De l’eau dans le Gaz !
Le prix du pétrole toujours en constante augmentation pousse les gouvernements à trouver des solutions de rechange.
En France, outre le nucléaire dont on connait le danger, on se tourne maintenant vers le gaz de schiste
Lorsque les Etats Unis ont découvert cette nouvelle d’énergie, ce gaz de grande profondeur, piégé dans la couche de schiste, ils se sont rendus compte que le gisement était si grand (on évoque le chiffre de 15 570 milliards de m3) qu’ils l’ont qualifié « d’océan virtuel de gaz naturel ». lien
Depuis 2009, les USA sont devenus le premier producteur de ce gaz, devant la Russie, et on évoque dans les milieux d’affaire « un nouvel eldorado américain ». lien
De quoi s’agit-il ?
Le gaz de schiste n’est pas un gaz banal. Pour l’exploiter, un forage vertical ne suffit pas.
Ce gaz est piégé à 2000 mètres de profondeur, ou plus, sous la terre, dans le schiste, d’où son nom.
Pour l’exploiter, les spécialistes américains ont mis au point une technique appelée « l’Hydrofracturation ». lien
Il y a tout d’abord la création d’un puits bétonné, qui permet d’atteindre la couche de schiste.
Une charge explosive est placée dans cette couche, et l’explosion permet de la « fracturer ».
De l’eau, à laquelle on mélange du sable, des microbilles, et de nombreux produits chimiques, est injectée sous forte pression dans le schiste de profondeur afin de pousser le gaz vers la surface.
Un documentaire choc, « GasLand », de 102 minutes a été réalisé par Josh Fox afin de montrer les dangers de cette nouvelle technologie.
Il veut attirer l’attention des populations sur les risques de l’exploitation du gaz de schiste.
Il ne faut pas rater la séquence dans laquelle un habitant de la zone d’extraction enflamme l’eau du robinet, tant elle est saturée de gaz.
On peut voir un extrait du film sur ce lien et la totalité ici.
Une importante partie de l’eau injectée (entre 50% et 70%) reste en profondeur, produits chimiques y compris, et l’autre partie est pompée afin d’être retraitée, afin d’en extraire le gaz.
Cette eau, dans laquelle sont restés près de 600 produits chimiques utilisés, va polluer définitivement les nappes phréatiques.
Et puis ce ne sont pas moins de 200 camions qui sont mobilisés à chaque extraction afin d’évacuer le liquide de fracturation, direction les usines de retraitement.
Il peut y avoir jusqu’à 14 fracturations pour chaque puits, entre 10 et 15 puits par kilomètre carré et chaque « fracturation » nécessite entre 10 à 15 millions de litres d’eau.
Sur ce lien, l’explication en dessin.
Outre l’armada de camions, qui va encombrer durablement les routes, routes qu’il faudra aménager, et la pollution qui en découlera fatalement, l’un des risques principaux de ce type d’extraction est liée aux produits dont la composition de certains reste secrète, envoyés jusqu’à 3000 mètres de profondeur, et qui se retrouvent dans la nappe phréatique.
Mais à part ces produits dangereux polluant la nappe, le gaz va aussi s’y mélanger, et se retrouver dans l’eau du robinet en telle quantité que l’on peut l’enflammer.
Des études réalisées aux Etats-Unis et au Canada ont amené la preuve qu’il y avait des conséquences inévitables passant de la dissémination de produits hautement toxiques, à la pollution inévitable des nappes phréatiques.
Il y a un projet important en France, mené pour le compte de la société Total, et de Schuepbach Energy.
Jean-Jacques Mosconi, directeur de la stratégie de Total est plein d’enthousiasme.
Il évoque des résultats très prometteurs, grâce aux partenaires américains de Chesapeake Energy’s qui vont aider Total à réussir ces extractions. lien
Le premier à avoir fait une demande d’exploration du sous-sol est un géologue suisse, Martin Schuepbach, (Schuepbach Energy) qui pense que « le potentiel de ce gaz de schiste en France est de plusieurs dizaines de milliards de mètre cubes »
Le ministère de l’écologie a donc coupé la poire en deux entre lui et Total.
Schuepbach s’est allié à GDF-Suez, et Dale pour explorer le site de Nant au Larzac, alors que Total et Chesapeake Energy’s sont sur le secteur de Montélimar. lien
De nombreux départements sont donc visés par ces extractions : l’Hérault, la Lozère, le Gard, les Bouches du Rhône, le Vaucluse, et la Drôme.
La carte des gisements est sur ce lien.
José Bové, et d’autres, sont naturellement sur la brèche : « Pour l’instant, on est uniquement dans la logique de propagande. Toutes les firmes pétrolières se sont jetées dessus. Maintenant qu’ils se rendent compte qu’il y a des problèmes, parce que la population n’aime pas être mise devant le fait accompli, forcément ils sont en train d’essayer de trouver un moyen de revenir. Si on regarde ce qui s’est passé aux Etats-Unis et au Canada, la réalité est toute autre. Les problèmes posés par la fracturation sont des problèmes majeurs (…) si le gouvernement s’entête à vouloir imposer ces forages de cette manière là, il est évident que les gens ne laisseront pas faire ces forages, même de prospection. Il est trop tôt pour dire quelle forme prendrait cette mobilisation, mais mobilisation il y aura, c’est certain. (…) il est impossible théoriquement de faire des forages de prospection sans des arrêtés préfectoraux les autorisant (…) on est sur des territoires ou la question de l’eau est centrale et où les nappes phréatiques sont d’une fragilité extrême » a-t-il déclaré récemment. lien
Pour l’instant, l’information du public a été faite essentiellement par les militants, et la presse.
Quant à la ministre de l’écologie, interrogée sur la possibilité d’un débat public, elle n’a pas voulu commenter, ni expliquer les raisons pour lesquelles elle avait attribué des permis sans en parler aux populations.
La préfecture de région interrogée n’a pas voulu faire le moindre communiqué.
On le voit, la transparence n’est toujours pas au rendez vous.
Seule la société Total a publié un communiqué concernant les permis obtenus.
On y apprend qu’un arrêté ministériel émis discrètement le 1 mars 2010 a attribué pour une période de 5 ans, un permis d’exploiter une zone de 4414 kilomètres carrés allant du sud de Valence à la région de Montpellier. lien
L’entreprise Total a pour objectif de démontrer la présence de gaz de schiste dans la région de Montélimar, et si les résultats sont positifs, ils seront étendus à tout le secteur attribué. lien
Le petit monde politique s’agite.
Entre Jean Tibéri, l’ex maire parisien déchu, qui veut « encourager la recherche et l’exploitation de ce sous-sol minier » et Jean Michel Gonnot (UMP) qui est plus sur la réserve en demandant « si le gouvernement ne devrait pas réfléchir, dés à présent, sur les conditions particulières qui devraient être mises à leur exploitation, et ceci afin d’éviter les difficultés, les conflits et les nuisances particulières que cette exploitation pose » et en passant par Jean Louis Bianco qui interroge l’assemblée nationale « de quelle manière le gouvernement compte y associer les élus et les représentants associatifs, et surtout, l’ensemble des mesures de sécurité prévues pour garantir la protection de l’environnement pour ce type d’exploitation particulièrement risquée », on mesure tout le chemin qui reste à parcourir pour faire vivre la démocratie.
Les élus régionaux interrogés sont dubitatifs.
A part José Bové qui réclame le gel des prospections, et demande aux maires de prendre des arrêtes municipaux pour interdire les forages, on trouve des députés de gauche ou de droite qui restent dans le flou. lien
Robert Lecou (UMP) à déclaré « vous êtes le premier à m’en parler », tout comme Jean Pierre Grand (UMP) ou Kleber Mesquida (PS) qui « n’ont jamais entendu parler des gaz de schiste », ou William Dumas (PS) qui a « entendu des échos dans la presse » et se dit « franchement pas au cœur du sujet ». lien
Le PS pense « qu’un débat public parait nécessaire, et qu’un moratoire est ce qui correspond le mieux à la mise en œuvre du principe de précaution »
Les écologistes de Cap 21 et d’Europe écologie-les Verts, ainsi que le Parti de Gauche soutiennent une pétition.
Elle a récolté en 3 jours près de 3000 signatures, et on peut la signer sur ce lien.
Allons-nous assister en France à la guerre du gaz de schiste ?
L’avenir nous le dira, car comme répète régulièrement mon vieil ami africain :
« Ne met pas ton doigt entre l’écorce et l’arbre ».
L’image illustrant l’article provient de « québec-politique.com »
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