L’actualité Internet est dominée ces dernières semaines par le débat autour du projet de loi « Création et Internet », plus connu sous le nom HADOPI, du nom de l’autorité administrative qui serait créée par cette même loi. Le débat est vif entre pro-HADOPI et anti-HADOPI. Mais ne sommes-nous pas obnubilés volontairement pour cacher d’autres objectifs ?
Une question qu’il convient de nous poser à propos du débat autour de la loi HADOPI c’est : "Pourquoi un tel manque de préparation de cette loi de la part du gouvernement ?" On peut répondre à cette question en invoquant l’amateurisme de l’exécutif, la précipitation juste avant le vote européen sur le Paquet Telecom.
Mais peut-être est-il intéressant de s’attarder sur la qualité rédactionnelle de cette loi et surtout la défense peu hargneuse de ce texte par le gouvernement, entendez par là le peu de réponses accordées par Madame Albanel et le rapporteur de ce texte, le Député Franck Riester, lors des débats à l’Assemblée Nationale (le texte de loi ayant été voté à l’unanimité par le Sénat auparavant).
Pour un projet de loi dont l’urgence a été décrétée par le gouvernement en octobre 2008, la défense de ce texte parait bien terne. Et si au fond, ce projet de loi a un tout autre but que celui de lutter contre le téléchargement illégal ? En ayant une vue plus globale, nous pourrions trouver 4 raisons pour justifier l’entêtement du gouvernement :
1) La plus connue est sans doute celle visant à faire plaisir aux majors. En effet, grâce à Internet, les artistes peuvent s’adresser directement aux consommateurs sans passer par les maisons de disques. Et les majors voient certainement d’un mauvais œil cette désintermédiation permettant aux artistes de se dégager de l’appétit gargantuesque des majors sur les bénéfices des ventes, ne laissant que des miettes à ces mêmes artistes.
2) Nous le savons, les artistes sont souvent engagés politiquement, dont une grande partie à gauche, au PS en particulier. Et il faut le reconnaître, le discours d’un(e) chanteur(se) a énormément plus d’impact que le discours d’un candidat aux législatives ou aux européennes, et apporte beaucoup au discours d’un candidat à l’élection présidentielle. Qu’est il en train de se passer actuellement ? Le débat autour de cette loi est en train de creuser un fossé entre les artistes et leur public. N’est ce pas un bon moyen pour l’UMP de priver le PS d’un moyen de communication avec ses électeurs ?
3) L’instauration d’une autorité administrative, HADOPI, qui sera en mesure de prononcer la coupure d’accès à Internet (considéré comme liberté fondamentale par 88% du Parlement Européen). Restreindre une liberté fondamentale était de la compétence exclusive du juge ; de même, cette autorité instaure un véritable principe de présomption de culpabilité. N’allons-nous pas vers une justice "privée" de l’exécutif ?
4) Enfin, la volonté d’amener petit à petit une surveillance de plus en plus accrue d’Internet, média qui a su se démarquer de la presse et de la télévision grâce aux forums où chacun peut s’exprimer librement. Si l’information peut être relativement contrôlée dans les médias traditionnels, Internet fait circuler l’information plus rapidement et sans contrainte. Hors il est indispensable pour un pouvoir politique en place de garder le contrôle de l’information.
Dans une société où la volonté de tout contrôler est sans cesse plus grande, HADOPI apparaît ainsi comme une voie ouverte à de nouvelles dérives liberticides sous couvert de vouloir protéger la population. C’est en cela que cette loi est si effrayante pour nous autres citoyens. Surtout si elle confére par la même occasion quelques avantages aux privilégiés, tels des nobles sous l’Ancien Régime.