De jolis jouets pour les grands enfants
La technologie et la connaissance du corps humain atteignent un point qui ouvre la porte, actuellement, à tout un arsenal d’armes nouvelles. Une profusion d’armes non létales apparaissent et vont apparaître dans le domaine du maintien de l’ordre, tandis qu’à l’échelon militaire les armes à énergie-dirigée et les lasers solides permettent des exploits encore inédits dans l’art de tuer et de découper en morceaux les êtres humains.
Les armes à énergie dirigée et autres outils de coercition ou de surveillance sont l’aboutissement de recherches menées depuis des décennies, en grande majorité par l’armée américaine. Les connaissances qui sous-tendent ces nouvelles armes sont largement dues aux progrès scientifiques dans la compréhension des phénomènes ondulatoires et électromagnétiques ; et à la connaissance des mécanismes cérébraux.
Voici un petit résumé non exhaustif des nouvelles réjouissances qui attendent les manifestants, les dissidents ou les délinquants de demain (et d’aujourd’hui). Vous trouverez ici une liste plus complète, plus détaillée et tenue à jour.
Le caillou qui voit
Un certain nombre de ces gadgets est présenté chaque année au salon international Milpol. C’est à l’occasion de l’opus 2007 qui s’est tenu à Paris (le pays change chaque année) que des reporters de France Inter (là-bas si j’y suis) ont découvert l’existence d’un pavé motorisé équipé d’une caméra sans fil assez bien dissimulée pour être indétectable. Cet outil digne de James Bond est en fait utilisé depuis plusieurs années par la police, notamment lors des émeutes de 2005 dans les banlieues françaises. Sa portée varie de 2 à 5 km selon le terrain.
Le Taser
Impossible de poursuivre cet exposé sans évoquer le désormais célèbre pistolet Taser. Ce charmant jouet lance des électrodes sur sa cible à une vitesse de 50 m/s et à une distance maximale de 7 mètres, puis électrise sa victime en envoyant une série de décharges à 50 000 V / 2 mA pendant au moins 5 secondes. La personne s’effondre au sol, momentanément paralysée dans une intense douleur musculaire. Le signal électrique envoyé par le Taser interférerait avec l’onde T du système nerveux, qui correspond notamment à la repolarisation des ventricules cardiaques, moment de vulnérabilité dans le cycle des battements. L’arme est présentée comme un gadget, mais elle a déjà fait plus de 200 morts aux Etats-Unis. Ici une liste des victimes recensées en 2006.
Amnesty International, le Raidh, le Comité pour la prévention de la torture (ONU), la Ligue des droits de l’homme protestent et appellent à un moratoire sur ce type d’arme, dans l’attente d’une étude sérieuse et indépendante, qui aujourd’hui fait défaut. Las, plus de 4 000 pistolets ont d’ores et déjà été distribués aux policiers et gendarmes français, et d’autres commandes sont prévues.
En août 2006, une mobilisation de parlementaires alertés pas les associations de défense des droits de l’homme a obtenu le classement du Taser en arme de 4e catégorie, au même titre que les 357 Magnum, par exemple. Pendant ce temps, la société Taser est très active. D’un côté, elle a attaqué Amnesty International et le Raidh en justice. Elle a perdu son procès contre Amnesty ; le second est en cours. D’un autre côté, elle développe de nouvelles armes et décline l’offre de ses tasers. Il existe une version militaire plus puissante (50 000 V / 2,7 mA), et récemment une version grand public est apparue : le Stoper-C2 (sur la photo). Il est moins puissant que son grand frère le X-26, mais tout aussi efficace selon Taser. En effet, les spécifications du C2, trouvées sur le site internet de Taser indiquent une puissance exactement identique à celle du X-26. C’est seulement le nombre d’impulsions envoyées par seconde qui est un peu plus bas. La portée (4,5 m au lieu de 6 ou 7 m), ainsi que son poids léger et sa compacité (en plus de sa coque rose ou léopard) différencient également ce Taser. Très proche de son grand frère, le Taser X-26, arme de 4e catégorie, celle-ci est en vente libre en France. Cette information nous a semblé tellement incroyable que nous avons téléphoné au revendeur parisien, SMP Technologies, situé dans le 16e arrondissement pour en savoir plus. Pas de problème, nous pouvons sans difficulté acheter un Stoper-C2, cela nous coûtera 499 € plus une formation gratuite obligatoire d’une heure et demie. Nous pourrons repartir immédiatement avec l’arme en poche. Voilà qui va plaire à tous les braqueurs... en plus le pistolet fait même lecteur MP3.
Taser développe, entre autres, deux autres types de matériels : un robot télécommandé ou autonome armé d’un taser d’une part, et un système de vidéosurveillance, le Trad : Taser Remote Area Denial, capable de taser les intrus. Ce système peut aussi fonctionner de façon autonome ou télécommandée. Là où l’on va bien rigoler, c’est quand les gens vont commencer à se faire taser en rentrant chez eux ou au bureau, parce qu’ils auront oublié de couper l’alarme ! Vous pouvez voir d’abord le robot, ensuite le système de vidéosurveillance armé.
Encore plus fort, la version militaire pour protéger les sites sensibles d’une intrusion, le Taser Shockwave.
Le Quadri-France
Le ministère de l’Intérieur français est séduit par un nouvel engin baptisé Quadri-France, développé par Antoine Di Zazzo, ingénieur des arts et métiers et directeur général de Taser France. Il s’agit d’un nouveau drone doté de quatre moteurs, télécommandé et guidé par GPS, équipé d’une caméra infrarouge capable de tout observer à 360° et éventuellement d’un Taser (probablement sur le mode XREP, comme le système de vidéosurveillance), de façon à pouvoir électrocuter un délinquant, un manifestant, un intrus... à partir du ciel. L’engin a déjà été testé à Reims. Il peut voler de 0 (géostationnaire) à 80 km/h, monter jusqu’à 9 000 pieds et repérer des différences thermiques au sol d’une précision de 5 degrés. Il sait zoomer automatiquement lorsqu’il repère un suspect (individu ou départ de feu), et transmettre à la police sa position GPS et l’image enregistrée.
L’ADS
D’autres idées germent dans les cerveaux prolifiques des militaires, et nombreux sont les élus qui partagent leur hobby... L’une de leurs dernières inventions nommée Active Denial System, consiste à employer des micro-ondes à 95 Ghz et à les projeter sur une zone donnée. La portée de l’antenne que vous pouvez observer sur la photo, en l’occurrence montée sur un véhicule, est de 650 mètres environ, l’onde pénétrerait le corps de seulement 0,3 mm. En deux secondes, la surface de la peau atteint 55 °C, ce qui déclenche un réflexe de fuite. Il faudrait, selon les concepteurs du système, environ 4 minutes pour que la peau commence à brûler. Les individus qui reçoivent ces ondes ressentent une intense sensation de brûlure et doivent reculer et se disperser. On ne constate aucun effet secondaire, mais on ne sait rien sur ce que cette arme pourrait provoquer à long terme, d’autant que les seuls tests disponibles sont ceux des constructeurs. Il apparaît dans ces expérimentations que la cornée est beaucoup plus vulnérable que la peau et qu’elle risquerait d’être endommagée par ce type d’arme. Source : global security.org.
Voyez cette présentation officielle du procédé.
Le AHD
Le système AHD (Acoustic Haling Device), qui utilise la technologie LRAD, permet aux forces armées de projeter un message sonore à environ 2 kilomètres en étant certain qu’il sera parfaitement intelligible et qu’il n’atteindra que la zone visée, contrairement aux sons naturels qui se propagent de façon sphérique autour de la source. Cette technologie, qui couple un générateur de son électrique avec des ondes électromagnétiques permet soit d’avertir en diffusant un message soit de nuire en émettant des sons dont le volume est douloureux. Des systèmes de sécurité combinant écoute à distance, caméras vidéos infrarouges et AHD sont en vente. Il existe plusieurs entreprises sur ce créneau.
Les lasers
Les seuls systèmes laser connus sont du type THEL : Tactical High Energy Laser.
Elaboré conjointement par Israël et les Etats-Unis depuis plusieurs décennies, et de façon beaucoup plus intense depuis 1995 dans l’objectif de créer un système antimissile capable de protéger l’Etat hébreu des missiles envoyés par le Hezbollah, ce système, dont le diamètre n’est que de quelques centimètres, peut chauffer intensément l’acier à plus de 200 mètres de distance. Il se compose d’un centre de commande, d’un radar, d’un pointeur infrarouge et du laser lui-même. Une version mobile nommée M-THEL a été développée pour offrir la couverture d’une zone plus large, en l’occurrence la frontière Israël/Liban. Plus d’infos.
Mais
ce type d’arme cache peut-être une autre utilisation du laser, beaucoup moins
propre. Les modèles militaires de type offensif sont développés à
partir d’une technologie de laser à solide, qui permettent d’atteindre des puissances et des niveaux de miniaturisation jusqu’alors inimaginables, avec les technologies de laser à liquide ou à gaz.
Ainsi la société Northrop Grumman Corporation
a été choisie par l’armée américaine pour développer la phase 3 de son
projet de laser solide haute puissance. Disposant un budget de 56,68
millions de dollars sur 36 mois, l’objectif visé est d’équiper les
navires, les véhicules et les avions américains de dispositifs lasers
antimissiles pour fin 2010. Après la mise au point d’un laser de 67kW, record absolu, il s’agit d’atteindre les 100 kW. Le dernier modèle
est déjà capable de perforer 2,5 cm d’acier en 10 secondes (voir la photo). Comme dit Randy Buff, chargé du programme
laser à état solide pour le US Army’s Space and Missile Defense
Command :
« Nous avons franchi une étape considérable (...) Nous avons hâte d’aller dans le terrain et de faire quelque chose. »
Dont acte ? Telle est la question que l’on peut se poser en visionnant ce documentaire de 26 minutes, qui commence par décrire des situations ressemblant fort à des essais grandeur nature de l’arme laser. Les armes en cours de développement produisent des rayons lasers invisibles, ce qui correspond bien à ce qu’ont vécu ces Irakiens...
Conclusion
C’est un changement total de paradigme qui est en train de s’opérer avec ce type d’armement. Les armes laser agissent à la vitesse de la lumière, ce qui leur permet d’abattre un nombre considérable de cibles en très peu de temps. Les systèmes déjà opérationnels sont entièrement automatisés, et il est à craindre que cette option demeure une possibilité pour les applications futures, embarquées dans un avion ou sur un véhicule de terrain. Les armes à énergie dirigée se développent et elles inaugurent une nouvelle ère. Le saut est du même ordre que celui qui a suivi l’apparition de la poudre et la généralisation des armes à feu. Cette fois-ci nous allons vivre dans un monde où le vecteur de l’agression sera invisible, posté à des kilomètres, potentiellement automatisé (pas d’intervention humaine), et agissant à la vitesse de la lumière. Il y aura évidemment des parades : pour les lasers, la fumée, la poussière, la brume ; pour les micro-ondes une combinaison protectrice.
Il existe vraiment deux niveaux de développement de ces nouvelles
armes : celles, non létales, qui sont réservées aux populations des
pays en paix, notamment des pays occidentaux et celles, mortelles, que
les Etats-Unis utilisent sur leurs théâtres d’opérations, au premier
rang desquels se trouve l’Irak. Il n’est pas question pour le Pentagone
d’utiliser des armes à micro-ondes en Irak, malgré les vies humaines
qui pourraient être épargnées (cette fois-ci, véritablement ; à
l’inverse de la propagande de Taser auprès des polices). Le risque le plus élevé serait son
détournement pour en faire un instrument de torture - mais les GI’s ont
prouvé qu’ils ne manquaient pas d’idées en la matière.
Il
existe comme une culture militaire qui consisterait à vouloir tuer
absolument, et à ne pas faire confiance à des armes intermédiaires, non
mortelles. La guerre, dans son aspect traditionnel a toujours consisté
à "tuer ou être tué", ce qui explique peut-être cet atavisme. Cependant
les conflits d’un genre nouveau, comme l’occupation américaine en Irak,
marquent un nouveau type de confrontation qui ressemble beaucoup aux
dynamiques de répression ou de maintien de l’ordre. Les militaires
ignorent sans cesse s’ils sont confrontés à des civils inoffensifs ou à
des terroristes, et cela les amène à commettre d’innombrables bavures.
Dans ce cas de figure, des armes non létales seraient d’une aide
considérable. Mais elles ne sont pas employées. Elles le sont par les
polices occidentales contre leurs populations, là où cette utilisation
marque une dégradation des rapports police/population, en augmentant
les abus et les violences.
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