Faut-il repenser la théorie de l’évolution ?

La théorie consensuelle de l’évolution laisse insatisfaite une minorité de la communauté scientifique. Quelques dissidences se sont manifestées régulièrement depuis que la théorie synthétique de l’évolution (dite néo-darwinienne) fut élaborée entre les années 1940 et 1960. La revue Nature a publié le 8 octobre 2014 une mise au point intéressante dans laquelle deux camps expriment leur opinion. Les uns satisfaits de la théorie actuelle et les autres jugeant nécessaire de procéder à une refonte complète de la théorie. Parmi eux figure Kevin Laland qui se fait le porte-parole de ce nouveau courant dont l’événement fondateur fut un congrès réunissant seize spécialistes en 2008 à l’institut Konrad Lorentz. La théorie étendue et synthétique fut débattue (EES, Extended evolutionary synthesis). Ce nouveau cadre est destiné à concurrencer ce qui est devenue la théorie officielle de l’évolution, autrefois désignée comme synthétique et maintenant définie comme standard, à l’instar du modèle du même nom décrivant les particules élémentaires (SET, standard evolutionary theory).
Pour faire simple, Kevin Laland décrit la théorie standard comme un « récit biologique » dans lequel le ressort de l’évolution se conçoit comme une succession de mutations géniques transmises par l’hérédité (Mendel) puis triées par l’épreuve de la sélection naturelle. Ce triage faisant que les mutations finissent par s’accumuler dans un génome censé produire le développement de chaque individu membre d’une espèce. Dans cette critique du modèle standard somme toute convenue le génocentrisme est contesté. D’après Laland, d’autres « processus » doivent être intégrés dans la théorie alternative. Parmi lesquels quatre sont évoqués en renversant en quelque sorte l’ordre causal. Alors que dans le modèle standard (SET) ces processus sont des produits de l’évolution causée par les gènes et les contraintes de la sélection, dans le modèle étendu (EES) ces processus sont deviennent des ressorts non génétiques qui participent au grand jeu de l’évolution des espèces. Ces quatre éléments sont (i) le développement de l’organisme dans le cadre des recherches sur l’EvoDevo avec une tendance intrinsèque à la variation phénotypique, (ii) puis la plasticité phénotypique associée à l’environnement qui canalise en quelque sorte certains traits spécifiques (idée formulée il y a longtemps par Waddington et ses champs morphogénétiques), (iii) ensuite la capacité des organismes à modifier l’environnement, (iv) enfin les mécanismes non génétiques de transmission d’un patrimoine d’information (épigénétique notamment). Ces quatre briques doivent être intégrés dans la théorie étendue selon Laland.
En face, les tenants du modèle standard parmi lesquels Gregory Wray font valoir que ces quatre processus ne méritent pas tant d’attention et ne justifient aucunement une refonte de la théorie synthétique. Ces éléments participent à la description de l’évolution. Le péché originel de Laland serait d’avoir considéré le modèle standard comme un bloc monolithique incapable de progresser et d’incorporer des concepts nouveaux qui n’ont rien de novateur pour certains et seraient plus des fossiles épistémologiques que des idées importantes capables de faire évoluer la théorie de l’évolution. La plasticité environnementale d’un génotype par exemple, est une notion datant d’un siècle. Les partisans du statu quo avancent comme argument le fait que toutes les supposées innovations présentées dans la théorie étendue sont déjà incluses dans la théorie synthétique dont les principes ont été établis au milieu du 20ème siècle. Et quand bien même des innovations seraient avérées, elles ne contredisent aucunement les principes du modèle standard.
Lalande et ses confrères défendent l’existence d’une alternative entre un modèle standard de l’évolution centré autour de ses notions classiques historiquement élaborées et un modèle explicatif différent permettant de concevoir l’évolution avec des éléments déterminants, ce qui laisse entrevoir une modification de l’architectonique autour de laquelle s’articulent les notions décrivant l’évolution (pour une présentation des recherches en cours, voir le chapitre introductif de l’ouvrage collectif dirigé par Massimo Pigliucci et Gerd Müller, Evolution - The extended theory, MIT press, 2011). Comme on le constate, la controverse s’annonce assez animée, sans aucune certitude d’une issue favorable pour la théorie étendue. Néanmoins, l’histoire des sciences montre que les théories ne sont jamais définitives et que les nouveaux modèles parviennent souvent à s’imposer contre les anciennes conceptions pourtant partagées par une majorité des spécialistes du domaine. Tous les enseignements de science devraient mentionner cette fameuse déclaration de Lord Kelvin en 1892 : « La physique est définitivement constituée dans ces concepts fondamentaux ; tout ce qu’elle peut désormais apporter, c’est la détermination précise de quelques décimales supplémentaires. Il y a bien deux petits problèmes : celui du résultat négatif de l’expérience de Michelson et celui du corps noir, mais ils seront rapidement résolus et n’altèrent en rien notre confiance ». Ces deux « petits problèmes » ont alors amené deux grandes révolutions avec deux idées inédites, l’hypothèse des quanta et l’absence d’un temps de référence absolu. Deux théories en ont résulté, la relativité restreinte et la physique quantique.
Si l’on observe les discussions autour de l’évolution, on ne peut éviter de penser à la physique de 1900 avec une interrogation sur le modèle synthétique néo-darwinien qui se trouve face à quelques problèmes. Vont-ils être solutionné ou nécessiter comme dans la physique de 1900 l’introduction de notions et mécanismes inédits, quitte à aboutir à une théorie alternative de l’évolution qui tranche avec le modèle standard ? Une chose est certaine, la tendance est à replacer l’importance des gènes et de prendre des distances avec un génocentrisme qui, depuis la découverte de l’ADN et du code génétique, a « canalisé » les recherches sur l’évolution. En fait, ce récit de la dérive génétique concomitante à la phylogenèse a été vite adopté pour devenir un récit officiel, comme ce fut le cas en cosmologie avec la théorie du big bang qui a été adoptée un peu vite, sans examiner avec le même soin les théories concurrentes.
Il n’y a donc pas de conclusion possible sur cette affaire de l’évolution. Les uns s’en remettent à une théorie bien ficelée mais qui n’explique ni les origines, ni la spéciation de la vie. D’autres veulent modifier substantiellement le modèle standard. Je m’inscris dans cette seconde option avec des travaux menés à l’écart des institutions, ayant abouti vers quelques pistes inédites avec un principe déterminant, celui d’une révolution copernicienne où l’évolution doit être expliquée par la vie et non l’inverse, comme c’est le cas dans le modèle néo-darwinien consensuel. La vie est constituée par deux types de processus, techniques et cognitifs. Ces derniers permettant alors de réintroduire un ressort téléologique inhérent à la Nature. Maintenant que la cosmonadologie quantique est achevée dans ses principes, je vais peut-être poursuivre mes investigations sur l’évolution et le vivant. Il y a une place pour une grande théorie de l’évolution, en anglais, GET. Yes we can, so we G(r)E(a)T !
Voici les liens utiles ainsi que vers mon essai sur le vivant qui semble boudé ici mais qui pourrait être accueilli avec plus de bienveillance chez nos amis anglo-saxons. J’ai d’ailleurs envoyé quelques documents à Laland qui va les faire traduire. A bon entendeur
http://www.nature.com/news/does-evo...
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