Biomass to liquid, pas si simple
Face aux limites évidentes des agrocarburants produits actuellement (de première génération), les promoteurs de ces carburants nous ont dit « attendez un peu, on va faire de la recherche et dans quelques années, en récupérant les déchets organiques divers (résidus agricoles,forestiers, ménagers) on va mettre tout çà dans une grande marmite mettre un peu de poudre de perlimpimpin dedans (un catalyseur) et ça va chier des barils de carburant liquides de deuxième génération comme si il en pleuvait et que même les émirs saoudiens vont en pleurer.
Une première réponse toute simple est qu'actuellement on ne compte pas d'installation capable de produire de carburant liquide (donc hors biogaz)à partir de biomasse ligneuse. Le projet le plus avancé, celui de la société Choren a fait faillite. Il y a bien d'autres projets de démonstrateur à taille réduite (qui vont liquéfier plus de subventions que de biomasse) mais passer à une exploitation commerciale bute sur des limites que je vais exposer.
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les agrocarburants de première génération.
On distingue deux filières :
Celle de l'éthanol à partir de la fermentation des fractions glucidiques (essentiellement saccharose de canne à sucre ou de betterave et amidon de mais ou autre céréales) la technologie est dérivée des alambic de wisky et autres bouilleurs de cru, qui fourni un éthanol à 96% suivi d'une déshydratation finale (zeolithe ou chaux) pour obtenir de l'alcool absolu. Cet éthanol (utilisable dans les moteur essence) peut être éventuellement condensé avec l'isobutène pour obtenir un ether au propriété similaire à l'essence . Çà tombe bien l'isobutane est produit en quantité dans les pétroles de schistes
Celle du biodiesel à partir des fractions huileuses. La technologie est dérivée des pressoirs à huile. Cette huile peut éventuellement être utilisée telle quelle dans les moteur type diesel (problème de viscosité) ou trans-estérifiée à l'aide d'un alcool (méthanol ou éthanol).
Ces filières utilisent des techniques relativement simples dont le principe est connu depuis fort longtemps. Leurs limites sont :
*La concurence avec les cultures vivrières. Ce serai une des causes des émeutes de la faim de 2008 à l'origine du slogan « manger ou conduire il faut choisir » . Mis à la sauce de l'ultralibéralisme ambiant ça va donner « les pauvre vont crever pour que les riches puissent conduire »
*Un potentiel extrèmement limité par rapport à la consommation pétrolière mondiale : au mieux quelques Mbaril/jour, à mettre en face d'une production pétrolière proche du pic de l'ordre de 90Mbaril/jour
*Un bilan écologique désastreux tant sur le point du réchauffement climatique (dégagement de N2O du au engrais azotés+ carbone dégagé par déforestation et labour que sur celui de la perte de biodiversité (remplacement de foret ou prairies naturelle par monocultures intensives
*Un rendement physique (le fameux EROEI) tout juste supérieur à 1, un peu meilleur pour les filières canne à sucre et huile de palme, due à leur productivité intrinsèque et à l'absence de nécessité de replanter tous les ans.
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les carburants de deuxièmes générations utilisent les fractions auparavant dédaignés :
La cellulose, polymère de sucre difficilement hydrolysable donc difficilement fermenticible par les levures classique. Elle est de plus très intriqué dans les fibres de lignine.
La lignine, principal composant du bois, polymère très complexe comportant de nombreux noyaux phénolique. Non hydrolysable, non fermenticible elle est naturellement dégradé par les champignons en acides humique et participe à la formation d'humus.
Là encore il n'existe pas énormément de filière. La voie la plus prometteuse reste la gazeîfication suivi d'une réaction de Fischer-Tropcsh, Qui présente l'avantage (par rapport aux autres) de pouvoir aussi transformer (et donc valoriser) la lignine.
III) La loi des rendements décroissants
Cette loi est capitale à comprendre. Elle résulte d'optimisations économiques. Elle stipule que ce qui est simple et donne des bon résultats avec un investissement minimal est réalisé en premier.
Ainsi :
Il est plus simple de faire passer la consommation d'un véhicule de 20l/100km a 10l que de 10l à 5l.
Lors de l'exploitation d'une ressource on commence par celle le plus facile d'accès : on à commencé a chercher du pétrole sur terre et a faible profondeur et ensuite on le cherche off-shore et de plus en plus profond.
Si une heure de travail le soir peut faire facilement faire passer la moyenne d'un élève de 8 à 12, en revanche, passer de 12 à 16 risque de nécessiter 2h supplémentaires. Si votre rejeton préfère expédier ses devoirs en une demie-heure quite à récolter des notes passable pour s'affaler devant sa série préférée, il optimise à sa manière cette loi.
Avant de raler contre la pollution atmosphérique il est légitime de s'arrêter de fumer : l'investissement est bien moindre pour un gain d'espèrance de vie est à coup sur plus conséquent !
On pourrait multiplier les exemples à l'infini.
Appliqué aux agrocarburants cela donnerai : on a commencé par ce qui était facile techniquement, immobilisait peu de capitaux et nécessitait peu de recherche : la première génération.
La développement de la deuxième génération risque fort d'être plus poussif, d'avoir des rendements plus faibles, certes compensé par une ressource plus abondante. De nécessiter des investissements plus poussés, donc d'immobiliser beaucoup plus de capitaux etc....
IV) la réaction de Fischer-Tropsch mérite un pargraphe à part.
Beaucoup parlent de cette réaction, peu l'écrivent : nCO + 2n H2 => (CH2)n + n H2O
Catalysé par fer ou cobalt. La longueur des molécules (n) dépend du catalyseur et des conditions opératoires, ainsi on peut orienter la réaction pour produire majoritairement le produit le plus rentable.
Cette réaction a été inventée par des ingénieur-chimiste allemands (qui ont laissé leur nom à la réaction) et a initialement servi à l'Allemagne nazie pour fabriquer du pétrole à partir du charbon.
Voici les étapes préliminaires
coal to liquid alias CTL(ou liquéfaction du charbon)
C + O2 => CO (gaz à l'air)
C + H2O => H2 +CO2 (gaz à l'eau)
gaz to liquid alias GTL(ou liquéfaction du gaz)
Nb ici on ne parle pas de liquéfier le méthane à -169°c (GNL), mais de le transformer en un autre hydrocarbure liquide à température ambiante
CH4 + H2O => CO + 3H2 (vapocraquage du gaz naturel)
biomass to liquid alias BTL (ou liquéfaction de la biomasse)
biomasse (gazéification)=> CO+ H2
La thermodynamique, toujours cruelle fait perdre au moins la moitié de l'énergie contenue dans le combustible initial. Il en résulte deux conséquences :
l'EROEI d'une telle fillière, par rapport à l'utilisation directe, est divisée par plus de 2 (les pertes énergétique+ l'amortissement de l'énergie grise de l'usine.
La rentabilité financière exige que la valeur des produit exprimée en $/Mtep soit largement supérieure à 2 fois le coût des intrants exprimé en $/Mtep.
Nb : il existe, pour le charbon seul, une voie dite directe, qui permet un rendement un peu meilleur, mais avec un produit de moindre qualité (hydrocarbures aromatiques cancérigènes) qui est souvent privilégié à la filière fisher tropch (du fait du meilleur rendement).
V) Les limites (financières) de la filière biomasse to liquide (BTL)
Sur ce lien (page 4/13) :
http://www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/Biocarburants.pdf
Il est précisé que le rendement massique espéré est de l'ordre de 15% (de 14à 17%) c'est à dire qu'il faut enfourner 1 tonne de paille pour 150kg de gasoil (moins de 200l) (la densité énergétique de l paille étant très inférieure a celle du gazoil. Il résulte de ce ratio que la rentabilité exige que le prix de la tonne de paille « au pied du gazéificateur » (ou autre biomasse) doit être très inférieure à 200l d'hydrocarbure « en sortie d'usine ». (Le rendement peut etre porté a 20% avec ajout d 'energie exterieure : voie allothermique, mais quel interêt ?).
C'est là qu'il faut commencer à pinailler.
d'après divers sites le prix de la paille en andain (en ligne sur le champs) est de l'ordre de 20 E/tonne
(par ex http://www.agriculture-npdc.fr/prix-et-indices/prix-de-la-paille-et-des-fourrages.html). On y découvre avec stupeur que la paille n'est pas sans intérêt financier. Laisser les pailles sur le champ présente en outre un intérêt biologique : leur décomposition recharge le champ en humus et limite les pertes en fertilisant. Certains éleveurs sont heureux de l'échanger contre du fumier. L'argument de non concurrence avec la production alimentaire commence à prendre du plomb dans l'aile
Il résulte souvent un prix à la livraison courte distance de 60 euro/tonne
la consultation de cette page de calcul est encore plus instructive :
www.pardessuslahaie.net/.../f764f4784093838a19aa3c723d2345aba13d
à 2,5 t de paille/ha (production moyenne) le coût du transport sur 50 km (au fioul détaxé) est de 60e/2,5t, auquel il faut ajouter un coût incompressible de pressage-chargement déchargement de 40e/2,5t : on retrouve nos 40 euro/t de transport.
Rien que le coût de la paille dans le litre de biofuel serait de 60e/200l = 0,3 euro/l pas négligeable : A 80 euro/baril(159l) le litron de pétrole brut n'est qu' a 0,5e
Le pdf sur le lien suivant confirme que 60euro/t est plutôt une limite inférieur du prix de la biomasse « au pied du gazeificateur » :
www.ac-bordeaux.fr/Etablissement/AFallieres/.../biomasse%20agricole.p...
Continuons de pinailler
Soit une usine BTL au milieu d'une cambrousse qui crache de la paille de céréale à 2,5 t/ha. Dans un rayon de 50 km il y a 7850 km² soit 785 000 ha.
Le potentiel de production (supposons une récolte/an) de 2 million de tonne de paille.
Soit un potentiel (15%) de 300 000 t de biofuel/an (approx 6000 baril/jour). Des clopinettes pour ce genre d'industrie quand la taille minimale d'installation CTL ou GTL est de 12 000 baril/j (plutot 10 fois plus). Par contre un rond de 100 km de diamètre est loin d'être négligeable pour un pays comme la France
Car soyons clair, ce genre de transformation est hors de portée d'un blaireau décroissant, ennivré par le succès de sa cuisinière au biogaz de toilette sèche, et souhaitant s'extirper un peu plus des griffes de Babylone. Non là on est le domaine de la « zehr gross industrie », des usines à gaz (c'est le cas de le dire) et ce d'autant plus que la purification du syngaz (le mélange CO+H2) des goudron, cendres et souffre n'est rentable que pour les grosses installations. Cette purification est indispensable pour ne pas empoisonner le catalyseur. (C'est d'ailleurs le talon d'achille de cette filière).
Si on double le rayon d'approvisionnement en paille, la capacité de l'usine peut quadrupler, permettant de substantielle économies d'échelle, mais alors on augmente le coût du transport.
Il en résulte un véritable défi de dimensionnement des usines pour les promoteurs de cette filière : trop petite, c'est l'usine qui n'est pas rentable ; trop grosse, c'est le transport de la biomasse qui ne l'est plus.
Existe t-il une taille rentable ? J'en doute. La récente baisse du prix du pétrole, sur fond de règlement de compte géopolitique, a du ajourné bien des projets.
Voyons les chiffres de Choren, l'entreprise qui n'a pas su convaincre ses partenaires de cracher 1 milliard (pas grand chose) pour une usine de taille commerciale : 1millard d'euro d'investissement, 1million de tonne de biomasse liquéfié en 200 000t (260 million de litres) annuellement. A frais fixes amorti sur 25 ans à taux 0 et à coût de fonctionnement nul hormis achat biomasse (le rêve quoi) le coût de liquéfaction minimum est de 0,15 eur/l
à ces coût il faut ajouter : les intérêts, les salaires, le renouvellement des pièces et du catalyseur et … le gaz pour aider à la gazéification, car le rendement de 20% annoncé n'est possible qu'avec une source d'energie annexe (voie allothermique). Je n'ai même pas encore evoqué l'espèrance de rémunération du capital investi sans laquelle aucun projet ne se réalisera.
L'image d'Epinal d'une filière qui laisserai le grain aux hommes et aux bêtes et se contenterai de la paille sans concurencer la production alimentaire et sans conséquence environnemental prend un deuxième coup de plomb dans l'aile :
c'est bien du Miscanthus, plus productif (10à 20t/ ha), qu'il faudrait et sur plusieurs centaine de km² pour une rentabilité maximale de l'usine. La canne à sucre, championne en productivité de biomasse avec des pointes à 80t matières sèche/ha (secteur irrigué) serait aussi une meilleure candidate.
Il faut aussi noter que toute surface à proximité non dédié à l'alimentation de l'usine serait une épine supplémentaire dans la rentabilité de l'usine : genre habitation, terrain trop escarpé, réseau routier non optimal, agriculteur trop bourrique ou pas assez rémunéré (a ce sujet, décider d'installer une usine, c'est aussi passer des contrat d'approvisionnement très long terme avec la majorité les agriculteurs à proximité) .
Alimenter l'usine en bois pose les même problèmes : productivité similaire, coût d'abattage, coût de transport
Il est à noter que ce qui limite le développement de la biomasse to liquid, à savoir une faible densité énergétique par masse et par surface ne joue pas pour les filières gas et coal to liquid, qui sont surtout limitées par l'investissement initial à amortir et les risques financiers afférents(et par les réserves en place)
Une petite comparaison avec le charbon est très instructive
1 tonne de biomasse à 60 E donne 200 l d'hydrocarbures soit 0,3E/l d'intrant
1 tonne de charbon à 20E donne 2,5 barril soit 400l d'hydrocarbures soit 0,05 E/l d'intrant.
Les cout de liquéfaction à ajouter sont sensiblement les mêmes (filière similaire)
« ite missa est » : si on doit faire « quelque chose to liquid », se sera du charbon ou du gaz, bien avant la biomasse.
Le projet « bioTfuel » porté par Total est a mon avis mieux pensé : adossé a une unité de CTL auquel il sert de cache sexe ecolo : la biomasse probablement valorisé en hydrogène (CO+H2O=> CO2+H2), lequel est injecté dans une unité de CTL en voie directe(meilleur rendement). C'est là le seul avenir rentable à moyen terme pour ces agrocarburants de deuxième génération.
La canne à sucre est aussi un éventuel candidat pour les régions qui peuvent en produire. (et dont les frais salariaux sont plus bas), mais la bagasse est souvent déjà réutilisée (brulée) pour l'électricité et les besoin en vapeur des sucreries. là aussi, les bresiliens feront du BTL avant les européens
Mais tout ces projets ont certainement été mis en veille par la récente chute des prix pétrolier à 60$ le baril (0.3eur/l), sur fond de règlement de compte géopolitique qui à coup sûr réduit à néant tout espoir de rentabilité à court terme.
quelques pdf si les liens ont sauté :
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