vous répondre sur ce point. Verdier insiste justement sur l’intérêt de l’enfant.

       

       

       


    • Voltaire Voltaire 5 juin 2008 15:13

      Pierre Verdier est un avocat, ancien directeur de DDASS. Il est farouche partisan du droit des enfants à connaitre leur origine, et combat donc l’accouchement sous X et il a écrit une série de livres sur les droits sociaux. C’est donc un juriste engagé. Il n’est en revanche ni psychologue ni psychiatre de l’enfance. Nul doute qu’il ne connaisse en profondeur les éléments juridiques de l’adoption. Comme j’ignore s’il a vécu lui-même une adoption, en tant que parent adoptant ou enfant adopté, je réserverai donc mon opinion sur ses connaissances réelles du sujet en terme humain, mais les lectures que j’ai pu avoir de ses écrits ne me convainquent pas.


    • La Taverne des Poètes 5 juin 2008 15:25

      Personnellement, je reste sur mes gardes quant à la science infuse supposée des psys et personnes ayant connu l’expérience de l’adoption. Ce sont là autant de subjectivités qui s’expriment et qui, souvent hélas, pensent avoir plus raison que les autres. L’adoption mérite un débat ouvert et Verdier n’a pas tort de dénoncer le fait que nombre d’auteurs et travaux ont purement et simplement été ignorés par Colombani. Pour quelle raison ? Parce que Monsieur Colombani a été adopté et qu’il sait mieux que tous ces professionnels ? Comme pour les Présidentielles quand il savait mieux que tout le monde quel président il fallait pour la France ? Ou plutôt quel président il ne fallait surtout pas, en l’occurence François Bayrou. Il est vrai que Bayrou n’est ni adopté ni fils d’immigré DONC... Je plaisante à peine.

       


    • Voltaire Voltaire 5 juin 2008 15:48

      Non, Monsieur Colombani a adopté, il n’a pas été adopté.

      Pour le reste, je trouve l’argumentaire un peu court, mais puisque vous connaissez si bien ce sujet, je dois être dans l’erreur.


    • La Taverne des Poètes 5 juin 2008 15:59

      Votre arrogance clôt le débat donc.

       


    • La Taverne des Poètes 5 juin 2008 12:22

      Références : "Organiser le grand supermarché de l’adoption : réflexions à propos du rapport Colombani", par Pierre Verdier. Journal du droit des jeunes-RJAS n°275 de mai 2008.

       


    • La Taverne des Poètes 5 juin 2008 12:32

      Le terme "réflexions" m’a paru concerner le débat citoyen. Et cet article se veut justement un compte rendu de la réflexion qui oppose en partie Colombani et Verdier. 

      Quant aux sources, je ne les cites pas systématiquement, conformément à la pratique générale qui a court sur Agorvox (ça surcharge les articles). Mais je les livre volontiers sur demande comme je l’ai déjà fait souvent.


    • morice morice 5 juin 2008 12:15

       Et cette grande institution qui ne sert à rien, elle en est où ? et la femme de l’ex-ministre, elle sert à quoi ?


      • La Taverne des Poètes 5 juin 2008 12:20

        L’adoption, même simple, n’est pas toujours nécessairement la solution la plus adaptée à l’enfant. La procédure de la déclaration judiciaire d’abandon (art 350 Code civil) est utilisée de plus en plus par les services comme une mesure de protection de l’enfant (mesure choisie dans l’éventail des mesures possibles), lorsque tous les liens avec la famille ont disparu.

        Mais l’enfant décalré abandonné n’est pas pour autant adoptable. La déclaration d’abandon ne constitue qu’une étape sur le long chemin vers l’adoption et l’enfant qui entre dans la catégorie des enfants adoptables ne sera pas forcément adopté. D’où l’idée de projet pour l’enfant défendue à la fois par Colombani et Verdier pour corriger ce côté automatique de la procédure judiciaire de l’article350.

        L’important aussi c’est l’examen au cas par cas en fonction de l’enfant qui est l’enjeu de la mesure. Toute approche idéologique est ici à proscrire. 

         


        • La Taverne des Poètes 5 juin 2008 16:34

          La commission Colombani n’a auditionné aucun des spécialistes de l’adoption ! Pas même Jean-François Mattei, auteur d’une loi sur l’adoption quand même (en 1996) !

           


          • La Taverne des Poètes 5 juin 2008 16:49

            Oh pardon j’oubliais : Mattei est aussi à l’origine (par ses rapports) de la LOI no 2001-111 du 6 février 2001 relative à l’adoption internationale, pourtant votée sous le gouvernement de Lionel Jospin. Voir ici :

            http://www.droit.org/jo/20010208/JUSX0004033L.html

            Mais Colombani doit avoir raison tout seul puisqu’il est sarkoziste et que Sarkozy a raison toujours.

            Je cite aussi Pierre Verdier, pas auditionné non plus par la commission, et dont les ouvrages de référence ne sont plus à présenter : « Le but de la politique de l’enfance n’est pas d’augmenter le nombre d’adoptions. L’adoption est un moyen et non un but. Le but, c’est qu’il n’y ait plus d’enfant sans famille, mais nous pensons a priori que sa famille est celle où il est né et qu’il faut aider à assumer ses responsabilités. » (tiré du livre « L’adoption aujourd’hui »).


          • koanzench koanzench 4 août 2008 10:46

            L’objectif  du gouvernement est de "faire du chiffre" dans les adoptions.  La France doit tenir son rang.

            Celui-ci sera atteint, grâce aux :


            - Peace Corps de Rama, l’Arche de Yadé,  pour “booster” l’adoption internationale.

            - aux 4 mousquetaires de l’adoption - COLOMBANI, MONCHAU, MORENO et YADE. La prophétie annoncée en 2005 par le Premier ministre Jean-Pierre Raffarin de doubler le nombre d’adoptions réalisées par des Français à l’étranger se réalisera donc bientôt. Les familles françaises en attente de bébés, d’enfants peuvent dormir tranquillement. Et l’intérêt de l’enfant dans tout ça ? Non primordial et secondaire.

            Source : Peace Corps or adoption army ?
             

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