Demain, les adresses IP vont peut-être nous coûter cher !
La technologie IP va arriver bientôt à saturation dans quelques années alors que la mobilité des outils de communication, la domotique et les pays émergents sont de plus en plus demandeurs. Et pourtant, la solution existe déjà.
Comme on le sait, un internaute se voit attribuer à chaque connexion internet une adresse IP de type124.56.789.01, qui est soit fixe soit flottante ou dynamique (variant à chaque nouvelle connexion) et qui correspond à ses véritables coordonnées physiques (c’est à partir de cette adresse qu’un internaute peut être retrouvé en cas de délit ou crime).
Cet adressage est supervisé par l’ICANN (Internet Corporation for Assigned Names and Numbers), une organisation à but non lucratif fondée en 1998 chargée de l’adressage des noms de domaine et de leurs extensions.
Un engorgement très rapide
Le problème, c’est que le protocole utilisé, IP version 4, utilise 32 bits en capacité d’adressage, soit 4,3 milliards de possibilités. Or, un seul internaute peut avoir besoin de plusieurs adresses IP simultanément s’il souhaite le cas échéant utiliser en réseau un certain nombre de périphériques (imprimante, PDA, scanner etc.) ou centraliser des fonctions de type domotique ou mobile.
Seulement 14 % des adresses IP possibles sont encore disponibles.
De ce fait, la pénurie d’adresses IP est prévisible à court terme, deux ans et demi selon Craig Labovitz, d’Arbor Networks qui a fait des études en collaboration avec l’université du Michigan, ou cinq ans selon Geoff Huston, de l’Asia Pacific Network Information Centre.
Cette catastrophe va rendre l’obtention d’adresse IP rare et chère (les fournisseurs d’accès internet font souvent payer à l’utilisateur l’attribution d’une adresse IP fixe).
On retrouve un peu le même problème que le passage à l’an 2000 où de nombreux logiciels n’utilisaient que deux chiffres au lieu de quatre pour enregistrer l’année.
La solution, un nouveau protocole, connu depuis bien longtemps
Depuis 1997, un autre protocole est pourtant disponible sur le marché, IP version 6. Ce protocole n’utilise pas 32, mais 128 bits pour l’adressage. Ce qui donne une capacité de 340 milliards de milliards de milliards de milliards d’adresses, soit nettement plus que IP version 4.
D’autres avantages technologiques que l’adressage sont à mettre à l’actif de ce nouveau protocole, comme, entre autres, une communication beaucoup plus rapide, de nouvelles opportunités pour le peer-to-peer et une sécurité accrue avec le chiffrement et l’authentification (IPsec).
Cette solution ne serait pour l’instant adoptée que pour 0,002 % du trafic actuel et par 0,4 % des sites internet du classement Alexa Top 500.
Le problème le plus important pour faire la migration de IP version 4 (qui date d’il y a plus de vingt ans) à IP version 6, c’est son coût. Estimé par le ministère américain du Commerce à 25 milliards de dollars pour les seuls fournisseurs d’accès internet américains.
Mais d’autres préoccupations découragent l’adoption de IP version 6. Par exemple, la faiblesse du marché actuel pour le support technique et matériel. Deux tiers de firewalls commercialisés ne seraient pas compatibles avec IP version 6 selon l’ICANN.
Les pays émergents en précurseurs
70 % des adresses IP sont actuellement détenues par les États-Unis, ce qui explique que les pays asiatiques et le développement des appareils mobiles doivent nécessairement adopter le protocole IP version 6.
Alors que les États-Unis prennent du retard en dépit des recommandations notamment du ministère américain de la Défense, au Japon, plus d’une quinzaine de fournisseurs d’accès internet avaient adopté IP version 6 en 2005 (l’État japonais propose même des avantages fiscaux pour favoriser IP version 6) et la Chine a mis en place le réseau Cernet pour des millions d’étudiants avec IP version 6.
L’ICANN a annoncé en début février 2008 le passage de six des treize serveurs racines de l’internet vers le protocole IP version 6, ce qui signifie que pour les utilisateurs de IP version 6, il n’est plus nécessaire de reconvertir leurs adresses au format IP version 4.
Aux États-Unis, un consortium regroupant des universités américaines et des grandes entreprises du secteur informatique comme Intel, Sun, AT&T, Nortel et Cisco encourage ce protocole en proposant la gratuité du trafic IP version 6.
En France, le réseau RENATER (Réseau national de télécommunications pour la technologie, l’enseignement et la recherche) utilise IP version 6 depuis 1996 et certaines entreprises le proposent également à ses clients, comme Free (depuis fin 2007 sous condition), Nérim et OVH. Orange a fait tester auprès d’une partie de ses abonnés, mais n’a pas annoncé de généralisation.
Les deux étages de la "fusée" IP version 6
Le délégué aux usages de l’internet auprès du ministre français de la Recherche, Bernard Benhamou, considère que l’enjeu du passage à IP version 6 est plus politique que technologique : « La France et l’Europe auront un rôle majeur à jouer dans la promotion et la gouvernance de ces systèmes qui représentent l’internet du futur, face notamment aux États-Unis ».
Et Bernard Benhamou d’expliquer pour les prochaines années : « Il faut bien dire que nous arrivions au bout des technologies de contournement qui permettaient encore à l’IP version 4 de survivre. L’arrivée des téléphones communiquant sur internet va représenter le premier étage de la fusée IP version 6. C’est quelque chose qui va arriver dans les mois qui viennent. Dans un second temps, l’IP version 6 va permettre la connexion sur l’internet des objets communicants dont le [réfrigérateur] est l’exemple le plus frappant. C’est le second étage de la fusée IP version 6 ». Ou même des toilettes connectées sur le réseau !
Une nouvelle perspective avec internet
Étrangement donc, ce sont donc les plus en avance pour internet qui sont les plus en retard pour le protocole IP version 6. Une possibilité de rééquilibrer les rapports de force jusqu’à maintenant souvent favorables aux États-Unis.
Et d’imaginer de nouvelles utilisations du réseau internet, avec la domotique comme une variable nouvelle (qui peine encore à décoller).
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (25 août 2008)
Pour aller plus loin :
900 jours avant la pénurie d’adresses IP (Journal du Net, 25 août 2008).
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