Brevets et musique... même combat
Des limites pour explorer une nouvelle relation au droit de la propriété intellectuelle.
Un brevet est comme chacun le sait un titre de propriété industrielle/intellectuelle qui confère à son titulaire un droit exclusif d’exploitation sur l’invention brevetée. Ce titre a une durée limitée, généralement vingt ans, voire vingt-cinq dans le cas de certains produits pharmaceutiques. Le brevet n’est valable que sur un territoire déterminé.
Les brevets sont supposés donner les moyens aux industriels de développer leurs produits, de garantir un retour sur investissement de leurs recherches. Dans certains secteurs, comme le secteur de l’industrie pharmaceutique, ces brevets conduisent à des profits extrêmement importants.
James Bessen, qui a créé dans les années 80 plusieurs logiciels d’édition, n’a jamais déposé de brevets, tout simplement car à cette époque le brevet d’un logiciel était impossible. Il s’est donc intéressé à la rentabilité des brevets, venant d’une industrie florissante où ils ont été largement ignorés.
James Bessen s’est associé à l’économiste Michael Meurer, dans une série d’études qui alimentent un livre (Do patents work ?) pour étudier la réalité de l’économie des brevets. L’argument utilisé par Bessen et Meurer est simple : le coût pour les entreprises des procès concernant les brevets (pour faire valoir leur droit ou lorsqu’elles sont accusées de contrefaçon) dépasse les revenus qu’elles en tirent. En 1999, par exemple, les firmes américaines ont ainsi encaissé 9,3 milliards de dollars de revenus grâce à leurs brevets. Mais elles ont dépensé 16 milliards de dollars en procès... A partir de statistiques entre 1976 et 1999, les deux auteurs ont montré qu’à partir de la fin des années 90 la croissance des frais d’avocats et d’experts, également des sanctions liées aux procès, a commencé à dépasser leurs profits industriels. Les choses s’empirent d’année en année : en 1999 il y a eu environ 2 300 procès liés a la contrefaçon de brevets, en 2004 près de 3 000 !
Bien sûr, ces résultats macroscopiques ne donnent pas toute la réalité de la situation, très différente dans la pharmacie ou dans l’automobile, dans les PME ou les multinationales. Il y a des gagnants et des perdants, comme dans toute activité.
Certains économistes prônent une abolition du système de brevets qui, s’il fonctionnait pour de petites structures, devient inefficace lorsqu’il s’agit de grandes corporations : David K. Levine et Michel Baldrin de l’université de Washington, par exemple, sont les ardents défenseurs de cette théorie.
Considérez maintenant ce qu’il se passe dans le domaine de la musique par exemple. Sous la pression des fichiers numériques échangés sur internet, et avec une baisse significative des ventes de CD, Sony met fin début 2008 à la protection anti-copie pour ses titres vendus au format numérique. Elle devient ainsi la dernière des quatre majors du disque à abandonner les dispositifs DRM (digital rights management) permettant l’écoute d’un fichier sur n’importe quel type de lecteur, et qu’elle qu’en soit la source. Malgré tout, 50 ans est la durée standard de protection des droits voisins des producteurs en Europe, et il n’est pas question de l’écourter, bien au contraire. Aux Etats-Unis, en 1998 elle a été allongée à 95 ans, voire même à 120 ans dans certains cas. Dans le même temps des discussions ardues ont lieu, sur la manière de réécrire la loi en ménageant les droits acquis, c’est-à-dire les droits des musiciens et producteurs, et en traquant avec précision les internautes qui échangent des fichiers musicaux... ce surtout depuis que quelques musiciens moins connus diffusent leurs fichiers gratuitement. L’un des effets des nouvelles technologies est de faire en sorte qu’il est de plus en plus difficile de faire respecter les formes les plus traditionnelles de propriété intellectuelle, tout en souhaitant qu’elle soit renforcée...
Bien que d’un point de vue juridique et légal leur histoire soit différente, brevets et droits d’auteur partagent bien des caractéristiques communes : inefficacité grandissante d’une législation toujours plus complexe censée les protéger ; localisation de règles par pays dans un monde d’échanges globaux ; législation toujours en retard d’un cycle technologique... Certains prônent purement et simplement la suppression de ces notions issues d’un monde de la précédente révolution industrielle, dont les échanges d’information étaient basés sur l’imprimerie...
Et vous, quelle est votre opinion ?
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