Web 2.0 : gare à vos traces !
Carlo Revelli voyait dans le journalisme citoyen et donc plus largement dans le Web 2.0 un cinquième pouvoir. Un cinquième pouvoir bien fragile, qui met en branle bien des certitudes et qui bouscule nombre d’acquis dont le plus fondamental, la liberté.
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La nouvelle génération d’Internet
nous a permis d’ouvrir la Toile à plus de convivialité, d’échanges, de
participation. Un véritable phénomène en soi ! En effet, chacun a son
forum de prédilection ou aime à visiter régulièrement les sites de partage
d’images ou de vidéos. Avec les blogs, France en tête, l’internaute s’est
découvert une absence de limite à l’échange et est poussé constamment à publier, à faire
part de ses sentiments, de ses déboires, etc. Il est tout autant sollicité par les
sites d’enchères, d’achat, à faire part de son opinion.
Nous nous réjouissons de cet Internet-là, qui a une allure conviviale et philanthropique avec toujours plus d’espaces d’expression et toujours plus de partage, dont on est persuadé qu’il vise notre bien-être. Cependant, au gré des passages de l’internaute, nos informations personnelles sont récupérées et stockées par la myriade de sociétés Internet auxquelles nous rendons visite, au point qu’avec l’ensemble des informations laissées, on peut facilement reconstruire notre profil et nous identifier sans aucun souci. Notre identité numérique s’étoffe de plus belle. Nous laissons des traces dont nous ne savons pas à quoi elles peuvent servir. Quand des sociétés les conservent, d’autres monnayent leur carnet d’adresses à prix fort auprès d’autres sociétés du Web et aussi des entreprises à travers le monde entier.
Avec la multiplication des services virtuels, aucun internaute n’est en capacité d’éviter ce filtre d’informations. L’explosion du nombre des services qui racolent l’internaute a donné l’idée à Fred Cavazza de modéliser cette identité numérique. Il la représente sous la forme d’un puzzle de différentes facettes, qui va de l’expression à la consommation en passant par la connaissance et les avatars. Gérer son identité numérique veut dire surveiller l’utilisation de chacune de ces bribes d’information, estime-t-il. Car cet émiettement apparaît incontrôlable, et les données semées çà et là peuvent rester des années, voire être utilisées commercialement. Rien de très généreux. L’utilisation silencieuse des données personnelles sans la signifier explicitement à l’internaute pousse chacun à être prudent, et avant tout à réfléchir avant de se mettre en avant sur le Web. Qui sait comment, dans cinq ans, seront interprétées les phrases déposées aujourd’hui dans le feu de l’action sur un forum, les états d’âme lâchés sur son skyblog ou les photos de fête mises en ligne à destination des proches... Il est en effet de plus en plus courant pour de plus en plus de personnes qui « googlent » un individu pour prendre connaissance de son parcours, de ses idées, de ses centres d’intérêt, de ses loisirs... que ce soit un futur partenaire, collaborateur, client... Il est d’autant plus important alors de contrôler son image sur le Web.
Pour éviter que des recherches futures n’atterrissent sur des pans de passé qu’on l’on préfèrerait oublié, il vaut mieux préméditer le profil de soi-même qu’on souhaite voir exploiter, ou recourir à des « nettoyeurs de réputation ». Avec le Web 2.0, nous émettons notre propre identité. Ainsi d’OpenID, l’utilisateur crée un compte sur le site avec les spécifications qu’il souhaite et il lui est ensuite attribué une URL qui lui servira d’unique référent. L’identité d’une personne devient une URL, une piste à explorer qui peut mettre fin au morcellement d’identité dans le labyrinthe virtuel. Malgré tout, rien ne dit que ce soit une garantie suffisante pour protéger sa vie privée. Effectivement, ce droit élémentaire est détourné, voire complètement menacé par le simple fait de naviguer sur Internet.
Comme on l’a démontré précédemment, malgré les apparences, surfer sur Internet n’a rien d’une occupation discrète et anonyme. Rien qu’en utilisant un simple navigateur, l’internaute ne cesse de parsemer des informations sur ses activités. La première d’entre elles est l’adresse IP de son ordinateur. Combinaison de quatre numéros dont chacun peut aller de 0 à 255, elle permet d’identifier un utilisateur tout au long de sa session de surf. Une visibilité insupportable pour les membres du groupe Hacktivisimo qui, au nom des droits élémentaires de l’individu et de sa liberté à protéger sa vie privée, vient d’offrir aux internautes un moyen simple de surfer anonymement. Ils proposent de télécharger gratuitement un navigateur, Torpak, basé sur celui de la fondation Mozilla, Firefox, qui se charge de brouiller les pistes. Habituellement, lorsqu’un utilisateur se connecte sur un site, son adresse IP est communiquée. Le système Torpark permet de « tromper » les sites visités en changeant très régulièrement d’adresse IP grâce au réseau TOR. Ce réseau, soutenu par l’Electronic Frontier Foundation (EFF), permet de crypter les données échangées. Les communications rebondissent à travers un réseau de serveurs, assurant ainsi une protection contre les sites Web et les observateurs externes. La séance de surf terminé, il ne reste aucune trace des actions effectuées sur la machine utilisée. L’anonymat est préservé. L’absence de traçabilité permet, entre autres, d’empêcher la création de profil listant les habitudes et fréquentations des utilisateurs Web, compliquant de ce fait le tracking de la part des « voleurs de données ». Du côté de Mozilla, on salue l’initiative, tout en précisant que de telles fonctionnalités ne sont pas au programme des prochaines versions de Firefox. Nul doute que ce genre d’artifice risque de faire grincer quelques dents du côté des autorités. D’autant plus que ce navigateur, disponible très facilement, ne demande aucune installation et peut fonctionner à partir d’une simple clé USB. En effet, avec l’anonymat que suppose cet utilitaire, il deviendra vite un outil indispensable pour toute activité illégale (pédophilie, terrorisme etc.) sans craindre le poids de la surveillance électronique. Mais dans une société libre, faut-il permettre, au nom de la sécurité, l’interdiction d’un tel outil détruisant ainsi les droits inhérents à la liberté de l’individu ?
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