Y’a de la haine... (Défense et illustration des Rita Mitsouko)
Le très mythique et glamour groupe de rock français Rita Mitsouko - qui est actuellement à l’affiche de l’Olympia et vient de faire paraître l’album « Variéty » - fait l’objet d’attaques régulières concernant ses récentes prises de position politiques « conservatrices ». Analyse détaillée d’un exemple de ce harcèlement bien-pensant, issu du magazine hebdomadaire « Marianne ».

Cette semaine l’hebdomadaire Marianne de Jean-François Khan, marqué à gauche, publie sur deux pages un article passablement désagréable, contre le groupe mythique de Fred Chichin et de Catherine Ringer : « Gare aux Rita Mitsouko en politique ! » (édition du samedi 10 novembre 2007), sous la plume d’une certaine Stéphanie Marteau. (Une jeune journaliste qui n’hésite pas - à l’occasion - à collaborer en tant que contributrice éditoriale au site de la banque américaine GE Money Bank... Je vous conseille notamment la lecture de « Les Conséquences financières de la fin d’une union libre » en écoutant Les Histoires d’A... des Rita... ) J’ai lu son article trente fois ce week-end. Il n’y a vraiment rien à faire... Tu sais c’est comme cette fille qui voudrait que je me soigne, et qui abandonne son clebs au mois d’août en Espagne... j’sens comme un vide... remets-moi Johnny Kidd !
Soyons sérieux.
Mme Marteau a donc écrit un article de deux pages pour dénoncer la dangereuse
droitisation du plus sexy des couples rock « trash » des années 80...
le surtitre est évocateur : « Ils pensent comme Dantec, ils admirent
Bruckner, ils adorent Sarkozy... » Ouh la la... Dantec, Bruckner, Sarkozy... Ouh
la la... La présentation des Rita en tant que « quinquas trash » en dit
long, également. Des quinquas... des vieux cons quoi ! Ca sent le procès stalinien, la mise au pilori, l’émasculation,
la mastectomie, la remise à plat des acquis culturels, l’exécution publique.
Pour ceux qui
auraient raté un épisode, petit rappel des faits : à l’occasion de la
sortie de leur nouvel (et remarquable) album Variéty, en mai
dernier, les Rita Mitsouko ont été entraînés dans l’habituel vortex
communicationnel de la promotion. A cette occasion ils se sont exprimés à
plusieurs reprises sur des sujets périphériques à la musique, notamment dans
les pages du Parisien où ils ont apporté leur soutien discret à Nicolas
Sarkozy : « On espère que cette société va se débloquer après des rêves
socialo-communistes qui l’ont gangrenée. » Fred Chichin a même été plus loin
dans Télérama sur le thème de l’anticommunisme : « Tout jeune,
j’étais confronté à une contradiction flagrante : mon père était un communiste
fou de westerns, mais, à cause de ses convictions, il voyait les westerns en
cachette. Parce qu’officiellement il fallait détester le western américain, pur
produit de l’idéologie impérialiste US. (...) J’ai appris le nihilisme et cette
culture de se construire dans la haine de ce que l’on est. Tout ce qui n’était
pas blanc était formidable, tout ce qui était blanc était mal. » Sur le
rap, le guitariste des Rita n’hésite pas à déclarer : « Je
suis resté deux mois avec une quarantaine de rappeurs. C’est édifiant sur le
niveau et la mentalité... Le rap a fait énormément de mal à la scène musicale
française. C’est une véritable catastrophe, un gouffre culturel. La pauvreté de
l’idéologie que ça véhicule : la violence, le racisme antiblancs,
antioccidental, antifemmes... C’est affreux. » Voilà, en gros, les objets du
délit. La dénonciation de la persistance de l’idéologie communiste en France,
sur fond d’histoire personnelle, et la critique musclée d’un genre musical
parfois agressif.
Cela n’empêche pas
Mme Marteau, de Marianne, d’instruire un authentique procès inquisitoire. On
aimerait bien la rencontrer en vrai cette jolie petite fiancée idéale de
Bernardo Gui. On aimerait l’entendre chanter quelque chose sur scène... Elle répète à longueur d’article que les
Rita Mitsouko ont de la « haine » à cracher (référence inévitable à
leur tube des années 90, Y’ a de la haine !), qu’ils sont
racistes, intolérants, agressifs, inactuels, dingues, dangereux, etc. Halftime sociologue de bazar, Mme
Marteau estime que le parcours des gens fabrique strictement leurs engagements
politiques, elle estime que nous sommes tous déterminés par le milieu dans
lequel nous avons grandi et par les parents qui nous ont faits : « Aux
yeux de tous, ce groupe emblématique des années Mitterrand ne pouvait qu’être
de gauche. Tout dans leur histoire, leur milieu, leurs combats semblait
l’indiquer. Fred Chichin a grandi à l’ombre des tours d’Aubervilliers, élevé
par des parents communistes. Son père, critique de cinéma, a été exclu du Parti
en 1967 pour maoïsme. Catherine Ringer, elle, est la fille d’un peintre juif
polonais qui a survécu à la déportation. » Le fils d’un communiste et la
fille d’un artiste peintre ne pouvaient donc donner que des gens de gauche, de
purs humanistes, progressistes, confiants en l’avenir radieux, optimiste en la
vie et les hommes...
Stéphanie Marteau
ne supporte pas que le groupe, engagé dans tous les combats médiatiques de la
gauche durant les années 80-90, ait changé de bord : « ...la Ringer,
diva punk exubérante, et son mari, guitariste destroy et surdoué, étaient de
tous les combats de gauche. Devant 100 000 personnes place de la Bastille, en
1986, avec SOS Racisme. Avec Jacques Higelin et leur copine Josiane Balasko
pour une soirée organisée par le DAL en 1993 dans un immeuble inoccupé de
l’avenue René-Coty, pour empêcher l’expulsion de familles sans logis. » La
journaliste donne ensuite des gages documentés de la monstruosité des
Rita Mitsouko.
En se reposant sur
le témoignage (soumis à caution - car passablement haineux) du frère de Fred
Chichin, Fabrice, elle indique que le couple aurait refusé d’héberger un sans-papiers...
scandale ! Fred et Catherine n’ont pas voulu accueillir un type innocent,
sauvagement pourchassé par les hordes policières françaises à la solde d’un
Etat négrier et impérialiste... Quel scandale !
Le second gage de
la monstruosité des Rita Mitsouko est qu’ils n’ont pas accepté que la prestation
scénique qu’ils ont offerte au Groupe d’information et de soutien des immigrés
(Gisti), soit reprise sur le DVD édité par l’association. La journaliste
recueille le témoignage de Stéphane Maugendre, vice-président de
l’association : « Les Rita sont les seuls à avoir refusé que leur
prestation soit reprise sur le DVD réalisé par l’association. » Quel
scandale ! Vouloir garder un droit de regard sur l’exploitation de son image
et de ses œuvres est certainement mal vu dans certains milieux...
Le troisième gage
de la monstruosité des Rita Mitsouko est donné par un « proche »
anonyme du couple, qui déclare : « Ils ont très peur de la montée de
l’intégrisme musulman, confie un proche. Depuis les attentats du 11 Septembre
(2001), c’est un sujet qui les hante, qui les angoisse beaucoup, surtout Fred.
» Frappé du sceau de l’anonymat ce témoignage est instructif... D’abord il
semble nécessaire de rappeler aux lecteurs de Marianne que le « 11 Septembre » est un événement qui s’est passé en 2001. Ensuite il est
scandaleux, semble-t-il, pour un guitariste, de s’inquiéter de la montée des intégrismes religieux...
Le quatrième gage
de la monstruosité des Rita Mitsouko est leur intérêt pour l’œuvre de
l’essayiste Pascal Bruckner (qui a notamment - ô infamie ! - défendu
l’intervention militaire américaine en Irak).
Le cinquième gage
de la monstruosité des Rita Mitsouko est leur intérêt pour l’œuvre du romancier
Maurice G. Dantec : « Comme leur copain, le romancier Maurice Dantec,
qu’ils vont parfois voir au Canada quand ce n’est pas lui qui leur rend visite
à Paris, ils redoutent une guerre civile en France. »
Paranos et
droitisants, donc, les Rita ? Je fais le point : il
m’arrive de lire Dantec, je suis un lecteur occasionnel de Bruckner (qui ne me
déplaît pas du tout quand il s’exprime dans mon téléviseur secam couleur), je
n’ai pas de « sans-papiers » sous la main, et je ne goûte pas
particulièrement au rap... Je vis dangereusement... ?
Le sixième gage de
la monstruosité des Rita Mitsouko est que le site Occidentalis a repris en ligne
certaines de leurs interviews. Diable ! Les Rita seraient
donc responsables des récupérations et reprises « extrémistes » de leurs
propos... Où va-t-on ?
Pour finir, la
critique de cette « dérive » politique des Rita Mitsuko est
cautionnée, dans cet article, par le témoignage d’un ancien employé de Virgin,
Thierry Planel, dont on ne sait pas très bien s’il fut vendeur à mi-temps au
rayon world music des Champs ou directeur artistique : « Leur
intransigeance artistique s’est transformée en intolérance politique. » On
craint pour les prochaines productions de David Bowie ou de
« Love-Symbol »-Prince... si l’intransigeance est un signe d’abomination
droitisante... Ziggy Stardust et le kid
de Minneapolis vont-ils virer fascistes ?
C’est pas très rock’n’roll
tout ça... Baby, j’sens comme un vide... remets-moi Johnny Kidd ! C’est même
un joli tissu d’âneries tout ça. On n’a pas peur de cracher au visage de l’un
des meilleurs groupes français, de dévaloriser leurs créations, de s’asseoir
sur leur patrimoine, pour la seule raison qu’ils seraient devenus « de
droite »... On en oublierait même que le couple le plus glam de la scène
rock française est au centre du film Soigne ta droite de Jean-Luc
Godard...
Et si on laissait les gens s’exprimer librement ? Et si on s’astreignait, dans la presse, à juger les artistes sur pièces ? Si on s’astreignait à ne juger les artistes que sur leurs œuvres ?
Et si on admettait que les créatifs peuvent aussi avoir des opinions conservatrices ?
Pourquoi pas ?
Hein ?
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