Connu par ses initiales, Henry Molaison est mort à l’âge de 82 ans le 2 décembre. Né en 1926, il avait été victime en 1953 d’une intervention chirurgicale au Hartford Hospital dans le cadre d’une épilepsie pharmaco-résistante. Après cette intervention, alors qu’il avait 27 ans, il ne put jamais plus former de nouveaux souvenirs. Son amnésie n’avait pourtant pas entamé ses capacités intellectuelles.
Il connaissait son nom. Il savait que sa famille paternelle venait de Thibodaux en Louisiane et celle de sa mère d’Irlande. Il se rappelait de la crise de 29, de la seconde guerre mondiale mais il ne se souvenait de rien après 1953. Il a vécu avec ses parents, puis avec de la parenté et enfin en institution à l’âge de 54 ans.
Chaque fois qu’il rencontrait un ami, chaque fois qu’il mangeait un plat, qu’il regardait la télé, qu’il entendait une histoire drôle, chaque fois c’était pour lui une première fois. Il avait la surprise de la découverte, le retour perpétuel en enfance. Il vivait ce que cherchent certains mystiques : l’instant présent.
Pendant un demi siècle, il a été considéré comme le patient le plus important pour les neurosciences. En participant à des centaines d’études, il a fait progressé notre compréhension du cerveau et des mécanismes d’apprentissage. Il a permis de vérifier ce que disaient depuis longtemps les philosophes sur la nature volatile de ce que nous considérons comme notre identité.
La mort d’Henry Molaison permet de mettre en perspective à quel point la science du cerveau a progressé. Quand Molaison a été heurté par un cycliste à l’âge de neuf ans, les scientifiques n’avaient aucun moyen de voir à l’intérieur du cerveau. Ils n’avaient guère d’idées des fonctions complexes du cerveau. Dix huit ans plus tard, quand Molaison est venu consulter le docteur Scoville parce qu’il était victime de convulsions, celui-ci décida un peu au hasard d’enlever un morceau profond du cerveau au niveau des oreilles, l’hippocampe. Après l’opération, Molaison avait changé. Le docteur Millner lui fit subir une batterie de tests. « C’était un homme charmant, patient, acceptant toutes les épreuves, mais à chaque fois que je rentrais dans la pièce c’était comme si l’on ne s’était jamais rencontré. »
A cette époque, la plupart des scientifiques pensaient que la mémoire était distribuée dans le cerveau. Il n’était pas facile de savoir quelles lésions altérait la mémoire. Ils ne voulaient pas croire que dans le cas de HM la perte de mémoire venait de l’ablation d’un petit morceau de cerveau. Pourtant, les résultats étaient là, bientôt chaque neurologue voulut son amnésique et on commença à dresser une carte du cerveau.
Les scientifiques ont vu qu’il y avait au moins deux systèmes dans le cerveau pour créer de la mémoire. La mémoire déclarative : Se souvenir des noms, des visages, des expériences nouvelles qui pouvaient être retrouvés consciemment. Fonctions situées dans les zones temporales moyennes, en particulier dans l’hippocampe. Une mémoire motrice : Subconsciente et dépendant d’autres régions du cerveau. Celle ci qui explique qu’on puisse sauter sur un vélo après des années d’arrêt et partir sans effort, ou attraper une guitare sans avoir joué pendant longtemps et plaquer des accords sans problème.
Chaque fois que HM effectuait une tâche, c’était pour lui un exercice nouveau. Pourtant il progressait en disant à chaque fois : « C’était plus facile que je ne le pensais. » La mémoire court terme de HM restait bonne. Il pouvait garder ses pensées vingt secondes.
Henri Molaison pouvait aider dans la maison, faire les courses, tondre la pelouse, ratisser les feuilles et regarder la télévision. Il pouvait vaquer à ses occupations en utilisant la mémoire acquise avant 27 ans. De cette mémoire, il pouvait raconter les randonnées avec ses parents, les tirs à la cible dans les bois près de sa maison. Il lui restait la mémoire essentielle mais il ne pouvait pas resituer et raconter les événements arrivés depuis son opération. Il se pliait avec gentillesse à toutes les expèriences.
Avait-il conscience de son apport à la science ? Oui et non. Il aimait bien participer à toutes les expériences. Il aimait les bonnes blagues et il était sensible aux gens dans la pièce. Un jour qu’une chercheuse faisait remarquer à quel point il était intéressant, HM rougit et quitta la pièce en disant qu’il ne pensait pas être si intéressant que ça.
Il a donné son cerveau à la science. Cerveau qui sera conservé et qui a été scanné la nuit de sa mort en long et en large pour tâcher de connaître au plus près quelles zones étaient exactement touchées. Il n’a laissé aucun survivant mais il a laissé à la science un héritage qui ne sera pas oublié.
Article issu d’une compilation avec pour principale source
J’ai vêcu récemment une expérience plus ou moins analogue (heureusement temporaire) !
Je devais subit une intervention de chirurgie bucco-dentaire, comme je suis assez trouillard, mon chirurgien-dentiste m’envoie chez l’un de ses confrères qui commence par injecter un produit provoquant une amnésie antérograde et ensuite utilise une anesthésie locale.
Je me souviens de la pose de la perfusion, puis, plus rien, comme si je dormais sans rêver. Ensuite, je me "réveille", l’intervention est terminée, j’ai la bouche toute gelée à cause de l’anesthésie locale, mais je ne me souviens de rien, absolument rien.
Je demande alors au chirurgien, "pourquoi, alors que vous m’avez fait une anesthésie générale m’avez vous fait, en plus, une anesthésie locale ?". Il me répond q’il n’a pas fait d’anesthésie générale, mais qu’il m’a injecté une drogue qui provoque une amnésie temporaire et comme preuve il me passe une vidéo de l’intervention (il a l’habitude des réactions étonnées des ses patients et il filme quelques séquences des interventions). Et alors, je me vois parfaitement conscient, répondant intelligement (du moins je l’espère ) aux questions qui me sont posées. Mais je ne me souviens absolument de rien de ce qui s’est passé durant l’intervention, un grand trou noir.
Dans les "accidentés" du cerveau, il y a eu un précedent.
En 1848 Phineas Gage en tassant des explosifs a le cerveau traversé par une barre à mine.
Il va vivre encore 12 ans sans alteration de son intelligence mais sa personnalité à complétement changé.
Je pense qu’il y a pas mal de cas. Je conais le frère d’un ami qui a eu une amnésie antérograde (je n’avais pas utilisé le mot mais puisque spartacus l’a fait...) suite à une méningite vers 19 ans. Lui, petit à petit, a réussi à vivre plus ou moins normalement. Il conduit une voiture mais je me souviens de l’époque où il réapprenait chaque jour l’emplacement des clés pour pouvoir démarrer.