iPad nostalgia !
Lors de sa présentation de l’IPad, hier soir, Steve Jobs a pour la première fois montré des photos de lui-même remontant à plus de trente ans, avec son collègue l’ingénieur Steve Wozniak, quand ils fourbissaient ensemble l’Apple I au fond de leur garage, et a aussi montré bizarrement le premier Powerbook 100 (dessiné par Sony pour ce modèle !) en insistant sur la nouveauté de l’engin, qui a le premier reporté le clavier au ras de l’écran et osé un pointeur au milieu de l’appareil. Tout cela m’a subitement rappelé mon premier contact avec un Mac. Cela remonte déjà à 26 ans, et quand j’y songe, je regarde le chemin parcouru et en informatique et chez Apple : il est gigantesque ! La période Powerbook, je l’ai vécue en direct, en rédigeant pour Icônes l’essai des trois modèles sortis : j’avais préféré à l’époque le plus petit et le plus léger... le modèle 100, celui qui s’est le moins vendu des trois. Comme quoi... enfin, ça ne pouvait être pire que le « portable » de Jean-Louis Gassée (de 7 kilos !).
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L’engin magique fonctionnait sans disque dur, et on passait son temps à... attendre : la disquette du lecteur externe contenait le système, celle du lecteur interne le programme, en l’occurrence MacPaint. Le bazar tournait à la vitesse effarante et vertigineuse de 8 Mhz. Chez Apple, le plus puissant aujourd’hui tourne à 2X 2,93 Ghz (sur quatre cœurs !) ! Quand on voulait enregistrer un gribouillis (les débuts avec ce qui était la souris furent difficile : au début, je ne songeais pas à la soulever, et me retrouvais soit en dehors de l’écran soit en dehors de la table, ce qui m’a beaucoup servi plus tard en formation, car tous les débutants font l’erreur !), on enlevait la disquette logicielle, on y insérait une autre vierge (i on n’avait qu’un lecteur), et on tapait le nom... et c’était tout ! Pas de slash-machin, pas de point-quelque chose, pas de "lecteur-A" quelque part... bref, la SIMPLICITE. Ensuite, j’ai eu droit à MacWrite. Ce fut encore plus magique : ce truc pouvait être aussi une machine à écrire ??? Génial, trop bien, mettez m’en quatre !! "Euh, Morice", me dit alors Gauthier, "et d’une j’en n’ai pas à te refiler, et de deux ça coûte le prix d’une R5." Voilà, c’était ma première expérience avec le Macintosh : je pouvais aller faire des heures sup !
Gauthier avait reçu avant de le vendre cet ordinateur, car Apple, c’est le nom de la boîte qui le fabriquait, avait envoyé à ses revendeurs l’appareil deux mois avant de le vendre (il n’y avait pas assez de stock de toute façon !), pour qu’ils s’y habituent. Elle a été enthousiasmante cette initiation : on a fini chez mon pote avec la lampe de bureau qui disait Hello, à jouer toute la nuit à MacPaint et à taper avec MacWrite ! En une seule soirée, j’étais devenu un adepte. Je le suis toujours, vingt-six ans après : Apple, malgré des périodes moches (la saison des horribles Performa de Spindler que Jobs avec Jonathan Ives s’est empressé de recarosser en Imac !) m’a toujours enthousiasmé. Ça, et l’autre partie de la gamme : j’ai d’abord acheté un Ipod, le plus petit du lot, et je me suis offert en 2009 un i-Touch, qui a renvoyé direct mon Palm C au rang d’appareil néolithique. Et je ne désespère pas de me trouver un jour un Cube, l’un des rares qui me manque à ma collection. Je le mettrais à côté de mon Lisa, l’ancêtre du Mac. Ça occupe quarante fois plus de place que mon MacMini.
Bref, ce jour là, j’avais pris aussi une belle claque, comme celle qu’on reçoit quand on regarde ici un Steve Jobs jeune, lire maladroitement un texte de présentation de sa machine révolutionnaire. Il insistera plus tard sur la taille de l’engin : un "petit ordinateur" annonçait-il fièrement. Sur la musique des Chariots de Feu, le Mac enfin dévoilé faisait sa demo tout seul... sous les applaudissements. 26 ans après, l’engin nouveau présente un écran de 9,7 pouces : comme le Mac de l’époque qui en faisait 9 aussi... Mais il ne pèse plus que 680 grammes, et affiche la couleur et se promène sur Internet, contre 7 kilos pour le Macintosh... sans Internet (qui n’existait pas en 1984, bien entendu).
Quelques mois après, Gauthier me faisait revenir pour me montrer un truc encore plus extraordinaire : un gros cube blanc d’où sortaient des feuilles. Par magie, à l’écran, les caractères faisaient des escaliers : passés au travers de la machine à laver les lettres, ils devenaient tout lisses. J’avais vu une des toutes premières LaserWriter, vendue à l’époque 7 patates (ouch !). Cher, mais quelle claque ! Adieu Letrasets de m..., qui se fendillaient où mettaient un temps fou à s’aligner correctement : là on tapait, ça se mettait tout droit, on changeait le caractère, ça restait droit... purée, un rêve pour affichiste était né !!
Plus tard, j’apprendrais que je venais de voir un des tous premiers Macintosh, équipé de 128K de mémoire (ça laisse rêveur, hein, des "K" et même pas des "Mo" et encore moins des "gigas" !), que le truc qui lissait si bien le caractère s’appelait le Postscript. Je n’achèterais jamais de Mac 128, même pas de MacPlus (à disque dur SCSI en option) : j’attendrais la sortie de l’Atari 1240 (dépourvu de disque dur !) pour enfin connaître les joies de l’informatique conviviale (même si sur lui on se retapait a :), et achèterais tardivement mon premier Mac en 1994, un.. Classic (je ne pouvais pas décemment en acheter un autre !). Après, je n’ai cessé d’en acheter, parce que ça marchait toujours mieux et permettait de faire plus de choses encore, au contraire de mes potes qui se sont toujours plaints de "planter". J’en ai démonté, aussi, ne serait-ce que pour vérifier des légendes : le MacPlus avait, paraîl-il, été signé par ses créateurs comme une œuvre d’art... et c’était vrai. Dedans il y avait effectivement les signatures de ceux qui l’avaient imaginé, dont celle de Steve Jobs ! Fallait être fêlé pour laisser son nom dans un endroit que 99% des utilisateurs ne verraient pas ! Trop "fun" !
Il était aussi le premier ordinateur à n’avoir que 50 composants sur sa carte mère, était de la taille (carrée) d’un annuaire des postes américain, et possédait en haut la même poignée que le Minitel, tous des trucs imposés au forceps par ce tyran plutôt sympathique qu’est Steve Jobs. J’ai pu aussi grâce à un autre pote de poids, Guillaume, que nous appellerons Sumo tant l’individu était costaud et drôle, découvrir un jour le Next signé Steve Jobs encore, et son affichage en Display Poscript qui n’a jamais été égalé depuis. Historiquement, c’est sur un Next qu’a été fait le tout premier envoi de mail... j’ai fini par dégotter un Lisa, l’ancêtre du Mac, avec sa fameuse carte mémoire de 2 mégas qui occupait tout l’arrière de la caisse. Il était vendu ici plus de 100 000 francs (15 000 euros !) quand il est sorti, en 1983.
Tout ça m’a permis aussi de rencontrer un sacré bonhomme, ici, dans le Nord, qui s’appelait Jean-Pascal Grevet, grand fan de Mallet-Stevens, qui avait fondé tout seul une revue sur la bestiole... sur le tout premier salon parisien du Mac, dès 1985, il m’avait refilé sa carte, qui m’avait fait tordre de rire par sa conception hilarante et son... gribouillis MacPaint. Le premier et seul dessin fait par "Jipé" comme tout le monde l’appelait ! Ce mec qui remettait ses "icônes d’or", était lui aussi en or, et pour saluer dignement les 26 ans du Mac, via la sortie de l’iPad, et je ne peux que lui rendre hommage une nouvelle fois, en qualité d’un des premiers abonnés et d’ancien employé de sa revue. Il est mort, hélas, le pauvre, d’une crise cardiaque... en 1996, en se rendant.. à l’Apple Expo, où il venait à nouveau proposer son magazine hautement pédagogique. Pour lui, le Mac était ce qu’il attendait : un truc où on n’a pas à devenir nécessairement informaticien pour taper deux mots, dessiner un rond et envoyer des messages sur Internet. Oh, et pas un fêlé pour autant de la techno ! A sa mort, il faisait encore la compta de son canard sur son premier Mac 128, acheté aux Etats-Unis, où il s’était rendu par pure curiosité, sans rien y connaître, un Mac gonflé sur le tard à.. 512K de mémoire !
Vingt-six ans après, la magie Mac et Apple fonctionne toujours. Le Macintosh avait été muni d’une poignée de Minitel à la demande de Jobs qui voulait se balader de pièce en pièce avec : aujourd’hui, il a largement insisté sur la même chose à propos de sa nouvelle bestiole. Allez faire la cuisine en affichant la recette, repartir dans le salon pour regarder une vidéo, répondre à un mail, etc, allez en terrasse avec... L’engin va bientôt traîner partout dans les maisons, c’est évident. Rien à ouvrir, rien à déballer, pas de câble à brancher : idéal !!! Console de jeux et gestionnaire familial, il est promis à un bel avenir. A en faire des jaloux, dont Microsoft et ses très beaux projets en forme de vaporware. N’ont pas encore tout compris, ceux-là.
Apple ne s’est jamais aussi bien porté. Il va redépasser bientôt la barre des 8-10% d’utilisateurs (aux Etats-Unis) qu’il avait déjà atteinte au temps de ses tous débuts. Financièrement, la firme Apple vaut aujourd’hui sept fois celle de DELL !!! Pour le patron de Dell, ce texan imbu de lui-même, c’est terrible : il y a plusieurs années, au retour deJobs à la tête de l’entreprise, il lui avait conseillé de fermer boutique ! Les utilisateurs Apple sont plutôt âgés, aujourd’hui (à part les graphistes branchés), mais n’en démordent pas, et les jeunes y viennent (enfin !) via les I-Pods et aujourd’hui l’iPad. L’engin ne fabrique pas de paraonïaques ("comment, vous ne mettez pas d’antivirus") ou des névrosés du matos ("t’as quoi comme overclocking ?"), voire des bras cassés de la connexion ("il a détecté tout seul mon routeur ?"), demeure toujours aussi "fun", et a gardé un look qui fait qu’on ose le montrer dans son salon. Un médecin à qui je demandais pourquoi il avait choisi un bel Imac (vert) m’avait répondu un jour "parce qu’il a un beau cul", car effectivement, vu de derrière on a pas l’hideuse forêt de nouilles qui dépasse d’une plaque de fer ressemblant souvent à une râpe à fromage. Ses patients en avaient eu marre de voir devant leur nez ces nids à poussières et ses câbles qui pendouillent, dont notamment celui de la souris de, toujours reliée de cette façon sur les PCs (ça accroche toujours autant sur les bureaux !). Sur un Mac, elle se fixe sur le clavier, sa place naturelle. Ergonomie et jugeote, tout ce qui manque aux PCs.
Et le formidable succès de l’I-Phone n’est dû qu’à une seule chose : il se dirige avec les doigts, là où les autres imposaient de sortir un stylet. Dans la démo ce sortie de l’i-Phone (voir les photos extraites en dessous), Jobs avait été fulgurant en demandant à la salle "combien en avez vous perdu de stylets ?". Je me suis senti visé : j’ai acheté la bagatelle de trois lots de trois (ça se vendait comme ça !) depuis mon Tungsten C et en ai perdu sept... le même jour il avait pointé le doigt vers le ciel en demandant quel était le meilleur pointeur existant.. la salle lui avait répondu en cœur "le doigt !"... C’était Engelbart qui gagnait encore, grâce à Jobs, car il avait dit la même chose 40 ans avant ! De la souris, on est passé à la "clockwheel" de l’I-Pod, que tous les gamins comprennent en deux minutes, et ensuite au meilleur pointeur existant : le doigt. Il aura fallu plus de vingt ans pour ça !
Le succès de la ligne Macintosh tient dans ça : ces machines ont compris ce qu’est l’être humain, et ce qu’il souhaite, tout simplement. Un gars ou une fille qui ne veulent surtout pas se casser la tête. Laissez l’informatique aux informaticiens et leur langage abscons. Faites dans le simple. C’était comme par hasard le slogan de lancement du tout premier Mac. "Plutôt que de vous apprendre l’informatique, on a fait un ordinateur qui vous comprend". Un lancement tonitruant, en 1984, appuyé par une vidéo qui restera comme l’une des toutes meilleures jamais faites sur... notre époque. Le Mac peut en effet vous libérer d’Orwell, songez-y, en décuplant vos capacités à communiquer sans pour cela vous prendre la tête. En tout cas, moi, il m’a apporté davantage de liberté. Pour une informatique souvent vécue par tout le monde comme une contrainte, avouez que c’est très fort. Je ne regretterai jamais le jour la découverte de ce premier "Hello" et cette bouille d’ordinateur qui sourit... c’était pile il y a vingt six ans et c’était hier.
Bienvenue donc à l’IPad, digne successeur des ordinateurs faciles et ergonomiques !
Demain, si vous le voulez bien, je vous parlerai de l’ancêtre de l’IPad. Ou plutôt de ses ancêtres, dont un malheureusement oublié, et qui m’a pourtant bien aidé. Non, là, ce n’est pas un produit Apple !
JPG, tu peux dormir tranquille, tes souris sont bien gardées, et arriveront bien un jour à réaliser ton projet secret : le droit à la paresse (*) pour tous, bien sûr.
* J-P Grevet c’était proposé comme candidat à Lille lors d’une élection municipale sans enjeu dans les années soixante-dix : il s’était fait interviewer dans la rue dans un lit en fer à roulettes, en affirmant "qu’il luttait pour le droit à la paresse" : mince, m’étais-je dit, ce mec qui connaît Lafargue a de l’avance sur les autres et ne doit pas un imbécile. Au premier tour, à Lille, il avait réuni 187 voix. Dont la mienne, naturellement. Quand il m’a embauché, je lui ai rappelé l’épisode. Il avait éclaté de rire, en affirmant qu’on devait donc se revoir un jour ! Travailler avec lui a été un régal : j’avais enfin trouvé plus bougon que moi !
Documents joints à cet article
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