AgoraVox populi ?
Le « bonus démocratique » généré par le développement des nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC) a-t-il profité à la démocratie autant que cela est aujourd’hui possible ? J’appelle « bonus démocratique » les bienfaits autres que matériels et agréables que ces progrès techniques ont induits dans notre vie de citoyen.
Au premier regard, on est tenté de répondre par
l’affirmative. Il suffit, direz-vous, de voir le nombre de sites
Internet, de blogs, de messageries et de forums qui fleurissent sur la
toile. L’accès gratuit aux connaissances est indéniablement un atout
pour la démocratie. Examinons trois exemples connus.
1 - L’encyclopédie pour tous Wikipedia :
Cette encyclopédie gratuite en ligne repose sur les dons des
contributeurs. Mais, d’emblée, Wikipedia nous dit que son site n’est pas
un lieu de démocratie (Voir ici :
) Le principe majoritaire et celui du vote ne sont pas les règles de
base : « Il n’y a jamais de vote sur le texte d’un article, car la
retranscription des connaissances ne peut pas être issue d’un processus
démocratique ».
2 - Le moteur de recherche Google :
Limitons-nous à l’exemple de ce moteur, le plus utilisé. Par l’accès
ouvert à tous aux données du monde entier diffusées sur le Web, et par
la possibilité pour tout un chacun d’y afficher son site ou son blog et
de le référencer, on assiste bien à une démarche démocratique.
Quelques entorses à la déontologie démocratique ont cependant parfois été déplorées. Je citerai :
- Le détournement : En 2005, Nicolas Sarkozy a été critiqué pour
avoir acheté des dizaines de mots-clefs comme « émeute », « CPE », «
Jack Lang »... renvoyant sur le site de l’UMP.
- La censure : En 2006, Google, comme les autres moteurs de
recherche, accepte de brider son moteur de recherche afin de mieux
s’implanter en Chine. Ainsi en tapant « Tiananmen » sur la version
chinoise de Google, l’utilisateur arrive sur des portraits de familles
joyeuses ou photos de monuments ! Nulle mention des évènements
sanglants qui s’y sont déroulés.
- La propagande idéologique : Des blogs en cours d’accréditation
par l’UMP se donnent pour objectif d’employer des propagandistes afin
de rallier de nouveaux adhérents ou électeurs, et surtout de contrer les
nombreux blogs des particuliers opposants. Nul doute que ces blogs seront bien référencés à grand renfort d’argent.
- La tricherie : le concours de positionnement auquel se livrent
les webmestres professionnels ou amateurs fausse la neutralité des
recherches. Les annonceurs publicitaires sont omniprésents. Nous
retrouvons là encore Sarkozy qui fait une réclame envahissante.
Personne ne s’en offusque.
3 - AgoraVox populi ?
AgoraVox est-il la voix du peuple ? Pas exactement. Toutes les classes
sociales n’y sont pas représentées, les femmes sont très minoritaires
parmi les rédacteurs.
Mais du moins la démarche est-elle parfaitement démocratique : la libre
expression y est la règle, et la modération très réduite. Comme
dans toute bonne démocratie, il existe un système de vote pour juger les
articles. Mais la raison essentielle de sa force citoyenne, c’est le
débat. Ce moyen de diffusion et d’échanges, en se posant en média
alternatif, ne joue-t-il pas aussi une fonction de laboratoire de la
démocratie en réseau ? « LaboraVox », en quelque sorte...
Ces trois exemples nous montrent bien des évolutions que nous n’aurions
pas seulement soupçonnées il y a dix ans. Mais la question demeure : toute la puissance des technologies de la communication est-elle mise
aujourd’hui au service de la démocratie et de la citoyenneté ? On peut
déjà citer quatre faiblesses :
1 - L’accès encore difficile pour les
catégories pauvres de la population et pour les personnes peu
familiarisées avec l’informatique.
2 - Les barrages qui sont mis à
l’emploi des logiciels gratuits par les puissances économiques et la
loi DADVSI. (La DADvSi pour les nuls)
3 - Le
dépassement de la classe politique (assez âgée et coupée de la société)
par ces phénomènes récents.
4 - La mauvaise visibilité que crée la multiplication des espaces personnels sur la toile. La toile ressemble ainsi à un univers qui s’étend sans fin.
Cette brève analyse n’avait pas pour objet d’être exhaustive, mais
d’attirer l’attention sur cette question : comment les hommes et les
femmes d’aujourd’hui pourraient-ils s’approprier de manière optimale
Internet, moins le subir et davantage le maîtriser, pour un plus grand
« bonus démocratique », profitable au plus grand nombre ?
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