Alors que la souris est orpheline, Apple sourit toujours
Douglas C. Engelbart, le père de la souris informatique s'est éteint aujourd'hui à l'âge de 88 ans. L'appareil fut présenté pour la première fois en décembre 1968, lors d'une célèbre présentation en Californie. Cette conférence devant un public de scientifiques fut surnommée plus tard « la mère de toutes les démos » du fait des technologies novatrices qui y furent détaillées (1) comme la visioconférence, le travail collaboratif sur un même document, l'envoi de messages entre personnes, le traitement de texte. Apple a su opportunément profiter de cette invention.
QUAND LA POMME MANGEA LA SOURIS
La souris fut inventée en 1963 par Douglas Engelbart, au sein du Stanford Research Institute (2), où il conduisait ses recherches sur les interactions avec les ordinateurs. On aurait pu penser que cette invention profitât à son inventeur mais, comme c'est souvent le cas, ce sont des entreprises opportunistes qui ramassent la mise. Le Stanford Research Institute accorda une licence de cette souris primitive à Apple, pour la modique somme de 40 000$ et Engelbart, le génial inventeur, n'a jamais perçu de royalties sur son invention.
Apple, avec Jeff Raskin et Steve Jobs, a ensuite industrialisé une nouvelle interface graphique utilisant une souris ; ce fut ensuite la commercialisation du premier Macintosh en janvier 1984.
On connait la suite. Aujourd'hui sous la direction de Tim Cook, Apple est une multinationale hautaine et agressive qui est une véritable machine à cash en utilisant d'une part tout le potentiel que lui offre la mondialisation pour la conception et la fabrication à très bas coût de ses machines dont l'obsolescence est programmée pour doper le chiffre d'affaire et d'autre part, dans l'ingratitude la plus totale, en utilisant toutes les ficelles de la législation pour se dispenser de verser sa contribution fiscale aux États .
UNE POMME EN OR POUR SES DIRIGEANTS ET ACTIONNAIRES
- Une ardoise magique qui transforme la sueur et les larmes des ouvriers en cash.
Ainsi sur l'emblématique ardoise Ipad d'une valeur HT de 400 USD, le coût de la masse salariale pour sa conception et sa fabrication est de 28USD dont 8 USD pour l’assemblage en Chine ! par des ouvriers dont les conditions de travail on été maintes fois dénoncées alors que les profits pour les actionnaires représentent 120 USD par tablette, soit plus de 4 fois la valeur de la main d'oeuvre ! (3) Il ne s'agit plus de partage de la valeur ajoutée entre capital et salaires mais bien de l'accaparement de celle-ci par le seul capital.
- Des actionnaires et dirigeants qui croquent la pomme à pleines dents et laissent que le trognon aux peuples.
La capitalisation d'APPLE est aujourd'hui de plus de 400 milliards de dollars avec en 2012 un chiffre d'affaire de plus de 150 milliards de dollars et des résultats nets de plus de 40 milliards US, dont 36,8 milliards de dollars , au niveau mondial hors États-Unis. Sur ces bénéfices faits à l'étranger elle a versé 713 millions de dollars d'impôts, soit un taux de moins de 2 % ! ; Cette formidable machine à transformer les pommes en or a réussi à accumuler un trésor de guerre de 137,1 milliards USD de cash dont les 2/3 sont placés non pas aux USA mais à l’étranger dans divers paradis fiscaux. Ainsi le formidable succès d’Apple échappe-t'il aussi à l’impôt aux U.S.A., pays de l'invention de la souris. "C’est en tout cas la conclusion à laquelle arrive une commission d’enquête parlementaire américaine, qui va demander, mardi 21 mai, au PDG d’Apple, Tim Cook, de s’expliquer sur ce qu’elle qualifie de quête du « Graal de l’évasion fiscale »." Article "et Apple inventa l'itaxe" - Blog PERTES et PROFITS
DES ENTREPRISES INNOVANTES : UNE IMAGE EN PARTIE USURPÉE
L'histoire de cette petite souris révèle comment l'innovation et la création sont souvent captées par des grands groupes internationaux pour être transformées en machine ultra- profitable. Cette affirmation qui attribuerait aux seules vertus du capitalisme et de l'économie libérale cette capacité à développer la création et le progrès technique et ainsi de contribuer au bien être commun est particulièrement légère. C'est oublier que la transmission des connaissances et des savoirs , que la recherche fondamentale sont financées principalement par l'argent public et, sans avancées de la recherche publique , il y a peu de progrès techniques. C'est escamoter aussi que les secteurs économiques qui requièrent des investissement importants comme les transports, la conquête spatiale , et les communications, infrastructures indispensables au développement de ces multinationales, sont aussi financés par la sphère publique. C'est faire peu de cas des multiples aides publiques de l'Etat à l'innovation, aux P.M.E, à l'Export, etc...
Comme pour Apple, l'exemple de l'origine d' Internet est aussi éloquent. Ce n'est ni Bill Gates, ni les fondateurs de FaceBook ou de Google qui ont contribué à l' invention d' Internet mais bien la puissance publique(4). Les grands groupes et leurs dirigeants, par leur capacité financière ( 5 ) , de façon opportuniste, contribuent à la massification, par l'industrialisation et la production à grande échelle, des innovations qui se nourrissent des résultats de la recherche publique . Ce serait un juste retour des choses qu'une partie des profits retournât dans les caisses des États, qui par la recherche fondamentale et la formation universitaire et professionnelle contribuent à mettre à la disposition des entreprises capitalistes l'innovation qui leur permettra demain de faire des super-profits.
En dévalorisant sans cesse la part des salaires dans la réalisation de la valeur ajoutée et en pratiquant l'optimisation fiscale, ces grands groupes qui nous inondent d'objets et de services sans cesse "innovants" ne sont que des flibustiers des temps modernes qui concentrent toujours plus la richesse entre quelques mains expertes.
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(1 ) Lire l'article " Une vieille histoire de rongeur"
(2) SRI International est une entreprise américaine, dont les locaux principaux sont à Menlo Park en Californie, et qui mène des recherches dans différents domaines scientifiques et technologiques au profit du gouvernement des États-Unis ou d'entreprises privées. ( wikipedia ). Connue jadis sous le nom de Stanford Research Institute, car elle dépendait de l'Université Stanford
( 3) Voir l'article de Rue 89 "LA CHINE DECOUVRE LA FACE SOMBRE D'APPLE"
4 ) "Le réseau Internet prend forme progressivement aux Etats-Unis en utilisant l'expérience acquise du réseau ARPANET qui avait un objectif militaire.
- 1969 L'ARPA (Advanced Research Project Agency), un organisme du département de la défense américain, décide de relier ses centres de recherches pour partager ses équipements informatiques, c'est la naissance d'ARPANET, un réseau suffisamment décentralisé pour qu'en cas d'attaque nucléaire il puisse continuer à fonctionner même si une partie du réseau est endommagée. Tout une série de protocoles sont mis en œuvre, Internet va en bénéficier.
- Fin des années 70 le caractère militaire du réseau s'estompe.
- 1982 la NSF (National Science Foundation) lance le projet de relier entre eux les différents réseaux existants.
- 1984 plus de 1000 ordinateurs connectés.
- 1988 la France se connecte via l'INRIA (Institut National de la Recherche Informatique Appliquée).
- 1990, ARPANET cesse d'exister, INTERNET devient le réseau mondial dédié à la recherche civile.
- 1991 les travaux de Tim Berners-Lee, chercheur du CERN de Genève vont donner naissance au World Wide Web.
( Document Pédagogique de l'Académie de Metz-Nancy )
(5) Sans rien enlever à leur capacité démultiplicatrice dans la diffusion d'une innovation, les grandes fortunes ne sont en rien à l'origine de celle-ci. Prenons l'exemple de la biographie de Bill Gate, fondateur de Microsoft dans Wikipédia : "William Henry Gates III, dit « Bill » Gates, est un informaticien et un entrepreneur américain, pionnier dans le domaine de la micro informatique, né le 28 octobre 1955 à Seattle, dans l'État de Washington, aux États-Unis. Il fonda en 1975, à l'âge de 20 ans, avec son ami Paul Allen, la société de logiciels de micro-informatique Micro-Soft (renommée depuis Microsoft). Son entreprise acheta le système d'exploitation QDOS ( élaboré par Tim Paterson embauché par une société SCP fondée par une équipe de lycéens !), pour en faire le MS-DOS, puis conçut Windows, tous deux en situation de quasi-monopole mondial. Il est devenu, grâce au succès commercial de Microsoft, l'homme le plus riche du monde En mars 2013 sa fortune personnelle est estimée à 67 milliards de dollars"
Il est clair que l'innovation ici n'est pas de son fait ; en revanche il a servi d'entremetteur entre une petite société, la SCP, rachetée pour une bouchée de pain ( 50 000 dollars ) et un grand groupe IBM. En devenant le maillon indispensable au bon fonctionnement d'un ordinateur personnel ( le P.C.), par la diffusion mondialisée de ses systèmes d'exploitation et leur "achat contraint" par tous les clients des grands fabricants d'ordinateurs, il ne pouvait faire autrement que de devenir riche. Mais, de part cette situation monopolistique il a, en revanche, contribué à freiner l'innovation dans l'évolution des systèmes d'exploitation.
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