Google, un géant trop puissant ?
Aujourd’hui, Google et Chrome sont de très loin les leaders mondiaux de la recherche et de la navigation en ligne, le résultat d’une stratégie commerciale millimétrée aux conséquences radicales pour tout le paysage du web
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Un leader impitoyable
93% de parts de marché en France, 90% dans le monde, 3,3 milliards de requêtes quotidiennes, 20 milliards de sites crawlés chaque jour… Ces chiffres éloquents illustrent pleinement la domination de Google, filiale d’Alphabet dans le domaine des moteurs de recherche. Véritable titan dans le secteur, il écrase littéralement ses concurrents dont les scores mondiaux sont ridicules face aux siens.
Bing est le seul autre moteur de recherche également détenu par un GAFAM : Microsoft, avec ses 2,5% de parts de marché, il est le numéro deux mondial grâce au soutien de Windows qui fait de lui son moteur de recherche par défaut sur ses navigateurs Internet Explorer et Edge. Yahoo, le plus ancien du marché, né en 1995, et qui fut autrefois le leader mondial de la recherche en ligne, se contente actuellement de 2,2% du marché. Comme Qwant (2% de parts de marché en France), il n’a de force que sa renommée. Baidu et Yandex, moteurs de recherche d’Etat des dictatures chinoise et russe, avec respectivement 1,5 et 0,9% de parts du marché mondial, ont inévitablement une position forte dans leurs pays d’origine. Ces régimes autoritaires estiment que les Etats Unis ne doivent pas avoir la possibilité de collecter leurs données personnelles par le biais de Google, Yahoo ou Bing et préfèrent pouvoir vérifier et contrôler l’activité internet de leur peuple.
Chrome, le navigateur de Google, fait aussi office de leader mais dans des proportions moins radicales : il cumule 60% de parts de marché dans le monde devant Internet Explorer (14%), Firefox (13%), Safari (5%) et Edge (5%). Certains concurrents font preuve d’une meilleure résistance face à Chrome car ils sont intégrés à des OS où ils ne peuvent être désinstallés. C’est le cas pour Edge et Internet Explorer sur Windows, ou Safari sur IOS.
Les raisons de ce succès
Si j’ai choisi de mêler moteurs de recherche et navigateurs web pour parler de la domination de Google dans ce domaine, c’est parce que les deux sont intimement liés par une redoutable stratégie. Google participe intensivement au succès de son navigateur Chrome et Chrome lui rend la pareille. En effet Google est le moteur de recherche par défaut de Chrome, donc chaque nouvel utilisateur de Chrome est également un nouvel utilisateur de Google. Quant à Chrome, il est abondamment recommandé par Google et ses sites à forte audience YouTube, Google+, Google Actualités, Google Drive ou encore Gmail. Cette publicité plutôt intrusive se fait avec la fameuse fenêtre sur la barre de navigation de ces sites, qui s’affiche uniquement sur les autres navigateurs.
Google et Chrome peuvent aussi compter sur Android, filiale d’Alphabet et leader mondial de l’OS mobile avec plus de 85% de parts de marché. En effet, sur Android, Google est le moteur de recherche par défaut de Chrome, lui-même navigateur par défaut de l’OS. Les deux services ont donc obtenu une domination encore plus intense dans le web sur mobile grâce à Android. Quant à IOS, doté du navigateur Safari, il reçoit un chèque annuel de 3 milliards de dollars de la part d’Alphabet afin que Google soit le moteur de recherche du navigateur. Comme quoi, un petit billet facilite parfois les choses ! Le petit robot vert ne laisse de toute manière guère de place à la concurrence d’IOS d’Apple qui défend péniblement ses 14% du marché, et aux défunts Windows phone et Black Berry mobile qui se contentent des miettes.
Mais le succès de Google s’explique aussi par son excellente image. Google et Chrome forment en effet bon ménage en conjuguant la rapidité du navigateur Chrome et la précision du moteur de recherche Google. Les deux compères font en effet un duo de choc unique et reconnu dans le paysage du web. Cela crée donc une meilleure performance technologique car ils sont faits l’un pour l’autre. La bonne image de la marque Google vient donc de sa rapidité, de son efficacité, mais aussi de sa simplicité. Sa fameuse page de recherche, simple et colorée, est la vitrine du groupe où passent les 5,5 milliards de requètes quotidiennes. Elle est aussi la plaque tournante de l’ensemble des service de Google (Drive, YouTube, Gmail, traduction, Google+…) en permettant d’y accéder en un seul clic. La page d’accueil de Google permet en outre de relier tout l’univers d’Alphabet en un unique compte, ce qui intensifie la fidélisation pour l’ensemble de ces services.
L’avenir de Google et Chrome s’annonce d’ailleurs encore plus florissant car de plus en plus d’objets sont à présent connectés : ordinateurs, tablettes, smartphones, téléviseurs, montres, ou lunettes. Bientôt, les voitures, les maisons et un jour l’homme seront connectés ! Presque tous les fabricants d’objets connectés se tournent vers Android car IOS n’équipe que les objets connectés d’Apple et les autres OS ont trop de retard. Evidemment, ces objets connectés sous Android embarquent tous les services d’Alphabet dont Google et Chrome. Cette domination s’intensifiera encore d’avantage avec l’émergence de l’intelligence artificielle où Google Assistant fait office de maître. Le web invisible sera sans aucun doute la prochaine révolution du web…
Les conséquences de cette domination
L’hyper domination dans le secteur des moteurs de recherche offre à Google le quasi-monopole du très lucratif SEA, véritable filon de la pub en ligne. Le Search Engine Advertising est en effet un levier publicitaire incontournable pour les annonceurs qui, pour faire apparaître leur site en haut des requêtes sont prêts à payer très cher Google.
La firme de Mountain View fait sa loi comme l’illustre son célèbre slogan « don’t be evil ». Google impose aux sites du monde entier ses critères qualitatifs pour être bien placé dans les résultats de recherche et façonne internet selon ses caprices. Les administrations européennes lui ont imposé des obligations telles que le droit à l’oubli, des limites sur les données personnelles et des réglementations sur le référencement qu’il outrepasse aisément. Quant à la question fiscale, il utilise sans scrupule toutes les failles du système pour payer le moins d’impôts possible. Cette évasion fiscale lui permet d’épargner ses milliards d’euros de bénéfices mensuels tout en devançant encore plus les petits concurrents qui eux, sont contribuables. Google fait donc un énorme pied de nez à la loi et à l’éthique en faussant la concurrence, en appauvrissant les Etats et leurs services publics et en aggravant les dettes souveraines.
Par sa position dominante, Google choisit ainsi quel site peut être vu ou pas dans le monde entier, ce qui pose également des problèmes éthiques et législatifs. Google est régulièrement accusé de censure, notamment par des sites politiques de gauche progressiste ou de droite souverainiste. Selon eux, Google les déréférencerait parce qu’ils propagent des idées pénalisant son business. En effet, la gauche progressiste défend la taxation des GAFA et la droite souverainiste veut limiter la domination du web par les sites étrangers dont Google fait partie. Il est aussi accusé de concurrence déloyale par les comparateurs de prix en favorisant largement son service de comparaison Google Shopping. Le fait que les données personnelles des internautes soient toutes centralisées dans un service unique fait aussi débat.
Google a donc le droit de vie ou de mort sur bon nombre de sites et d’entreprises, donc un poids économique prépondérant. De plus, il peut influencer les tendances et donc contrôler les esprits en imposant sa vision du monde et les valeurs qu’il prône. Sa domination abusive peut donc représenter une menace de pensée unique si elle n’est pas contrecarrée par une concurrence forte et des administrations publiques inflexibles.
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