Covid-19, vaccin inefficace, science en difficulté ?
1) Nous savons maintenant que la virulence du SARS-CoV-2 s’explique en grande partie par le développement des réponses immunitaires, différent selon les patients, plus ou moins efficace. Avec comme particularité une capacité à interférer avec ces défenses et les « neutraliser » en quelque sorte. Le coronavirus interfère avec la production d’une interleukine déterminante, l’interféron de type I. C’est ce qu’affirmait en mars 2020 un Virologue japonais : « La protéine non structurale nsp1 du SRAS-CoV et du MERS-CoV est la plus étudiée parmi les CoV ; elle est connue pour inhiber l’expression du gène hôte par traduction arrêt et dégradation de l’ARNm de l’hôte. Cette stratégie à deux volets de nsp1 inhibe l’expression du gène IFN. Des modèles murins de SRAS-CoV ont révélé que la réponse dérégulée de l’IFN de type I est un facteur déterminant dans d’induction d’une pneumonie mortelle. Ces données accumulées indiquent que la nsp1 du CoV est un facteur de virulence majeur. Nous supposons que le nsp1 du SARS-CoV-2 a une fonction similaire à celle du SRAS et du MERS-CoV. » (W. Kamitani, Proceedings for Annual Meeting of The Japanese Pharmacological Society 93:2). En fait, nombre de coronavirus sont connus pour « déjouer » les réponses immunitaires. L’un des mécanismes les plus étudiés est la déficience de production d’interféron. Ce mécanisme a été étudié pour d’autres virus appartenant à des familles différentes mais ayant un point commun avec le coronavirus ; ce sont des virus à ARN simple brin de polarité positive. Comme le virus responsable de la dengue, de l’infection Zika ou du chikungunya ; le premier étant un alphavirus et les deux autres des flavivirus.
Les stratégies virales pour déjouer les défenses immunitaires sont connues depuis longtemps, engendrant de ce fait un problème de santé publique signalé dans un article prémonitoire par deux virologues néerlandais qui, dans une recension parue en octobre 2019, alertaient sur la virulence des alphavirus, flavivirus et coronavirus pouvant émerger et générer des épidémies grâce à aux possibilité de se faufiler dans les mailles du système immunitaire et de s’en échapper (T. Nellemans, M. Kikkert, Viruses, 2019). Cet article porte essentiellement sur le contournement de l’immunité naïve (innée) et précisément la production d’interféron de type I, interleukine dont la déficience a été observée dans les cas aggravés de Covid-19.
2) Lorsque les virologues disent qu’un virus a développé des mécanismes pour neutraliser les défenses immunitaires, c’est une vue de l’esprit, une formulation commode pour décrire la virulence mais qui n’explique pas la réalité. Le virus n’est qu’un assemblage inerte de molécules qui une fois entré dans une cellule vivante, devient alors un agent répliquant, façonné au gré des mutations et recombinaisons. Au fil du temps, les combinaisons moléculaires sont favorables, le virus parvient à se répliquer avec plus d’efficacité. Est-ce le virus qui invente des stratégies ou bien le système immunitaire qui contient des failles ? La question est ouverte. Pour y répondre, il est nécessaire de connaître les moindres détails de la réaction des cellules hôtes face à l’agent réplicatif viral. La détection des virus par l’hôte se fait de deux manières, soit lorsque les virions circulent dans les espaces liquides, soit lorsqu’ils ont fusionné avec la membrane des cellules hôtes et qu’ils sont parvenus à rejoindre les organites cytoplasmiques. Ensuite, il existe deux types d’immunité, dites innée ou adaptative. La première est censée intervenir sur n’importe quelle infection ; elle est déterminante lorsqu’un hôte rencontre un agent infectieux une première fois. L’autre immunité repose sur une mémorisation de l’agent rencontré précédemment ; elle permet la vaccination dont le principe est d’introduire dans un sujet des composants antigéniques spécifiques à un microbe, qu’il soit viral ou bactérien. La distinction entre les deux immunités est une commodité pour décrire les mécanismes de défense. Les deux systèmes de défense fonctionnent de concert, l’un agit sans la mémoire et c’est une immunité naïve, l’autre repose sur une mémoire lors qu’une précédente infection et c’est donc une immunité acquise.
Une immunité acquise met en jeu des cellules compétentes, capable de mémoriser des formes antigéniques et de s’activer lorsque ces formes reviennent dans l’organisme. L’immunité acquise repose sur les cellules T, plus spécialement les CD4 capables de détecter l’agent et les CD8 impliquées dans la destruction des agents. Bien que l’image soit trompeuse, la réponse immunitaire est une sorte de guerre menée avec des cellules spécialisées dans la mémorisation, la détection de l’envahisseur et d’autres détruisant les cellules infectées et les envahisseurs (CD8, macrophages, NK, monocytes). L’organisme a développé un autre mécanisme permettant de produire une mémoire, utilisant des protéines circulantes capables de se lier aux agents infectieux. Il s’agit de l’immunité dite humorales, utilisant deux types d’anticorps (Ig). Les uns sont liants et servent à détecter l’agent pour ensuite transmettre l’information aux cellules activées détruisant l’agent. Les autres sont des anticorps neutralisants, capables de « faire le job » en enveloppant les agents infectieux afin de les désactiver et les éliminer. Il arrive parfois que les virus déjouent les anticorps neutralisants en les utilisant pour infecter les cellules. Là aussi on se demande si ce mécanisme est vraiment une ruse virale ou bien une faille dans le système immunitaire de l’hôte.
3) L’immunité naïve constitue une première ligne de défense contre les virus, surtout les nouveaux venus. Une partie des défenses se situe à l’intérieur des cellules hôtes. Ce sont des récepteurs intracellulaires, les Toll-like receptors, TLR en abrégé. Ces récepteurs sont capables de détecter les molécules virales reconnues comme étrangères, notamment l’ARN viral. Ils ont été conservés depuis longtemps par l’évolution puisqu’on les trouve chez la drosophile. Ils sont présents dans les cellules dendritiques spécialisées dans l’immunité mais aussi les cellules B et d’autres cellules. Lorsque ces récepteurs détectent un agent viral, ils activent la synthèse de l’interféron de type I ou III. Ces interleukines déclenchent ensuite dans les cellules l’expression de centaines de gènes en activant un mécanisme de transduction spécifique de l’interféron, la kinase JAK-STAT. L’ensemble des gènes stimulés par l’interféron est désigné par le sigle ISGs. Ces gènes sont cartographiés par les techniques d’analyse épigénétiques et le résultat est désigné comme « interférome », qui représente la partie de l’épigénome spécifique de la transformation d’une cellule « dormante » en une cellule active dans le processus immunitaire, voire inflammatoire. Dans la grande famille des interleukines, l’interféron de type II, désigné chez l’homme comme interféron-gamma, intervient dans l’immunité acquise puisqu’il est spécifique des cellules T-helper (CD4) assurant une mémoire immunitaire cellulaire et des cellules T cytotoxiques (CD8) fonctionnant de concert avec les précédentes pour éliminer les agents infectieux.
D’après les nombreuses études publiées ces derniers mois, il ressort que le SARS-CoV-2 active l’immunité naïve en passant par la voie des TLR et de l’interféron de type I ; et l’immunité acquise en passant par l’interféron-gamma et les cellules T. Cette immunité cellulaire a été constatée pour le SARS-premier de 2003 et elle semble durer encore, ce qui fait une mémoire de 17 ans (bien plus que l’immunité humorale dont la durée est inférieure à un an pour ce qui concerne les coronavirus saisonniers occasionnant des rhumes, et même l’immunité humorale de deux à trois ans observée pour la maladie liée au coronavirus de 2003) Par ailleurs, cette immunité cellulaire a été trouvée chez des patients n’ayant jamais été infectés par les deux coronavirus SARS (Le Bert, 2020), ce qui intrigue les immunologistes, laissant penser que cette mémoire immunitaire aurait été acquise lors d’un contact avec l’un des nombreux coronavirus circulant chez les espèces animales. Il a aussi été constaté que la réponse en interféron-gamma est réduite chez les patients atteints par les formes graves du Covid, avec une diminution accentuée du nombre de CD4/8 (lymphopénie). De plus, l’activation de l’immunité cellulaire repose sur la reconnaissance par les cellules T de déterminants antigéniques présents sur la surface du virus, plus précisément la protéine N pour nucléocapside. C’est cette protéine qui, associée à la protéine S pour spike, pourrait déclencher l’activation du complément. Cette activation serait alors responsable (en partie) des désastres inflammatoires constatés sur les tissus et observés dans les analyses de ferritine, CRP et Interleukine-6. Ce mécanisme serait alors déclenché intempestivement parce que les autres voies immunitaires sont déjouées par le SARS-CoV-2 et notamment la production d’interféron de type I. Cette interférence entre virus et immunité est plus répandu qu’on ne le pense, responsables des pathologies causés par les alphavirus, flavivirus et coronavirus.
Les indices convergent vers la thèse d’une immunodéficience naïve « Nous avons effectué une analyse immunitaire intégrée sur une cohorte de 50 patients atteints de COVID-19 avec diverses gravité de la maladie. Un phénotype unique a été observé chez les patients sévères et critiques, consistant en une réponse fortement altérée à l’interféron (IFN) de type I (caractérisée par l’absence d'IFN-β et une faible production et activité d'IFN-α), associée à une charge virale sanguine persistante et une exacerbation réaction inflammatoire. L’inflammation était partiellement provoquée par le facteur transcriptionnel NF-κB et caractérisée par une augmentation de la production et de la signalisation du facteur de nécrose tumorale (TNF) -α et d'interleukine (IL) -6 (Hadjadj, 2020). Un autre indice penche en faveur d’une interférence virale avec les défenses immunes naïves. La protéine virale nsp16 modifie la structure de l’ARN viral pour le faire ressembler à un ARN cellulaire. Si bien que l’ARN finit par passer inaperçu mais ces résultats sont à prendre avec prudence parce que ces résultats sont peut-être des artifices et reposent sur des méthodes cherchant à cerner les pistes antivirales en jouant sur des mécanismes (en vue d’une piste thérapeutique). L’article en question ne fait même pas référence aux récepteurs TLR censés détecter l’ARN viral (Viswanathan, 2020 ) ce qui semble refléter un souci d’analyser des mécanismes et illustre les limites de la science contemporaine. En cherchant plus loin, d’autres mécanismes seront sans doute trouvés. Sans pour autant livrer les secrets des invasions virales.
4) Ce satané coronavirus a pour l’instant déjoué non seulement les défenses immunitaires mais aussi les investigations scientifiques, laissant planer des angles morts déterminants pour un (im)possible vaccin ou alors un (in)accessible traitement. Cette pandémie nous laisse perplexe sans que nous doutions de la science si performante depuis des siècles. Ce n’est pas la faute des chercheurs si la nature ne se prête pas à une explication complète des phénomènes. Il faut cesser d’être naïfs ; la science ne peut pas tout, elle ignore beaucoup de choses et bute sur des questions de santé publique comme le cancer, Alzheimer et les nouveaux virus émergents. L’impuissance de la science n’est pas d’ordre technique mais cognitif, sémiotique. En 50 ans, elle n’a pas réussi à expliquer complètement les cancers, malgré les intentions du président Nixon croyant venir à bout du problème après deux décennies de recherches et des milliards proposés sur la table. Le cancer est un problème systémique devant être abordé avec les méthodes de la biosémantique (ou biosémiotique), une question de communications, signaux, interprétations et émergences. La prolifération du virus impose une même approche. Et comme pour le cancer, une majorité d’individus passent entre les mailles alors que d’autres ne parviennent pas à se défaire de la maladie qui cause alors des dégâts assez importants dans l’organisme, en à peine deux à trois semaines. Le développement du cancer est tout autre, étalé sur des années et dépendant de processus cellulaires et génétique profonds.
Le Covid-19 doit être étudié en analysant le système immunitaire bien plus que le virus qui le cause, le SARS-CoV-2 qui du reste, est loin d’être le seul à occasionner des infections virales dont la puissance pathologique repose sur une immunité dysfonctionnelle chez certains patients. Il n’y a pas deux immunités mais une seule, ayant la mémoire ou pas d’agents rencontrés dans le passé. Le système immunitaire est composé de plusieurs dispositifs fonctionnels liés à des cellules spécialisées dans la détection et la réponse. Autrement dit, la fonction sémiotique interprétant les signaux et la fonction « mécanique » détruisant les cellules infectées et les envahisseurs. Pour résumer :
(i) Cellules T, interféron-gamma (type II)
(ii) Cellules B, anticorps, liants, neutralisants
(iii) Système du complément, trois voies, (a) classique, avec IgM et IgG, (b) alternative, (c) voie des lectines, avec les protéines MBL détectrices
(iv) Récepteurs TLR cytoplasmique, cellule dendritiques et autres, interférons type I et III
Une fois l’agent détecté, des centaines de gènes sont exprimés, produisant des protéines impliquées dans les transductions cellulaires et des dizaines d’interleukine circulant localement ou pas.
5) Cette complexité risque de poser de sacrés problèmes. On sait déjà que les traitements antiviraux ne sont guère efficaces, pas plus sur le Covid que sur d’autres infections virales. De plus, la fabrication d’un vaccin risque d’aboutir à des préparations capables de produire des anticorps mais dont la protection virale n’est pas garantie. L’immunité ne ressemble pas à un moteur d’automobile où chaque pièce assure une fonction ; elle est réalisée par plus d’une dizaine de types cellulaires impliqué dans le fonctionnement de sous-système imbriqué les uns dans les autres. Lorsqu’un de ces sous-systèmes défaille, souvent, un autre s’active et prend le relais. Les vaccins ayant eu un effet protecteur par le passé ont réussi à stimuler et « informer » des défenses immunitaires fonctionnelles. Il n’est pas certain qu’un vaccin contre le coronavirus puisse protéger les patients dont l’immunité présente des failles face à ce virus qui semble avoir été sélectionné grâce à des spécificités moléculaires le plaçant comme un agent hyper réplicateur, pouvant utiliser les dispositifs des cellules hôtes et s’y faufiler.
Hadjadj, J. et al. ; Impaired type I interferon activity and inflammatory responses in severe COVID-19 patients, Science, 13 juillet 2020.
Le Bert et al. ; SARS-CoV-2-specific T cell immunity in cases of COVID-19 and SARS, and uninfected controls. Nature, 2020. https://doi.org/10.1038/s41586-020-2550-z
Nelemans T, Kikkert M ; Viral Innate Immune Evasion and the Pathogenesis of Emerging RNA Virus Infections. Viruses, 11(10), 2019. https://doi.org/10.3390/v11100961
Viswanathan T. et al ; Structural basis of RNA cap modification by SARS-CoV-2 ; Nat Commun 11, 3718 (2020). https://doi.org/10.1038/s41467-020-17496-8
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