De la physique à la métaphysique. La volonté de ne rien connaître dans la communauté scientifique et le grand public
Le brouillard n’est pas que dans le ciel, il règne aussi dans l’énigmatique et incertain univers des théories physiques. Le consensus classique de la mécanique newtonienne a été balayé avec une intensité fulgurante suite à l’élaboration des deux relativités par Einstein et au développement de la physique quantique. Rappelons l’ancien système du monde avec des masses décrites par un point matériel et quatre coordonnées, trois inscrivant les masses dans l’espace et une dans le temps. Ce système a volé en éclat si bien que maintenant, personne ne s’entend sur la nature de l’espace, du temps et des choses fondamentales puisque la physique quantique rend obsolètes toutes les catégories classiques sans fournir une image précise de ce qu’elle décrit. Seules les mesures expérimentales sont indiscutables. Si A est un phénomène observé, c’est A pour tout le monde et non pas B. La physique quantique avec ses développements en théorie des champs fait douter de l’existence des particules, des objets et même des champs, sans oublier que l’espace et le temps sont aussi propres à cette physique. Mais du côté de la relativité, le temps est lui aussi devenu incertain. Avec une absence totale de consensus émis par la communauté des physiciens.
Juste quelques exemples de ce chaos interprétatif. En physique quantique, rien de commun entre les conceptions développées par Fuchs, Zureck et Tegmark ou Cramer. En plus, les physiciens n’utilisent pas tous le même formalisme. En combinant les formalismes et le sens accordés à des formules par les exégètes du quantique, on doit bien arriver à quelque dizaines d’interprétation toutes légitimes, du moment qu’elles ne contiennent rien qui soit contradictoire avec les observations. Cette pluralité de conceptions se trouve également dans le domaine de la cosmologie quantique mais aussi dans la physique statistique. Avec une conjecture récurrente et présente dans toutes les conceptions : qu’est-ce que le temps ? Carlo Rovelli et Lee Smolin, deux parmi les plus doués des cosmologistes proposent des conceptions opposées sur la nature fondamentale du temps alors qu’il en est pour douter de l’existence du temps comme donné ontologique.
Ces quelques remarques traduisent des préoccupations essentielles mais pas forcément partagée par le grand nombre pour qui la science doit se traduire par des applications pratiques et se résume à des expériences. La physique contemporaine ouvre vers la connaissance des choses, de ce qui est, bref, elle représente un chemin vers la science de l’Etre, autrement dit l’ontologie, ou la métaphysique. Les quêtes métaphysiques et spirituelles n’intéressent que peu de monde. Notre civilisation moderniste est la première à se désintéresser des questions universelles. Ce qui n’empêche pas quelques physiciens de chercher à comprendre ce qu’est la nature en étant désintéressé. Je ne veux pas dire qu’ils n’y trouvent aucun intérêt mais qu’ils ne subordonnent pas leurs travaux à un objectif pratique.
Notre époque est un Janus. La plupart des gens se ferment sur les certitudes, les obsessions, les plaisirs convenus, les recherches encadrées, mais d’autres s’ouvrent vers les interrogations métaphysiques sans oublier les égarés dans les sectes et autres délires. Si cette quête des choses fondementales a été pratiquée par quelques pères fondateurs de la mécanique quantique, elle serait devenue incontournable depuis l’introduction des quarks et les résultats de la théorie quantique des champs si l’on se réfère à un article déjà ancien publié par Barry McCoy en 1996. L’année où je soutenais ma thèse de philosophie sur une esquisse de nouvelle métaphysique. Depuis, que d’avancées dans le domaine des cordes, de la cosmologie, de la compréhension des questions sur le temps. Mais aucune image consensuelle ne se précise.
Si je suis les propos de McCoy, la physique permet de penser le monde et la plupart des gens tireraient un profit intellectuel évident en apprenant des physiciens comment on peut penser le monde, la nature, l’univers. Les ventes de livres sur le big bang suggèrent que le public est intéressé par les questions sur l’univers mais hélas, ce big bang ferme les perspective et l’origine du monde n’est pas ce qui est le plus utile à comprendre, d’autant plus qu’on ne peut pas trop penser les commencement alors que les fins nous sont bien plus accessibles sans oublier la question de l’être et du temps.
Les secrets de l’univers, de la matière et du temps résistent malgré les efforts des plus doués parmi les mathématiciens et les physiciens dans un contexte où les savoirs n’ont jamais été aussi développés. La situation ressemble à une cohorte d’explorateurs tournant autour d’une pyramide, parcourant les galeries en quête d’une salle secrète, mais revenant bredouille avec quelques découvertes sur la forme et le réseau formé par les galeries. Ou alors une assemblée de joueurs à qui on a donné des pièces de puzzle mais qui ne parviennent pas à trouver la bonne combinaison qui dessine la substance de l’univers.
En fait, la plupart des scientifiques de laboratoire, qu’ils soient physiciens, chimistes ou biologistes, adhèrent à un minimum de connaissance métaphysique. Avec certaines croyances. Notamment dans la causalité et la séparation du monde en objets qui s’assemblent et interagissent. Sans cette croyance, ils perdraient la foi en se rendant compte qu’ils se bercent d’illusion sur la nature des choses ainsi que, dans la plupart des situations, sur l’utilité à poursuivre leurs recherches. D’une certaine manière, on peut penser à un évitement des questions métaphysiques, pour ne pas dire un refoulement. Les certitudes mécanistes et déterministes s’avèrent plus rassurante et puis, je le sais par expérience, les quêtes métaphysiques ne laissent pas l’âme tranquille ni l’esprit indemne et suscitent parfois des angoisses existentielles faisant que ces recherches ne peuvent être menées sereinement pour parvenir à la vérité. Ou s’en approcher.
Ces différents contextes expliquent que les secrets de l’univers ne puissent être percés, bien qu’ils soient déjà dévoilés dans les pièces du puzzle physique. La réalité humaine est ainsi faite qu’elle fonctionne avec le principe de réalité et un autre principe antagoniste, le déni de réalité. De quoi étonner Freud. Bien que le déni de réalité ait quelques connivences avec le plaisir mais sans se situer sur le même étage. Le déni de réalité participe à la quiétude de l’âme. Mais le déni de réalité reste l’apanage du commun et non du sage comme nous l’a enseigné Héraclite pour qui seuls les initiés savent qu’il n’y a qu’un monde, les autres se pensant comme les auteurs d’un monde propre et forcément égocentré. La pratique contemporaine de la science répond à ce schéma dans la mesure où les mondes ne sont pas égocentrés mais organisés par des structures ayant une autonomie relative et de ce fait, produisant des pensées sectorisées. Je fais référence à Luhmann. Bref, la science ne peut aller vers l’universel car elle est produite par des structures qui fonctionnent d’autant mieux qu’elles se séparent des considérations globales.
La conclusion de ces quelques notes est simple. La connaissance de l’univers est maintenant accessible mais la plupart des exégètes de la physique ainsi que la biologie ont des blocages d’ordre intellectuel et ne peuvent pas accéder à la compréhension qui vient. La société telle qu’elle fonctionne a de plus intérêt à ce que les blocages persistent pour ne pas mettre en péril les structures de profit que les maîtres du système utilisent pour asservir les masses en leur pourvoyant tout de même quelques expédients utiles pour vivre décemment et j’avoue que j’apprécie ces libéralités que sont un logement, l’électricité et un véhicule pour me déplacer.
Je suis passé des sphères de la métaphysique aux considérations des plus ordinaires. Et je dois vous laisser. Les sphères de la métaphysique sont praticables et pas impénétrables. Que Dieu m’accompagne ! Expressions, informations, transformations, créations, l’univers est maintenant intelligible, autant sur le plan analytique que sur le plan holistique. Avec le Temps et son énigme.
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