Le graphène est un cristal bidimensionnel (plat) se trouvant à l’état naturel dans le graphite. Ses caractéristiques physiques remarquables ont déjà inspiré de nombreuses applications dans des domaines variés tels que le stockage d’électricité, l’électronique, la cosmétique ou la fabrication de préservatifs ultrarésistants souhaitée par Bill Gates. De quoi attiser les convoitises.
La Grande-Bretagne, pays de naissance du graphène
Le graphène a été identifié pour la première fois en 2004 par l’équipe d’Andre Geim et de Konstantin Novoselov, deux scientifiques d’origine russe, à l’université de Manchester en Angleterre. Les anglais n’ont pas l’intention de se laisser devancer cette fois comme ce fut le cas pour les anticorps monoclonaux découverts sur le sol britannique, mais développés et commercialisés à l’étranger. Le gouvernement de David Cameron a donc décidé d’investir dans le domaine.
En 2013, un centre graphène de 71 millions de dollars a été construit. En 2014, 2,5M£ ont été investis dans un concours d’étude de faisabilité d’applications industrielles, 14M£ dans la construction d’un nouveau centre d’innovation. Ces sommes témoignent d’une certaine volonté de l’Angleterre pour se forger de nouveaux fleurons industriels. Comme un journaliste du quotidien The Guardian écrivait en décembre dernier : « Enfin ! Voici la preuve que le Royaume-Uni sait fabriquer autre chose que des scandales bancaires et des bulles immobilières ».
Les investissements anglais s’effectuent en parallèle de ceux réalisés au niveau de l’Union Européenne qui a tout simplement cassé la tirelire en annonçant pas moins de 1 milliard d’euros sur dix ans. 76 institutions académiques et des groupes industriels de 17 pays vont collaborer sur ce projet. L’investissement initial sur les 30 premiers mois est de 54 millions d’euros. L’UE n’a pas élu l’Angleterre, pays de la découverte du graphène, pour y localiser son centre de recherche officiel, mais plutôt la Suède. Doit-on y voir l’expression d’une tension entre la Grande-Bretagne et l’UE ?
Une concurrence acharnée à travers le monde
L’Europe (Royaume-Uni compris) n’est pas la seule à vouloir arriver en premier sur le marché avec des produits commercialisables. Trois concurrents particulièrement dangereux, les Etats-Unis, la Chine et la Corée du sud, avancent à grands pas également, notamment parce qu’ils ne lésinent pas sur les moyens financiers.
Selon le cabinet Lux Research de Boston, la Chine a gravi la première marche du podium en termes de recherche et développement. « Nous estimons que le gouvernement chinois a investi dans son douzième plan quinquennal (2011-2015) environ 2 milliards de dollars » dans le domaine des nanomatériaux. La Chine est dorénavant n°1 en émission de brevets : 2200 devant les Etats-Unis 1700 et la Corée du sud 1200. Le Royaume-Uni où fut découvert le matériau ne possède que quelque 50 malheureux brevets.
La Corée du sud, pour sa part, a annoncé début Avril une percée dans la méthode de synthèse du graphène faite par l’Institut de Technologies Avancées Samsung. Elle fonde de grands espoirs sur une future industrialisation et commercialisation. A noter que la Corée a focalisé ses recherches sur les applications électroniques, domaine dans lequel elle est déjà leader.
De son côté, la firme américaine IBM a testé de manière concluante une puce radio 10 000 fois plus rapide que la précédente fabriquée à base de graphène. Ces travaux ouvrent la voie à des puces de communication sans fil plus performantes et moins coûteuses, qui pourraient équiper les appareils mobiles (smartphone, tablettes, etc.) et les capteurs intelligents de demain.
Concluons tout de même ce passage en revue par une découverte européenne annoncée le 23 avril par l’Union et développée à Dublin dans un centre de recherche. Il s’agit d’une avancée similaire à celle de Samsung permettant la production en masse de matériaux à base de graphène.
Un miracle, une révolution ?
La course à la commercialisation du graphène devrait aboutir d’ici 2020. Dans quelle mesure cette matière miracle va-t-elle révolutionner les objets de demain ? Sera-t-elle un facteur conséquent d’économie d’énergie ? Economiquement, une découverte de ce type va-t-elle générer de la croissance autant que l’espèrent les gouvernements qui y ont tant investi ?