« Headshot ! » Jouer à un FPS augmente la précision des tirs réels de 33%
Aucune recherche n'avait encore vraiment testé si les jeux vidéo dits "violents" ou "de tir à la première personne" pouvaient enseigner aux joueurs à mieux tirer dans la réalité. Il est possible de déterminer si ce type de jeux peut apprendre aux joueurs à être plus précis au tir au fusil réel. De précédentes études que nous avions déjà relevé (1) (2) détaillaient les possibilités des FPS à augmenter les capacités visuelles, perceptives, auditives et cognitives. Quant aux autres recherches menées depuis des années sur le sujet, elles tendent à montrer que les jeux vidéo sont des outils pédagogiques efficaces, utilisant de nombreuses techniques d'apprentissage, comme l'augmentation de la motivation, le renforcement des comportements et l'adaptation aux compétences du joueur.
Une caractéristique distinctive des jeux vidéo aux autres médias comme la télévision est leur nature interactive. Et l’apprentissage environnemental virtuel peut être transposé, dans une certaine mesure, à la réalité - apprendre à tirer avec une arme virtuelle pour tirer dans le monde réel est non seulement valable, mais en plus augmente la précision des tirs de 33%, comme le révèlent les récents travaux de Jodi L. Whitaker et du docteur Brad J. Bushman publiés (3) fin avril 2012 dans Communication Research, avec une étude disponible en version intégrale et gratuitement ici (4).
Le « conditionnement opérant » ou « conditionnement de type II », investi par les comportementalistes Edward Thorndike et B.F. Skinner, propose que les être humains (et différentes espèces animales) sont plus susceptibles de répéter les comportements qui ont été récompensés et sont moins susceptibles de répéter les comportements qui ont été punis (5). Le gameplay des jeux de tir violents est construit dans le sens de ces principes de conditionnement opérant. Les joueurs doivent ainsi rapidement identifier et tuer un ennemi, sous peine de « mourir » à leur tour, de devoir « réapparaître » et de perdre des points. Les conditionnements négatifs (survivre à la menace) et positifs (être récompensé en points ou félicitations immédiates) conduisent notamment à un apprentissage intense du tir virtuel. En cherchant à éliminer le plus de menaces possibles, le joueur va apprendre à tirer « virtuellement », en particulier en visant la tête.
Le transfert dans la réalité de compétences et de comportements appris avec un jeu vidéo devrait se produire avec plus d’effectivité si le contrôleur utilisé pour jouer le jeu est plus réaliste (6). Les joueurs devraient ainsi être plus aptes à tirer une arme à feu (réelle) s’ils jouent avec un contrôleur en forme de pistolet au lieu d'un contrôleur standard. Un contrôleur « gunshaped » (en forme de pistolet) peut également faciliter l'immersion dans le jeu vidéo, renforçant ainsi les effets d'apprentissage (7) (8).
Ces hypothèses sont toutes confirmées par les chercheurs de l’Ohio State University School of Communication, qui montrent, via une expérience (4) impliquant 151 volontaires - tous étudiants, que cet apprentissage ou acquis virtuel est effectif dans la réalité. Ces participants ont été divisés en deux groupes : dans le premier on a joué à des jeux vidéo « violents » (tirs à la premier personne) tandis que le second on a joué à des jeux vidéo « non violents » (n’impliquant pas de tir à la première personne). Après la session de jeu vidéo de 20 minutes, les 151 étudiants ont tiré 16 balles à partir d'un contrôleur en forme de pistolet. Les joueurs de jeux vidéo violents étaient 33% plus précis que les joueurs de jeux vidéo non violents. En plus de cette précision accrue, les joueurs de jeux vidéo violents ont visé la tête de la cible 99% plus souvent que les joueurs de jeux vidéo non violents. Des résultats toujours valables même après correction de biais éventuels, telle que la participation à des clubs de tirs.
Des recherches supplémentaires devront être conduites pour déterminer la durée de l’effet « augmenteur » sur le tir réel par les FPS, ainsi que les effets de temps de jeu différents, par jour et annuellement. Aussi, plutôt qu’un contrôleur « imitant », il serait intéressant d’observer les effets sur la réalité d’un apprentissage avec des armes particulières du FPS (virtuel), pour déterminer si l’apprentissage induit par l’utilisation virtuelle, par exemple, d’un fusil de combat moderne, est spécifiquement transposable à son utilisation réelle. Est-il également possible d'apprendre à piloter (comme on peut le faire dans le jeu FPS Battlefield 3 par exemple) via des simulateurs de vol à la première personne ? Il convient aussi de préciser que l’étude détaillée ici ne rapporte pas exactement un effet d’augmentation « dure » de la cognition, mais plutôt un « apprentissage » impliquant la cognition visuelle et le processing d’information ; le système NeuroTracker (utilisé à présent par l’armée américaine) que nous avions précédemment détaillé ici (9) semble faire appel aux mêmes mécanismes d’apprentissages cognitifs. Des apprentissages qui ont, comme relevé au début du présent article, des effets améliorateurs sur l’ensemble de la cognition dont le quotient intellectuel.
(1) http://amplicog.fr/2011/08/les-jeux-video-fps-ameliorent-la-perception-et-la-prise-de-decisions/
(2) http://amplicog.fr/2012/05/deus-ex-human-revolution-et-tout-fps-augmente-les-capacites-visuelles-et-cognitives/
(3) Jodi L. Whitaker and Brad J. Bushman (2012). "Boom, Headshot !" : Effect of Video Game Play and Controller Type on Firing Aim and Accuracy. Communication Research. http://crx.sagepub.com/content/early/2012/04/27/0093650212446622
(4) http://crx.sagepub.com/content/early/2012/04/27/0093650212446622.full.pdf+html
(5) http://www.bfskinner.org/BFSkinner/SurveyOperantBehavior.html
(6) Gentile, D. A. (2011). The multiple dimensions of video game effects. Child Development Perspectives, 5(2), 75-81. http://www.drdouglas.org/drdpdfs/Gentile-5Dimensions.pdf
(7) Markey, P. M., & Scherer, K. (2009). An examination of psychoticism and motion capture controls as moderators of the effects of violent video games. Computers in Human Behavior, 25, 407-411. http://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0747563208001842
(8) Raney, A. A., Smith, J. K., & Baker, K. (2006). Adolescents and the appeal of video games. In P. Vorderer & J. Bryant (Eds.), Playing video games : Motives, responses, and consequences (pp. 165-179).
(9) http://amplicog.fr/2012/05/les-etats-unis-vont-augmenter-leurs-soldats-delite-avec-le-neurotracker/
Auteur : A.E.
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