Asservissement payant - le 2.0 par l’exemple
Le 2.0, c’est le bonheur de tous au sein de la communauté globale, pas vrai ? Chaussez vos lunettes et venez découvrir l’autre versant du bonheur.
Le 2.0, concept tellement à la mode qu’on l’a retrouvé dans les programmes des deux bords lors de la dernière présidentielle, recouvre des tas de choses bien différentes, à la fois d’un point de vue technique et quant aux usages qu’on peut observer. Ce qui nous intéresse aujourd’hui, c’est un aspect bien précis du Web 2.0, et n’en est qu’un aspect - mais il a de quoi inquiéter tous ceux qui s’intéressent aux phénomènes de (dé)régulation au sein de nos sociétés connectées.
Le principe est le suivant : quelqu’un crée un site complètement vide en termes de contenu propre, mais qui permet de mettre en relation des gens autour d’un intérêt commun, ou du moins prétendu tel. Disons un site où pourraient se rencontrer des gens qui ont besoin qu’on tonde leur pelouse, et des gens qui ont besoin de travailler.
Jusque-là, ça ressemble à un site classique de petites annonces. Là où ça devient un site Web 2.0, c’est qu’on met en place un système dit de notoriété qui permet à celui qui a une pelouse de noter le travail de celui qui avait besoin de travailler, et qui d’ailleurs paye pour être mis en relation avec des gens susceptibles de l’employer à de menus travaux. Le système marche exactement de la même façon que pour noter un disque sur Amazon ou pour noter un vendeur sur eBay : on donne une note entre 0 et 5 étoiles, on attribue le cas échéant une médaille, et on peut laisser un commentaire en mode texte libre.
Ainsi qu’en disposent les conditions générales d’utilisation du site, celui qui paye pour être mis en relation avec des gens qui ont des pelouses doit accepter que soient visibles sur le site toutes les appréciations ; il peut les contester mais doit le faire par courrier recommandé avec accusé de réception, et ensuite c’est le site qui diligente une enquête. On l’a compris, le site se rémunère sur ceux qui cherchent du travail, sa richesse c’est donc ceux qui ont du travail à proposer, mais laissons de côté ce point de suspicion gratuite envers l’impartialité d’une éventuelle enquête et continuons d’étudier le principe de cette sorte bien précise de site Web 2.0.
De la même façon qu’un vendeur eBay a toutes les raisons d’attirer du monde sur eBay, celui qui paye pour proposer ses services de tondeur de pelouse a toutes les raisons de faire la pub de son profil en ligne, on lui confie donc du matériel publicitaire aux couleurs du site, qu’il est invité à distribuer à tout le monde. L’utilisateur payant fait donc la pub du site ; en fait, d’une certaine manière il paye même pour ça, c’est toute la beauté de la chose. A contrario, tous les éléments de son profil apportés par les autres utilisateurs du site que sont les employeurs, comme les notes et les appréciations, demeurent la propriété exclusive du site, il n’a pas le droit de s’en servir pour faire sa pub sur un autre site.
Le site, pour finir, prend bien soin de préciser qu’il n’agit qu’en tant qu’intermédiaire et qu’en aucun cas sa responsabilité ne saurait être engagée si un utilisateur exploitait le service pour commettre une infraction ou un délit ; les gens qui ont des pelouses, par exemple, sont informés qu’ils ont des obligations à remplir, déclarations diverses, respect du code du travail, etc. mais au final ça les regarde. Nulle part ils ne sont menacés de poursuite par le site en cas de commentaire diffamatoire, par exemple. Et le site ne se donne pas pour mission de lutter contre le travail au noir.
J’en conviens, c’est un exemple de Web 2.0 un peu particulier, et ce genre de choses n’existe qu’aux Etats-Unis. Eh bien, ce n’est pas tout-à-fait exact : je vous ai déjà ennuyé avec ça à propos de CareSquare, un site américain qui réunit parents et nounous sur ce principe, mais ce que je viens de vous décrire s’appelle en fait agenceservice.fr et c’est un site bien de chez nous, il est même domicilié dans mon beau pays girondin, à Gujan-Mestras. Cocorico.
Vous vous souvenez du petit carnet que présentent à leur futur employeur les personnels de maison, dans les films dont l’histoire se déroule avant-guerre ? Eh bien, selon mes informations, il a été aboli. Alors pourquoi laisser revenir le petit carnet noir, même 2.0 ? Sur Internet, les traces durent longtemps, très longtemps, et sur un site comme agenceservice.fr, tout le monde peut y accéder.
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