L’imprimante, ’bête à chagrin’ de l’informatique
L'imprimante est devenu un périphérique indispensable des petits systèmes domestiques, comme des systèmes professionnels.
Le marché offre une pléthore d'articles et nombreux sont les pièges qui guettent le consommateur qu'il soit particulier ou professionnel. Ce papier est le résumé de 35 années d'expérience de l'un et l'autre des deux points de vue.
Cet article de consommation courante, l'imprimante, est aujourd'hui une parfaite illustration des techniques d'obsolescence programmée et de la production 'prête à jeter' des industriels.
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Les imprimantes sont aussi vieilles que l'informatique. Elles existaient en tant que périphériques avant même les consoles. Autrefois il s'agissait simplement de machines à écrire à corbeille ou à boule (type IBM) simplement interfacées avec un dispositif électronique pour imprimer des documents existant en mémoire sous forme digitale.
Puis sont venues les 'matricielles' mieux adaptées à l'informatique dans la mesure où, les écrans en mode texte étant eux aussi matriciels par nature on pouvait rendre des écrans sur du papier 'pixel pour pixel'.
Puis la technologie a évolué dans le monde professionnel avec l'apparition de la technologie laser, dans le monde domestique avec les modèles à jet d'encre, d'abord en noir et blanc puis en couleurs. Tous ces nouvelles machines ont des possibilités graphiques natives rendant possible l'impression d'images et de documents composites avec des résolutions éventuellement supérieures à celles d'un écran. En outre de nouvelles fonctionnalités sont apparues, le scanner a fusionné avec l'imprimante pour donner une machine 'multifonctions'. En outre l'imprimante-scanner acquiert une certaine autonomie, pouvant réaliser certaines opérations sans être pilotée par un ordinateur ; les imprimantes modernes deviennent accessoirement de simples photocopieuses, l'impression directe de documents devient possible depuis un support externe comme une clé USB. La connectique aussi évolue beaucoup, au début les imprimantes sont presque exclusivement reliées à l'ordinateur par un port parallèle (qui se confond avec le port imprimante comme le montre la terminologie LPT1 LPT2 pour 'line-printer'). Par la suite la préférence va au port USB plus rapide et plus universel. Pour ce qui concerne le réseau, donc le partage des ressources, de nombreux modèles de base sont pourvus d'une prise ethernet ou d'une connexion wi-fi.
L'évolution ultime concerne les imprimantes dites 3D qui ne sont plus à proprement parler des imprimantes mais des machines outils capable de faire de la 'téléportation' de matière. On a conservé le mot 'imprimante' (latin 'impressio') à mon avis à tort car cette technologie n'a plus rien à voir avec les arts graphiques.
Pour ceux que le point de vue historique intéresse, nous ne pouvons que recommander l'excellent article de Wikipedia beaucoup plus complet que notre résumé.
Voyons donc pour justifier notre titre, toutes les misères que l'imprimante a pu faire, et continue à faire, au programmeur, à l'administrateur de réseau et in fine au consommateur.
Tout d'abord, avant l'apparition des interfaces graphiques, le paramétrage des imprimantes se faisait au niveau du logiciel, ce qui signifie qu'il fallait prévoir, et souvent rédiger, un fichier de configuration qui était en général une suite d'équivalence mots-clefs : séquences d'échappement correspondant aux commandes de la machine (retour chariot, saut de ligne, gras, souligné, italique etc...). Ce travail, fastidieux, était à la charge du programmeur qui souvent passait plus de temps à paramétrer l'imprimante qu'à écrire le logiciel de gestion proprement dit. Le client, utilisateur final, ne comprenait pas qu'un simple changement de machine entraîne un surcoût important en développement (l'écriture du fichier de configuration, qui présuppose la lecture du manuel de la machine). Il existait bien sûr quelques astuces, comme par exemple, générer des fichiers en mode texte pur et les convertir en un format d'un traitement de texte connu disposant d'un driver pour les modèles d'imprimantes les plus connus.
En outre les imprimantes, qui étaient et restent des machines mécaniques soumises parfois à des utilisations intenses sont le plus souvent fragiles, elles tombent facilement en panne et si certains problèmes sont faciles à diagnostiquer et à résoudre, comme les bourrages papier, d'autres sont nettement plus vicieux. En outre si les machines très sollicitées sont victimes de l'usure, les machines faiblement sollicitées connaissent d'autres problèmes (séchage de l'encre, encrassement des buses, déformation des rouleaux). Bref une imprimante, quelle que soit sa technologie ne doit travailler ni trop ni trop peu, et souvent la machine au bureau travaille trop et à la maison pas assez.
L'apparition des interfaces graphiques apporte au problème de l'impression une solution globale dans la mesure où chaque document produit, même s'il est rédigé dans un langage à balises est traduit pour être affiché graphiquement à l'écran. Le passage de l'écran à l'imprimante se résume souvent à un changement de résolution et les algorithmes chargés de faire se travail sont simples et rapides. Tout cela suppose naturellement qu'un pilote existe pour le modèle d'imprimante utilisé et l'interface graphique, ce qui n'est pas toujours évident vu :
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La multiplicité des modèles d'imprimantes
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La multiplicité des interfaces graphiques et de leurs versions successives.
Ainsi on pourra avoir des problèmes quand un fabricant néglige un système d'exploitation
On pourra également avoir un problème si le système et l'imprimante ne sont pas contemporains (machine ancienne avec OS récent ou bien le contraire).
Les constructeurs sont nombreux , mais les acteurs principaux du marché restent en nombre restreint pour les modèles domestiques :
CANON, EPSON, HP, LEXMARK, BROTHER
Les modèles quant à eux sont très très nombreux, le plus souvent organisés en séries suivant les technologies, par exemple modèles BJC en jet d'encre et LBP en laser chez Canon, Stylus chez EPSON pour les jets d'encre. Naturellement dans chaque série on trouve une multitude de modèles repérés par un code alphanumérique ex CANON PIXMA MP280 pour prendre comme exemple une référence récente.
Le cas des machines non répertoriées peut également se produire comme conséquence de la politique commerciale du fabricant. Certains modèles sont distribués seulement au Japon ou seulement aux USA et si vous avez acheté votre machine sur place vous ne trouverez pas la référence sur le serveur français du fabricant lorsque vous chercherez du support.
Les drivers (pilotes) sont parfois difficiles à trouver, particulièrement si vous utilisez un OS un peu exotique, en général il existe presque toujours une solution, parfois payante. Le problème est encore plus compliqué avec les machines multifonctions où il vous faudra trouver un pilote pour la fonction imprimante et un pilote pour la fonction scanner même s'il s'agit de la même machine.
Des problèmes peuvent apparaître liés à la lourdeur des pages et à la quantité de mémoire disponible sur l'imprimante. Cela se produisait de façon récurrente sur les machines laser des années 90 imprimant page par page et conduite dans une impasse quand la page, trop riche en éléments graphiques, excédait la quantité de mémoire allouée.
L'accès à une ressource du réseau (par exemple une imprimante) non directement reliée au réseau mais reliée en tant que périphérique d'un poste est en théorie possible mais très souvent capricieuse. On observe souvent des difficultés avec des réseaux hétérogènes, par exemple avec le logiciel samba. Ces problèmes ne sont, la plupart du temps même pas mentionnés dans les guides d'utilisateur. La solution consiste souvent à éteindre et à rallumer le poste qui commande l'imprimante ainsi que l'imprimante elle-même, la raison de la perte de connexion restant toujours mystérieuse. Ce problème est récurrent dans les réseaux poste à poste (peer to peer) sans serveur.
Continuons avec les problèmes logiciels ! Une imprimante moderne arrive le plus souvent accompagnée d'un DVD le plus souvent dédié au système Windows courant. En principe le disque est auto-exécutable et la procédure d'installation peut prendre jusqu'à 1H30 !!! Que trouve-t-on dans ces distributions ? La plupart du temps des choses inutiles. Les drivers eux mêmes sont installés en quelques secondes mais le fabricant ajoute une foule d'utilitaires (nous le verrons plus tard presque tous inutiles) ainsi que des logiciels de démonstration qui sont le plus souvent des versions bridées de logiciels du commerce (Photoshop, etc..) ou bien des OCR (optical character recognition) pour les machines multifonctions. Tout cela n'est que d'un faible intérêt quand on sait qu'il existe des versions non bridées gratuites de logiciels équivalents (GIMP, etc.). Toutefois la pingrerie actuelle des fabricants peut vous obliger à télécharger le manuel de la machine ainsi que les utilitaires depuis le site du fabricant. Ces fichiers auto-extractibles sont en général assez volumineux et vous pouvez avoir des problèmes si votre connexion internet est lente.
Après ce passage en revue des problèmes techniques, nous abordons maintenant les aspects économiques.
La multiplicité des modèles est le reflet de la rapidité des évolutions technologiques, mais également de techniques de marketing. Très souvent les différences sont minimes entre deux modèles d'une même série du même constructeur. Cependant une telle prolifération de modèles fait que chacun d'eux a une durée de vie très limitée et que les problèmes de maintenance se posent très vite. Comment gérer des stocks de pièces détachées pour chaque modèle dans ces conditions.
Le bon point pour le consommateur est que les machines, principalement à usage domestique coûtent de moins en cher bien qu'étant de plus en plus perfectionnées. Les entrées de gamme se situent aujourd'hui autour de 50 euros, c'est à dire deux fois moins en valeur absolue qu'une matricielle dans les années 80, donc sans doute 4 fois moins en valeur relative. L'acheteur pourrait s'en réjouir mais nous allons voir que les choses sont un peu plus compliquées quand on veut calculer le coût réel d'utilisation d'une imprimante. Ces nouvelles machines, principalement les 'jets d'encre' multifonction se révèlent toutes très fragiles (quelle que soit la marque).
Sur mon expérience des 13 années passées, j'estime que leur durée de vie est de l'ordre de deux années. Bien qu'étant normalement précautionneux, j'ai jeté à la déchetterie 6 machines depuis l'an 2000. Ces machines étaient peu être réparables, elles l'étaient même sûrement, mais j'ai jugé qu'il était de mon intérêt de changer de modèle et c'est ce que je fais maintenant sans la moindre hésitation.
Les ennuis commencent avec un message abscons le plus souvent en anglais du genre 'default cartridge n°2' ou 'default paper' le message peut être confirmé par un ou deux voyants virant au rouge. Vous vérifiez que les cartouches sont relativement récentes, que la machine est normalement approvisionnée en papier, bref tout semble correct et pourtant ce maudit message refuse de disparaître. Vous décidez alors que finalement les cartouches sont peut-être plus anciennes que vous ne le supposiez et vous achetez un nouveau jeu de cartouches. Après remplacement le maudit message persiste, si bien que vous décidez de googler. Et là, miracle vous découvrez que de nombreux utilisateurs ont ou ont eu le même problème et on vous conseille de ramener la machine au SAV. Souvent le SAV vous demande une caution de quelques dizaines d'euros (déductible du prix de la réparation) pour diagnostic. On vous fait comprendre ensuite que le prix d'une heure de main d’œuvre additionné du coût d'une pièce détachée qui coûtera souvent le même prix que la machine donnera un total largement supérieur au coût de l'appareil. On vous conseil donc d'acheter une nouvelle machine.
Notons que cette remarque vaut pour tout le petit électroménager, tout appareil dont le prix d'achat est inférieur à une soixantaine d'euros peut-être considéré comme jetable. A une époque où les matières première se font rares et où la pollution pose problème on se demande pourquoi les gouvernements ne se penchent pas sérieusement sur ce problème.
Je le répète la durée de vie d'une imprimante excède rarement la durée de la garantie (un ou deux ans) et ces machines sont si capricieuses que la grande distribution hésite même à proposer sur ces appareils une extension de garantie à 5 ans.
Nous en venons maintenant au point le plus délicat : les consommables.
Une imprimante a besoin pour fonctionner de papier et d'encre. Le papier est une production industrielle ancienne plus liée à l'industrie de l'imprimerie qu'à celle de l'informatique. L'offre est donc abondante, la qualité variable mais l'utilisateur n'est pas prisonnier, il peut faire son marché en toute liberté.
Il en va tout autrement pour les recharges d'encre et cela depuis l'origine. Au début les fabricants vendaient, le plus souvent à prix d'or, des rubans encreurs tout à fait identiques à ceux utilisés sur les machines à écrire. Le ré-encrage d'un ruban était possible en utilisant une petite machine à moteur d'un coût modeste, l'opération pouvait être faite et refaite jusqu'à usure mécanique du support. L'apparition des jets d'encre et des lasers a changé la donne.
L'imprimante est alors conçue par les fabricants comme une 'poule aux œufs d'or', un besoin créé en matière de consommation d'encre. Il est donc important de vendre des machines plus pour l'écoulement crée que les profits de la vente elle-même. C'est pourquoi les fabricants se livrent à une sorte de 'dumping' sur les machines, vendant de moins en moins cher des machines de plus en plus perfectionnées (mais aussi de plus e plus fragiles).
Il se crée donc aussitôt, autour du consommable, et particulièrement des recharges pour imprimantes, une véritable 'industrie du compatible', à laquelle prennent part les enseignes les plus connues de la grande distribution. On trouve donc dans le commerce des cartouches, soit d'encre, soit de toner, prétendument compatibles avec certains modèles. Notez bien que le prix de ces 'compatibles' n'est nullement négligeable, compris dans une fourchette de 50 à 60 % du prix du consommable d'origine lequel est souvent hors de prix. Le coût d'un jeu de cartouches (noir+couleurs) est très voisin du prix de la machine pour les modèles bas de gamme.
Voyons maintenant quelles astuces trouvent les constructeurs pour protéger leur marché et pousser à la consommation.
Tout d'abord l'introduction de puces électroniques ayant plusieurs fonctions de communication avec la machine elle-même et l'ordinateur qui la contrôle via le pilote.
Il y a d'abord des circuits qui permettent de reconnaître s'il s'agit d'un modèle d'origine (et refusant les autres). Les fabricants de compatibles sont alors condamnés à ne faire que de la récupération et du remplissage de cartouches d'origine.
Certains fabricants utilisent des 'puces-compteurs'. Les logiciels de contrôle n'ont pas accès à la quantité d'encre physique restant disponible, mais ils peuvent relever ces compteurs. Ils estiment que la cartouche est vide quand le totalisateur atteint un nombre prédéfini.
Cerise sur le gâteau, par logiciel, certaines imprimantes se bloquent totalement si elles estiment qu'une seule cartouche est vide. Elles pourraient encore continuer à imprimer en nuances de gris avec la cartouche noire mais elles vous obligent à un changement complet parce que soit-disant le jaune est vide. Fort heureusement des utilitaires de remise à zéro sont disponibles sur le net pour certains compteurs, malheureusement pas pour tous les modèles, pas pour tous les OS.
La plupart des fabricants utilisent également des arguments psychologiques, comme l'annulation de la garantie en cas d'utilisation de recharges non certifiées. Que dirait-on d'un fabricant d'automobile vous obligeant à utiliser des pneus de telle ou telle marque ?
Mais que fait Bruxelles, que fait l'U.E. , toujours si prompte à légiférer dans tous les domaines ?
du sur-mesure pour les fabricants, ne les obligeant pratiquement à rien sinon à récupérer leurs ordures pour nous les revendre.
Physiquement il est possible d'injecter de l'encre dans certaines cartouches au moyen d'une seringue, ce qui oblige parfois à créer une perforation et à la reboucher artificiellement. Mais cela ne dispense pas d'utiliser un logiciel RAZ si les cartouches sont 'protégées'. On trouve des kits prêts à l'emploi . Ces techniques génèrent un véritable commerce , attirant même des marques connues .
Dans de nombreux cas ces techniques de substitution sont inefficaces. C'est une autre arnaque.
Le racket des cartouches d'encre est un vrai scandale. Ces articles ont un coût de production de quelques centimes d'euros par unité et sont vendus 20 ou 30 fois leur prix de revient avec impossibilité de faire jouer la concurrence. Tous cela dans l'indifférence totale de la Direction Générale de la Concurrence et de la Consommation.
Ce papier est plus un billet d'humeur qu'un recueil de conseils pratiques dans la mesure où l'auteur ne peut garantir aucune des techniques de substitution proposées.
Le marché de l'imprimante est symptomatique des pratiques actuelles des fabricants et de nombreuses remarques s'appliquent à l’électron-ménager usuel. Je crois simplement qu'avec les imprimantes on atteint le sommet des pratiques mafieuses et du gâchis organisé, sans aucune réaction des autorités, où même des partis éco-sensibles. Voyons nous les verts monter au créneau sur de tels sujets ? Il n'y a guère que les associations de consommateurs qui se dévouent pour au moins essayer d'informer l'utilisateur.
A lire donc avant de s'équiper :
UFC Que Choisir
60 millions de consommateurs
Scandales des cartouches pucées
On peut également consulter les forums spécialisés, comme celui-ci, entre autres.
Attention aux sites commerciaux qui se présentent comme des sites d'information.
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