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“L’Amoralité de web 2.0″

Comme les fraises, Nicholas Carr peut donner de l’urticaire. Mais il est peut-être le plus sérieux des critiques de web 2.0.

hippieipanema-flickr-roberto_sil.1187545924.jpg Dans L’Amoralité de web 2.0 (son essai le plus lu. Il remonte à 2005, mais vaut la peine qu’on y revienne), il dénonce les pulsions “quasi religieuses” des promoteurs d’une véritable “métaphysique du web”, les nostalgiques des années 60 qui n’ont pas encore compris que “le net concerne plus les affaires que la conscience, est plus un centre commercial qu’une commune”. Attention, Carr utilise le mot “amoral” dans son sens premier, c’est-à-dire “qui est moralement neutre”, comme nous l’explique le Robert.

Cible de choix, il s’en prend à un article de Kevin Kelly publié dans WiredNous sommes le web. sous le titre Kelly y voit une “fenêtre magique” aux capacités “étrangement divines” (spookily godlike). Dans la même veine, il prédit que l’entrée en bourse de... Netscape sera reconnue dans trois mille ans comme “l’événement le plus grand, le plus complexe et le plus surprenant de la planète”. Et comme ce genre de prophète n’est jamais à court d’images sermonneuses, il n’hésite pas à dresser un parallèle entre aujourd’hui et le fait que “Confucius, Zoroastre, Bouddha et les derniers patriarches juifs vécurent à la même époque, un point d’inflexion connu comme l’âge axial de la religion”.

Le contrepoint de Carr est imparable :

“Mon problème est le suivant : quand nous voyons le web en termes religieux, quand nous l’imprégnons de notre besoin personnel de transcendance, nous ne pouvons plus le voir objectivement. Par nécessité, nous devons considérer l’internet comme une force morale, pas comme un simple ensemble inanimé de machines et de logiciels. Aucune personne décente ne veut adorer un conglomérat amoral de technologies. Et c’est ainsi que tout ce que web 2.0 représente - la participation, le collectivisme, les communautés virtuelles, l’amateurisme - deviennent, sans discussion, de bonnes choses [...]”.

Wikipedia, qu’il abhorre, est un bon exemple auquel doivent réfléchir les plus farouches partisans du web. Parce qu’elle est “théoriquement bien” elle “doit être bien”... ce qui empêche de voir les nombreux problèmes affectant sa qualité.

Le paradoxe de Carr, c’est qu’il s’en prend à la tonalité moraliste de certains partisans du web et des TIC pour mieux tomber dans une critique idéologique du phénomène dans lequel il dénonce l’influence des hippies et des marxistes. Véritable horreur.

Ce spécialiste du business et des technologies de l’information dénonce les bouleversements introduits par internet dans “l’économie du travail créatif - ou, d’une façon plus large, l’économie de la culture et il le fait d’une façon qui pourrait bien réduire au lieu d’amplifier nos choix”. Wikipedia est loin, selon lui, d’avoir la qualité de l’Encyclopaedia Britannica “mais, parce qu’elle est créée par des amateurs, et non par des professionnels, elle est gratuite. Or, “le gratuit gagne toujours contre la qualité”.

Emporté par son élan, il dénonce la “vénération” de l’amateur et la “méfiance” vis-à-vis du professionnel qu’il trouve dans nos “louanges sans nuances (unalloyed) de Wikipedia, [...] et dans l’adoration des logiciels open source et des myriades d’autres exemples de créativité démocratique”.

Sa propre idéologie aveugle cet auteur pro-business et l’empêche de voir que les logiciels open source sont, dans certaines conditions de monopole, la meilleure façon de préserver l’innovation, la création et le développement d’entreprises.

Mais il faut le lire. Dans d’autres essais, il souligne que :

· “La structure des médias web 2.0 peut propager des mauvaises choses aussi bien que de bonnes” ;

· Il faut se méfier des mashups qui réunissent des informations provenant de sources extérieures sans se préoccuper de les vérifier. C’est le cas de Zillow , un site fabuleux pour se renseigner dans le détail sur l’immobilier aux États-Unis. “L’air de vérité” qui s’en dégage n’a rien à voir avec la véracité des données recueillies ;

· “En mettant les moyens de production entre les mains des masses tout en leur niant la propriété du produit de leur travail, web 2.0 fournit un mécanisme extraordinairement efficace pour récolter la valeur économique du travail fourni gratuitement par le plus grand nombre et le concentrer dans les mains d’une infime minorité.

A condition de ne pas réfléchir beaucoup, on pourrait être également tenté par sa formule selon laquelle la qualité de Wikipedia dépend du nombre d’individus de talent qui y participent. Il ignore complètement, idéologie oblige, tous les mécanismes de délibération qui permettent d’améliorer constamment le fruit du travail de l’ensemble.

Le problème avec Carr (les raisons d’être de l’urticaire), c’est qu’il a souvent ponctuellement raison. Son intérêt, c’est qu’il aide à voir des problèmes que nous préférerions souvent taire. Il faut donc le lire avec attention... avant de le combattre, car il fait de chacune de ses attaques un tremplin contre une des dimensions les plus intéressantes de l’évolution du web et des TIC : l’ouverture des outils du pouvoir à plus de gens qu’auparavant.

[Photo Flickr de Renato Sil ]


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4 réactions à cet article    


  • tvargentine.com lerma 20 août 2007 12:07

    Attention à ne pas considérer WIKI comme la bible du web,car la démarche est purement commerciale (à longue terme bien sur) car j’ai pu constater déjà que les liens sont plus souvent commerciaux dans certains articles et quand vous en ajouter ils sont souvent supprimer.

    De plus,la manière de réduire ou d’interpréter l’information n’est pas très saine.


    • La mouche du coche La mouche du coche 20 août 2007 23:17

      très bon article. Bravo.


      • nos 21 août 2007 10:42

        « quand vous en ajouter ils sont souvent supprimer. »

        même sur Wikipedia on vous censure ... c’est compréhensible !


        • lelapin lelapin 21 août 2007 19:38

          Je n’ai pas bien compris, en tout cas en première lecture et peut-être même encore maintenant, ce que la religion faisait en première partie du billet. Sans m’étendre sur ce sujet je résumerais ainsi : « la quasi vénération (volontaire ?) des outils du web 2.0 vise à empêcher que l’on s’attarde sur leurs défauts ». Et c’est mal.

          La deuxième partie en revanche m’intéresse plus d’autant que je partage la conclusion « l’ouverture des outils du pouvoir à plus de gens qu’auparavant ». L’erreur, à mon sens, de Nicholas Carr est de se référer à un seul modèle économique ce qui l’empêche d’apprécier celui qui arrive. Ne le voyant pas il est plus facile de dénigrer les résultats obtenus par ce dernier en prenant le premier en référence ce qui n’est pas fair-play. Comparer l’Encyclopaedia Britannica à Wikipédia c’est comparer l’œuvre d’un moine copiste d’avant Guntenberg au livre imprimé lambda après invention de l’imprimerie (j’exagère un peu). Dans le cas présent on en revient singulièrement à une querelle où un seul point de comparaison fait office d’arbitre ici la solidité de l’information, sa précision, etc. : L’EB met en avant ses spécialistes et une fixation en pages palpables de leurs savoirs là ou WP offre la multitude des sources de connaissances et leurs rafraîchissements permanents. A cette aune là WP ne s’en sort pas si mal d’ailleurs.

          En fait le modèle économique : grosses têtes + imprimeurs + encyclopédie + clients se translate en xxxx + web + wikipédia + ????. xxxx sont les contributeurss lambda et ???? les clients. Les clients vraiment ? Mais puisque c’est gratuit. En fait, et c’est là que je m’inscrit en faux par rapport à un précédent billet à propos du web 3.0 où Anh-Tuan GAI dissertait sur la probabilité que « Les contenus (seraient) produits et hébergés par les internautes » le deuxième modèle n’est pas pérenne, pas encore du moins. Comment garantir qu’il n’y aura pas un essoufflement, un découragement des contributeurs dans le temps. Selon le modèle traditionnel, le premier, dépendre du bon vouloir et d’une qualité variante des ‘ouvriers’ est une chose impensable. Il manque, à mon sens, les répères que sont : fabrication, produit, client ce dernier subvenant aux deux premiers.

          Pour le moment le web 2.0 surfe sur la vague de la nouveauté, du côté chic et tendance. Quand viendra le temps de consolider et de fiabiliser ce nouveau mode de production et que le ‘client’ pourvoyeur des finances sera identifié alors peut-être que là on tiendra notre web 3.0.

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