Bébés et papys sous étroite surveillance
Le quotidien "La Croix" consacre plusieurs articles au développement du bracelet électronique, non pas répressif mais de confort, pour les nourrissons dans les maternités et pour les personnes âgées atteintes de la maladie d’Alzheimer. La diffusion rapide de ce dispositif n’est pas sans poser des questions éthiques et philosophiques. Le président de la Cnil est d’ailleurs interrogé sur cette question.

Alex Türk rappelle d’abord que la Cnil n’a pas les moyens juridiques de s’opposer à de telles évolutions qui nécessiteraient davantage de contrôles. La Cnil n’a pas le droit d’interdire le bracelet ni les autres procédés de géolocalisation. Une déclaration d’utilisation suffit et elle peut seulement émettre des préconisations d’usage et veiller au respect des principes de la loi. Or, il se trouve que, selon Alex Türk, "C’est l’une des évolutions les plus dangereuses de notre société".
A la question "Que pensez-vous de l’usage du bracelet électronique dans les maternités ou dans les services prenant en charge des malades d’Alzheimer ?", Alex Türk, président de la CNIL répond un peu à côté en élargissant le propos et en pointant le danger potentiel des techniques de géolocalisation en général qui permettent de pister une personne en temps réel et de reconstituer tous ses déplacements. Pour alerter sur l’évolution de la société dans cette direction, il a recours à la désormais célèbre image de la grenouille plongée dans une eau qui, par degrés successifs va devenir bouillante, et n’entraînera qu’une réaction tardive de la part de l’animal.
Bracelets de surveillance dans les maternités
L’intervieweur du journal La Croix est donc obligé de recentrer en lui demandant si cela signifie qu’il est hostile à l’usage du bracelet. Ni oui ni non, répond-il, cela dépend de l’usage qu’on en fait. Dans les maternités, le bénéfice du bracelet ne lui paraît pas apporter grand-chose. Sa préférence va à la présence et à la surveillance humaines.
Alex Türk a-t-il raison ? Cela se discute. D’abord, il faut savoir qu’une dizaine d’établissements a déjà adopté ce dispositif. La Croix a enquêté à la petite maternité de Givors où la géolocalisation des nouveaux-nés a été introduite, il y a tout juste un an. Équipés d’un bracelet électronique, les bébés peuvent être localisés à tout instant par le personnel soignant. Dès qu’un nourrisson s’éloigne du périmètre de la maternité, l’ordinateur central déclenche une alarme. Il s’agit de parer aux risques d’enlèvement d’enfants ou d’échanges de nourrissons, risques qui se sont accrus avec la multiplication des familles recomposées au sein desquelles des revendications contradictoires sur l’enfant peuvent surgir. Non pas que ces événements se produisent fréquemment, mais ils surviennent sans prévenir et n’importe où. D’où l’acceptation quasi générale des parents d’un dispositif qui les rassure : sur 600 naissances enregistrées dans cette maternité, moins de dix familles ont décliné l’offre. Car il s’agit d’une offre de service supplémentaire aux services existants et non une mesure imposée.
Outre ce confort et cette sécurité apportés aux parents, l’économie comptable est conséquente. L’embauche d’agents de sécurité pour une surveillance permanente serait revenue à un coût de plus de 100 000 € par an, explique le directeur. Le bracelet, lui, ne coûte que 20 000 € la première année et devrait, à l’avenir, ne plus coûter que 5 000 € par an.
Face au succès de la mesure auprès de ses clients, le directeur de l’établissement envisage d’étendre le dispositif aux malades d’Alzheimer.
Le recours au bracelet pour les malades d’Alzheimer
Alex Türk se montre ici réticent et les membres de la Cnil sont très partagés sur ce sujet. Alex Türk souligne que, pour ces patients, un entourage psychologique est particulièrement nécessaire et que le recours à un bracelet ne doit pas être l’occasion de desserrer les liens.
Dans la pratique, les hôpitaux et maisons de retraite commencent à utiliser le bracelet pour localiser les malades d’Alzheimer ou atteints d’autres formes de pathologies présentant des troubles de l’orientation. C’est un excellent moyen de prévenir les fugues par lesquelles ces patients se mettent en danger. En outre, des heures de recherche sont nécessaires pour retrouver les fugueurs et cela sollicite beaucoup de gens. Brigitte Renault, l’une des responsables du Centre communal d’action sociale (CCAS) de Laval, raconte à La Croix que, depuis la mise en place du bracelet, les équipes des trois établissements équipés "travaillent sereinement ". "Si un résident équipé d’un bracelet passe la porte de sortie de la maison de retraite, les aides- soignants en sont immédiatement informés par une sonnerie et peuvent rattraper la personne avant qu’elle ne s’éloigne." En plus du gain de temps constaté, les pressions sur le personnel se réduisent et les tensions aussi.
L’association France Alzheimer a mis en place un groupe de travail sur la question des bracelets. Elle conseille aux professionnels et aux proches de patients de s’entourer de précautions : s’assurer auprès de la Cnil de la régularité du dispositif choisi, recueillir le consentement écrit du malade et permettre que son choix soit réversible. Elle ajoute cette recommandation : "que l’espace de liberté consenti au malade puisse être amélioré, que l’outil ne soit pas porté tout le temps et que son introduction ne soit pas un alibi pour réduire le nombre d’aidants".
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