Xavier Darcos en Laurent Fabius bis ?
Les dirigeants politiques ne comprendront jamais rien à l’informatique. Ce n’est pas Thierry Breton, ce faiseur de vent, qui me contredira : il a joué pendant des années le rôle du joueur de flûte de Hamelin auprès des hommes politiques désireux de se laisser berner par ses quelques connaissances dans le domaine. On a déjà eu un plan Informatique pour tous, dans l’Education nationale, qui a laissé des traces, et écœuré une génération complète d’utilisateurs.
Le responsable du gâchis ? Laurent Fabius, qui a trop écouté les sirènes de Thomson, et son lobbying forcené, sans connaître quoi que ce soit à la manipulation de l’ordinateur Thomson ou d’autres marques françaises comme Goupil ou... Bull. Il s’est alors heurté à Gaston Deferre, fervent partisan du Macintosh (grâce à sa femme, Edmonde Charles-Roux, première convaincue et grande admiratrice de l’ordi à la pomme). Comme quoi ce n’est pas l’âge et le style qui détermine la vision du futur. Mitterrand, ce pur littéraire, qui n’y connaissait pas plus qu’un Breton, a refusé en 1985 de recevoir Steve Jobs, qui venait pourtant de survoler en hélicoptère la zone de Sofia-Antipolis où Deferre avait décidé de construire une chaîne de production Apple (de "MacPlus" vendus 12 000 F de l’époque au lieu des 27 000 F habituels). La raison ? Jobs était arrivé au déjeuner avec Mitterrand en baskets et col roulé, son uniforme habituel, et ce dernier a prétexté sa tenue pour ne pas le recevoir ! Fabius, ce jour-là, avait gagné sans coup férir : lui, et le lobby Thomson qui avait trouvé là son vrai champion (cavalier à la "Tête et les jambes", à la TV). Déboulent alors dans les écoles TO7, MO5 et autres joyeusetés inopérantes. J’ai moi-même personnellement assisté au dévoilement devant des enseignants, du TO9 dans une FNAC, en 1985, une cérémonie vite écourtée : à peine la machine branchée, un petit nuage bleu et une forte odeur de plastique brûlé nous a indiqué assez vite que le fabuleux prototype venait de rendre l’âme. Le hic, c’est que c’était ça qui était présenté comme le sommet de l’art informatique français de l’époque. Tournant à 1 Mhz (?), il n’avait aucune interface, mais faisait ses 9 000 F lourds de l’époque. On ne l’a jamais vu dans les écoles, celui-là.
Après cela, on a bien tenté de mettre en réseau ses bécanes dont le clavier mou tapait ce qu’il voulait. On les a reliées à des PC sous Windows, tel ici dans la région des "Leanord". Ça n’a rien donné de mieux, Windows 3.11 étant déjà à plusieurs longueurs d’une interface moderne. Seule l’éducation privée a alors choisi d’investir massivement dans la filière Mac, les collèges et les lycées publics subissant le lobbying forcené de Microsoft. Résultat, quand on visite les écoles privées on trouve encore des Macintosh fonctionnant sous Système 7, mais plus un seul PC de l’époque, le propre du PC étant son renouvellement obligatoire tous les deux ans. Voire moins, étant donné sa forte relative fiabilité et son éternel problème de virussage, auquel échappe le Macintosh depuis toujours. Aujourd’hui, quand on entre dans un lycée on trouve donc des PC poussifs sous Windows 95, virussés jusqu’au trognon, quelques XP quand on a réussi à dégager quelques subsides, et c’est tout. On a ignoré NT 4,0 ou Windows 2000 pour des raisons qui m’échappent. Point de Vista non plus, mais là nous diront tant mieux, tant on sait que cet OS (Operating System) est une catastrophe, et la énième couche de peinture recouvrant Windows 95 (lors de son installation, on peut parfois entrevoir fugacement un écran... de XP, preuve que rien n’est entièrement neuf dans ce fatras infâme !).
On croyait donc avoir tout vu, dans les années 90, avec des gens comme Benoît Sillard, ex-directeur de FUN RADIO, bombardé monsieur "responsable nouvelles technologies à l’Education nationale" (on se demande encore comment !). C’est lui qui avait fait venir Cauet et Arthur dans le paysage audio, et c’est lui aussi qui s’est efforcé de renforcer la présence de Microsoft dans les écoles (il l’avait fait aussi à Radio France, rendue longtemps incapable d’émettre sur le Web autrement que via Windows Media Player)... pour finir par déclarer, tel un Steve Ballmer français, que finalement, l’Open Source c’était pas si mal que ça. Il dirige aujourd’hui le portail Comment ça marche, où il continue avant tout sa croisade microsoftienne. Bref, cela fait bientôt 25 ans que l’informatique à l’école, et l’équipement même des écoles, est une catastrophe. L’Open Source est toujours à la porte du bunker savamment construit par Microsoft. On pensait avoir touché le fond, eh bien non. On a aujourd’hui Xavier Darcos, nouveau ministre de l’Education, qui vient de replonger dans les profondeurs de l’incompréhension informatique, après avoir annoncé des mesures à se rouler par terre à propos de l’allégement des cartables d’écoliers.
Le cartable sera moins lourd, mais les écoliers vont encore faire les frais des expérimentations des vendeurs de machines informatiques. Quelqu’un a en effet réussi à refourguer au ministre une idée abracadabrantesque : celle du livre numérique (ou e-book), un concept fumeux qui ressort depuis des lustres chez les constructeurs, qui voient le marché des portables classiques stagner. Le livre numérique, c’est une sorte de visionneuse à PDF, qui permet donc de lire des ouvrages, mais sans plus. Tous les ergonomes vous le diront : l’objet est bon à mettre à la poubelle : on ne feuillette pas un écran électronique, on ne revient pas de la même façon en arrière, et plus prosaïquement encore, son écran pâlot l’empêche de travailler partout, sans oublier les piles ou la batterie, dont la charge disparaît à vitesse grand V. Plus de piles et c’est le black-out complet : "Prenez votre livre électronique à la page 27. - Euh m’dame, j’peux pas, a pu de piles." L’objet n’a pas de liaison extérieure pratique, et est démuni d’un véritable clavier. Bref, ce n’est ni un ordinateur... ni une encyclopédie portable.
Selon Xavier Darcos, donc, qui vient de le découvrir, cet "extraordinaire objet de 300 g peut contenir 50 livres". Ouah, belle prouesse. Vous voyez vous l’intérêt de mettre 50 livres dans la tête d’un gamin de sixième qui n’aura jamais assez de son temps pour en lire au maximum un par matière durant l’année ? Un gamin, qui, revenu chez lui peut en charger 1 million ou un milliard si ça lui chante, via l’internet, sur son ordinateur familial ? Ou accéder à ManyBooks pour choisir parmi 18507 ouvrages à fourguer directo dans son i-Pod ? On s’est posé la question de savoir d’où Xavier Darcos a pu tenir l’idée saugrenue d’avoir recours à pareille machine mirobolante. C’est simple : dans Le Figaro, toujours prêt à saluer les publicitaires potentiels, et qui affirme sans broncher le 1er novembre 2006 que ça y est , "cette fois le public est prêt", alors que strictement rien ne le prouve : les lecteurs ne se vendent toujours pas (trop chers !), depuis l’un des tous premiers, le GoReader, et pire, les e-books, puisque c’est comme ça qu’on les appelle de l’autre côte de l’Atlantique, sont engoncés dans les mêmes problèmes que pour la musique, à savoir les DRM ou protections d’auteur (de textes, ici), qui sont évidemment incompatibles entre elles. L’aveu des constructeurs est de taille : "Pour l’instant, les modèles de Sony et d’iRex ne savent lire, parmi les livres protégés par des DRM, que ceux qui répondent à leur propre format." Et boum, on a mis 20 ans à Bruxelles pour faire plier Microsoft et ses logiciels prioritaires, ça recommence en 2007 avec d’autres !
Mais attendez, ce n’est pas fini. Xavier Darcos avait le choix. Le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il n’a pas fait le bon. A sa décharge, on peut dire... qu’il n’y en a aucun, de bon ! L’ILiad d’Irex (Philips) auquel aurait pu songer Darcos est un engin relativement récent, dévoilé en mars 2006. C’est un large PDA Wifi vendu 650 euros, sur lequel on peut aussi dessiner avec un stylet. Pour ce prix-là, et même 150 euros de moins, on a depuis des mois des portables PC complets corrects... sous Linux. Pour un gouvernement qui a décidé de faire des économies, ça la fiche mal, il est vrai. Le second modèle sur le marché est le Sony à 399 dollars seulement, un appareil largement en dessous du précédent, restant surtout bloqué sur son format prioritaire disponible uniquement sur son "Connect Store". Manque de chance pour Sony, le site musical du même nom vient de fermer le 4 septembre dernier, battu à plates coutures par le site I-Tunes. Le "Connect Store" restant dédié à l’e-book est donc une peau de chagrin, il ne propose aucun ouvrage en français la 5e meilleure vente étant la Bible, vendue 12 dollars le téléchargement. Echaudé par une première version pas terrible, Sony propose depuis le mois dernier le PRS-505 : 160 livres de contenu, davantage que va en lire un étudiant de la maternelle à la thèse de 3e cycle. 160 certes, mais pas un seul à télécharger en français. Intérêt ? Zéro ! A part peut-être pour madame Boutin, qui se balade parfois avec sa Bible dans l’hémicycle.
Car ces appareils ont un handicap : ils sont orientés vers la culture anglo-saxonne avant tout. Pour trouver des ouvrages français gratuits, faut se lever plus tôt, et y’a pas grand-chose à se mettre sous la dent. On va devoir étudier du Balzac et du Ponson du Terrail, en voilà une modernité certaine. Mais y’a aussi du Zevaco : auteur mineur sur papier, on ne sait pas ce qu’il va devenir en électronique ! Heureusement, Gallica, de la BNF, existe pour proposer davantage. 1200 volumes, c’est déjà beaucoup mieux, un bel effort à saluer ici. Chez Numilog c’est nettement plus attractif mais c’est aussi payant... et c’est aussi pour ça que ça ne décolle pas, malgré un catalogue qui comprend déjà 35 000 livres numériques. Pas de décollage, à moins d’utiliser les vieux artifices de vente : 12,95 euros le Fuck and Forget, je ne sais pas si M. Darcos a bien perçu tous les attenants du problème... du livre lycéen en téléchargement.
Peu ou pas de textes à enfourner dans le lecteur, et surtout un concept qui n’a jamais réussi à s’imposer depuis plus de 15 ans, les raisons de leur manque de succès étant nombreuses. Leur ergonomie, tout d’abord, liée au fait qu’il n’est pas pratique de "feuilleter" un e-book, leur autonomie ensuite (nous vivons dans un monde de piles ou de chargeurs, le Grenelle a fait l’impasse là-dessus ! ), leur encombrement aussi, mais aussi leur format prioritaire, et parfois même leur manque de communication. Les deux modèles déjà cités savent au moins se connecter en WIFI, car aujourd’hui c’est la moindre des choses. Du GoReader, premier e-book performant, au monstrueux (et pourtant récent) Kindle d’Amazon, leur histoire se résume à un échec probant. Toutes les firmes qui s’y sont lancées ont fait faillite, ou presque. Le catalogue des créations d’e-books est un vrai cimetière informatique. Mais ça n’empêche certains d’y croire encore. Manque de chance, Xavier Darcos en a trouvé un sur son chemin. Un bon vendeur, qui lui a fait croire que ce qu’il vendait c’était lui qui l’avait inventé.
Le modèle retenu par le ministère pour son "expérimentation" est en effet le Cybook de Bookeen. Sous ces noms barbares se cachent paraît-il un appareil et une société française. Cocorico ! "Avec son look épuré et sa finition noire glacée, le Cybook est tout simplement saisissant" affirme le site de l’entreprise... Euh, saisissant, en effet... mais revenons un peu en arrière. Booken, c’est ce qui reste de Cytale. Ça ne vous dit toujours rien ? Normal, me direz-vous : la société a fait faillite, les e-books qu’elle proposait étant des catastrophes nationales. 5 690 F TTC le bidule muni d’un modem 56k et activé sous Windows CE, le pire système embarqué pour portables, et une fermeture des fichiers lisibles limitée au format Open e-book de Microsoft, revu et corrigé et estampillé "CytalePage", plus des piles pour 4 petites heures seulement, on comprend l’échec des ventes. On comprend moins bien comment ses fondateurs ont pu lever 53 millions de F de l’époque en 2000 pour en arriver à un produit aussi mauvais et aussi cher. Ah, ah, me direz-vous, ces gens-là devaient savoir s’y prendre ! Ou s’entourer : à la tête de Cytale, on ne trouvait rien de moins qu’Olivier Pujol, son fondateur, mais aussi Erik Arnoult, devenu Orsenna (le successeur de Cousteau à l’Académie française), et l’ineffable Jacques Attali le monsieur qui a une vision à mourir de rire du futur (Une brève histoire de l’avenir). Un homme dont Mitterrand a dit un jour : "Je n’ai pas d’ordinateur, j’ai Jacques Attali." On aurait préféré que Jobs ait été reçu à l’Elysée, à voir notre funambule informatique pondre aujourd’hui des recommandations économiques risibles au nom d’un gouvernement d’opérette. Ah oui, pour parfaire le portrait, j’oubliais le nom de la compagnie de capital-risque Attalienne : l’Hyper Company, promue par Attali&Associés. A son conseil d’administration siège Franck Riboud le PDG de Danone. De la société Cytale, qui fera construire ces e-books par Hitachi France, on ne saura jamais combien de Cybooks seront vendus : en 2001, Pujol annonce "quelques centaines" sur un objectif de... 40 000. A l’opposé, un concurrent US, le Rocket E-Book, de Gemstar, atteindra le chiffre de 40 000...en 4 mois. Résultat, Cytale fait faillite en juillet 2002 (marrant le nombre de faillites derrière Attali, le visionnaire économique), mais réapparaît assez vite sous le nom de Booken qui sort un Cybook V2 en 2004, muni cette fois d’une prise USB (grand progrès !), sans toujours de lecture possible de PDF. Avec ces 66 Mhz seulement, difficile d’en faire un lecteur MP3, comme le sont beaucoup de concurrents, et muni d’un système Windows, l’engin pâti de la paranoïa virale, déguisée en protection DRM : "Pour des raisons de sécurité vis-à-vis des oeuvres téléchargées, les ports sont actuellement verrouillés" peut-on lire sur sa fiche technique de 2001, il devient "débridé" en 2004 seulement... Nouveau ratage, on s’entête avec un modèle archi-dépassé. Le second modèle est aussi invendable que le premier. On ne donne alors pas cher de l’existence de Booken.
En septembre 2007 pourtant, un Cybook3 profondément remanié resurgit des limbes : Linux 2.4.18 comme système d’exploitation, format plus petit, carte SD possible, écran E-Ink (166 dpi) mais à 4 niveaux de gris seulement, ce qui est bien trop faible... un client, Mobipocket, catalogue bien fourni (mais payant !), etc. Annoncé à 350 euros, l’engin, plus léger, semble bien plus séduisant que les deux modèles précédents, car plus ouvert en formats de fichiers. Il court pourtant dans le même mur tête baissée : pour les plus jeunes, proposer un écran en noir et blanc seulement est une hérésie, même si par définition le livre l’est. La couleur a trop envahi leur esprit, la faute aux publicitaires sans doute. Le manque de WIFI aussi et donc de liaison Internet est un lourd handicap de nos jours, n’en déplaise à Finkielkraut. Avoir un appareil aussi portable et léger et le contraindre à communiquer par un câble pour télécharger est une hérésie, n’ayons pas peur des mots. Dans une interview l’un des deux nouveaux responsables de Booken, Mickael Dahan explique que l’appareil n’est qu’une "machine designée à Taiwan", et que "l’appareil n’est pas encore prévu pour l’instant pour le PDF" (le responsable est très évasif sur le sujet).... Et admet que "l’absence de couleur à l’écran est un handicap" certain. Et c’est là en effet que l’on découvre le pot aux roses : l’appareil "français" n’est autre en effet que le STAReBOOK STK-101 recarrossé, lancé en décembre 2006, vendu 450 dollars là-bas. Les Taïwanais ont de l’humour, en tout cas : ils présentent leur version noire, celle retenue par Dahan, comme étant la fameuse pierre noire de 2001 odyssée de l’espace. L’opération Cybook3 a consisté à mettre un bouton carré à la place d’un bouton rond, et à ajouter dans le système quelques plug-ins (gratuits) en affirmant qu’on a "programmé" dedans. Ça peut marcher comme explication auprès d’un ministre, ça passe difficilement avec les informaticiens. Mais pourquoi donc s’évertuer en prime à faire croire qu’il s’agit d’un produit entièrement français ? Pour mieux le fourguer à l’Education nationale ? Sans oublier le manque d’originalité totale du site Booken qui tente de plagier la présentation d’i-Tunes ou ceui de l’i-Phone. La raison du plagiat, c’est cette presse avide de scoops, qui a présenté un peu partout le e-book comme, je cite "l’i-Pod du livre numérique". Un seul a vu clairement le problème : Pierre Assouline, qui décrit sur son blog le "vrai" usage de l’i-Pod couplé à des livres : celui de l’audio-livre. Bref, le glisser dans les cartables d’écoliers à la place d’un i-Pod est une... erreur. Une de plus, de la part de l’Education nationale, qui cette fois croit, comme d’ailleurs un nouveau gourou informatique, qu’il s’agit ainsi de défendre un pauvre constructeur français, comme on avait largement aidé Thomson à fourguer des ordinateurs qui ne marchaient pas...
Pour tout dire ce sont Lorenzo Soccavo bombardé par lui-même "Prospectiviste de l’édition", et repris par Jean Michel Billaut, qu’on a connu nettement plus inspiré, au temps du papier, d’ailleurs, qui, tous deux, dans une Lettre au président de la République avaient demandé qu’on aide Booken, à redécoller, un Booken alors dans la panade. Aujourd’hui c’est fait semble-t-il, avec l’aide appuyée de Xavier Darcos, devenu VRP taïwanais sans bien même le savoir. Et tout cela au détriment des élèves encore une fois orientés vers des objets destinés à leur faire acheter plus tard des livres numériques au prix exorbitant (le prix du téléchargement est ce qui coince le développement du marché, rien d’autre : 19,95 euros l’Elégance du Hérisson en PDF, contre... 19 euros en papier chez Amazon, faut voir de qui on se moque - et 24,60 euros - le prix officiel de l’éditeur !). En prime, il faudra un jour qu’on m’explique comment on devient futurologue de l’e-book avec un site internet aussi moche, mais bon. Et comment un gourou spécialisé n’est pas fichu de reconnaître un appareil d’un autre. C’est pourtant le même qui nous serine que c’est bon, cette année, c’est sûr, c’est "l’année de l’édition électronique" (euh... taïwanaise ?)... Comment peut-on avoir une vision du futur avec une si mauvaise vue de proximité ?
Mais ce n’est pas tout : les dépenses du ministère de l’Education sont contrôlées par le Sénat. C’est rassurant. Ce qui l’est moins, c’est que le "rapporteur du budget à l’Enseignement scolaire" s’appelle... Gérard Longuet, le sénateur deux fois relaxé. Selon lui, et selon L’Express : "il contrôle 55 milliards d’euros, et y consacre 10 jours à plein temps en une année". Espérons qu’une minute au moins du temps précieux de Gérard Longuet sera consacré à l’examen du dossier Cybook... et des pertes qu’il va invariablement produire dans ce budget. Xavier Darcos aurait dû entendre plutôt d’autres sirènes : celles de l’OLPC, mais là il serait automatiquement retombé sur le problème Microsoft, qui, après avoir longtemps dénigré l’appareil et présenté une solution ridicule de remplacement (un ordi avec carte pré-payée de fonctionnement, pratique au milieu du désert !) annonce aujourd’hui un "Windows du pauvre" pour l’équiper. La condescendance microsoftienne n’a décidément aucune limite : après Linux raillé et moqué par Ballmer, ce grotesque, voilà que l’OLPC les intéresse.
Il reste qu’à 188 dollars l’engin, muni de Sophie, ça reste, et c’est une évidence, le meilleur moyen de faire accéder tout le monde à l’ordinateur. Problème, c’est que la France n’est pas un pays en voie de développement, la cible d’origine du projet. A moins que Mme Lagarde, en cinq ans, fasse du pays un désert économique, auquel cas, qui sait, on comprendra enfin ce qu’il faut faire en informatique à l’école en France (on peut toujours rêver)... A une seule condition encore : qu’Alain Finkielkraut, l’internautophobe, ne vienne pas mettre son grain de sel là-dedans. Aux dernières nouvelles, le gouvernement français pourra prochainement demander conseil à Khadafi, qui vient lui aussi de commander des ordinateurs complets (mais sous Microsoft)... et non des e-books. Mouammar plus subtil que Nicolas et Xavier ? Une visite dans une école française s’impose ! Un Nicolas qui déclarait il n’y a ps si longtemps au Journal du Net et à Commentcamarche.com (ben tiens) : "Je ferai de la formation numérique une priorité" et concluait : "Je rêve qu’ensemble nous fassions de la France une grande nation numérique." Pour l’instant, ça semble parti pareil qu’en 1985. "L’informatique va devenir de plus en plus une véritable seconde langue (...) Grâce à ce plan, la France va être dès cette année un des premiers pays du monde, probablement le premier, dans l’enseignement de l’informatique pour tous" disait alors Laurent le magnifique. On a vu le résultat depuis !
En attendant cette période mirifique, on peut toujours rigoler (ou peurer ?) en regardant la publicité d’Editis, ancienne filiale du groupe Vivendi, qui nous présente SA version du futur numérique : on "achète" plein de livres électroniques sans nous montrer une seule fois de transaction financière (on a la vague impression d’un piratage ou d’un vol !), on se balade à Bruges, on "envoie au collège" (la dame est prof) des fichiers volés à partir d’un bistrot, on s’échange des bouquins complets toujours au bistrot, le libraire est sympa et fourgue des bouquins d’art à tire larigot sur une musique de Scarlatti (et non du grunge, que croyez-vous ?). Bref, on vit dans un monde où il faut beaucoup d’argent pour vivre et se cultiver, mais où on ne le montre surtout pas. Le monde que nous prépare Xavier Darcos ?
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