La radio numérique en 2008 ?
Vendredi 5 décembre, le gouvernement a signé l’arrêté qui fixe la norme technologique pour la diffusion de la radio numérique en France. (1) L’objectif est une application réelle en 2008 et vraisemblablement pour la fin 2008. Ainsi, la radio qui n’était pas dans « le champ » numérique pourrait en y entrant connaître un renouveau intéressant. Pour autant, ne jetez pas encore votre vieux transistor ! Ce n’est pas la fin des postes anciens ! Il faudra bien une bonne année pour que ce chantier aboutisse. La radio numérique présente quelques nouveaux avantages, mais la jeunesse reviendra-t-elle vers ce média ? Les grandes radios applaudissent, mais les petites radios associatives s’inquiètent, quant au risque de ne pouvoir y accéder, compte tenu des moyens nécessaires.

Qu’est-ce que la radio numérique ?
Dans la radio analogique, telle que nous la connaissons aujourd’hui avec la diffusion en AM ou FM, c’est le signal électrique traduisant le son qui module directement l’onde porteuse.
La radio numérique, c’est la radiodiffusion numérique, c’est-à-dire la diffusion de programmes de radio par voie numérique. En fait, la radiodiffusion numérique convertit d’abord le son en données binaires (1 ou 0) (généralement compressées pour en réduire le débit) et les transmet par des procédés spécifiques aux technologies utilisées (satellite, internet, terrestre VHF, terrestre HF, câble, etc.).
Quelle est la technologie utilisée ?
L’arrêté signé le 5 décembre 2007 par la ministre de la Culture a retenu la norme T-DMB, Terrestrial Digital Multimedia Broadcasting, (Diffusion terrestre multimédia digitale) qui était souhaitée par la majorité des opérateurs radiophoniques français et qui a reçu l’agrément de Bruxelles.
La France est ainsi le seul pays européen à la promouvoir. La Corée a adopté cette norme depuis 2005, mais seulement pour la télévision. L’Allemagne également depuis 2006. Ce n’est pas une surprise, car l’ancien ministre de l’Industrie avait déjà retenu cette norme pour les expérimentations au mois de mars dernier, il ne manquait plus que l’autorisation de Bruxelles.
Ce que permet la T-DMB c’est : beaucoup de fonctions multimédias. DAB+ (qui n’a pas été retenue) permet en plus une qualité de réception plus importante ou un nombre de radios plus grand.
Très peu d’émetteurs sont nécessaires avec T-DMB et elle permet les déplacements à très grande vitesse. Au départ, elle a été créée pour diffuser de la télévision mobile et comporte donc un espace vidéo qui diminue celui réservé à la radio proprement dite et plus exactement le nombre de stations possibles. Son coût de production est plus élevé que pour sa concurrente.
En théorie, grâce à une puce dédiée, il sera possible de doter de la prise en charge de la radio numérique n’importe quel périphérique multimédia. Déjà, on peut penser que le secteur automobile sera le précurseur, mais il sera rapidement suivi par les téléphones, les baladeurs et les ordinateurs portables.
Ce que va permettre la radio numérique ?
La radio numérique ne devrait être en définitive qu’un transistor un peu plus perfectionné. Mais cet appareil aura surtout un écran suffisant pour permettre le défilement d’informations diverses (titres de chansons diffusées, clips, etc.). Il ne sera plus nécessaire de chercher la bonne fréquence. Il sera possible d’écouter des émissions en dehors de la date de diffusion, comme d’autres appareils vidéo, on pourra avancer, reculer, mettre en pause... On n’aura plus besoin de chercher une fréquence quand on voyagera. On trouvera enfin sa station préférée par son nom uniquement.
Autre avantage : la qualité sonore offerte sera « nettement supérieure » à celle de la radio actuelle (proche du CD) et on disposera en principe d’un nombre accru de fréquences.
Selon le conseiller au CSA, Rachid Arhab, « la radio sera plus vivante ».
Afin de bénéficier de la radio num, il faudra bien sûr changer de poste. Le 5 décembre, a été présenté un modèle de radio baladeur numérique de la taille proche d’un paquet de cigarettes, avec un écran sur une face, qui devrait être commercialisé à 120 €.
Alors que la bande FM est saturée (on a l’impression d’écouter toujours les mêmes radios, notamment dans les grandes villes), la radio num permettra de diffuser plusieurs radios sur la même fréquence, ce qui offrira plus de choix, à la fois au niveau local, régional et national. A terme, la radio num permettra de couvrir entièrement tout le territoire national, alors qu’avec la FM, on peut glisser rapidement (selon le relief) dans une zone où on ne reçoit plus rien !
Le lancement de la radio numérique ne se fait pas sans soulever quelques problèmes...
Certains commentateurs estiment que « la décision du gouvernement aurait été prise dans la précipitation et sous l’influence très forte de groupes qui aurait un intérêt certain à ce que le T-DMB soit privilégié en France, alors même que les tests et les expériences des pays voisins montreraient que cette norme ne serait pas prête, à défaut d’être adaptée ».
D’autres s’interrogent sur « la cohérence des politiques européennes en matière de radio numérique » car la France « est le seul pays d’Europe a avoir fait le choix du T-DMB alors que la radio numérique existe déjà en Belgique et en Angleterre, où elle fait un carton »... Et posent donc la question : « Comment concevoir qu’un récepteur français ne puisse pas fonctionner en Belgique ? »
Par ailleurs, le renouvellement du parc des récepteurs va constituer un chantier très important. Le prix des nouveaux transistors (environ 200 euros) devrait rapidement baisser (nous dit-on).
Les postes de radio ont la vie longue, l’écoute de le radio en numérique devrait donc passer, dans un premier temps, par les téléphones portables et les baladeurs - qui ont un taux de rotation moyen de dix-huit à vingt-quatre mois...
Contrairement à la fin de la télévision classique annoncée pour 2011, date à laquelle elle sera entièrement remplacée par la TNT, il n’a pas été fixé de date pour l’extinction de la FM, ce qui aura pour conséquence de voir cohabiter les deux modes de diffusion de la radio, or les petites radios ne pourront pas à la fois continuer en analogique et investir dans la radio num. Ces dernières craignent d’être les laissées pour compte... Pour résoudre ce problème prévisible, la ministre de la Culture a précisé que "le gouvernement portera une attention toute particulière aux acteurs les plus fragiles, notamment les radios associatives, qui ne doivent pas rater ce tournant essentiel, faute de moyens". Selon le CSA, « un fonds spécial devra être créé pour aider le passage au numérique des centaines de petites radios qui font la diversité du paysage radiophonique français ».
Un directeur de radio associative estime que « le passage au numérique, faute de moyens, devrait signer l’arrêt de mort des petites radios qui sont appelées à disparaître, leurs moyens étant de plus en plus limités et les aides se réduisant au fil des ans ».
Enfin, « il n’est pas certain que les Français se décident à renouveler leurs appareils pour écouter des émissions, déjà diffusées dans une bonne qualité en FM. et que les services interactifs proposés soient suffisamment séduisants ».
Les prochaines étapes du « chantier de la radio numérique »
Même si rien ne pouvait avancer sans que l’on connaisse la norme de diffusion de la future radio numérique terrestre, il reste de nombreuses étapes à franchir avant que Noël 2008 connaisse éventuellement une commercialisation importante d’une nouvelle génération d’appareils équipés pour la radio numérique. C’est le CSA qui doit définir les fréquences disponibles, ainsi que le nombre de stations et les zones de couverture que permettra la norme adoptée.
Il va lancer début 2008, l’appel d’offres pour l’attribution des fréquences qui sont d’ores et déjà disponibles (les bandes III et L). Ce premier niveau sera complété par des fréquences lorsque Canal+ cessera la diffusion analogique en 2011. Comme la TNT (pour la télévision), la radio numérique associera des acteurs nationaux et régionaux.
Le CSA espère voir "30 à 35 % du territoire" couvert suite à la première phase de lancement de la radio numérique. Au total ce sont quelque 60 stations qui devraient être éligibles dès 2008. Dans un premier temps, l’appel à candidatures pourrait concerner 35 villes, puis 50 autres quelques mois plus tard.
Les stations privées s’adressent déjà au CSA pour « demander que les programmes historiques aient droit à un programme bonus ».
Le GRN (Groupement pour la radio numérique), qui va maintenant se transformer en groupement d’intérêt économique (GIE), incluant les industriels et les constructeurs automobiles, considère que « le choix de Noël 2008 est opportun, car il faut prévoir une phase de dix à douze mois d’industrialisation avant de commencer les ventes. »
Les premières radios numériques devraient donc commencer à émettre dès Noël 2008.
En quelque sorte, le lancement de la radio numérique est tout à fait comparable à ce qu’avait été le lancement des bandes FM en 1986.
La radio numérique fera-t-elle oublier le bon vieux poste radio ? Peut-être pas. On peut penser que pendant de nombreuses années encore, ce média viendra compléter la radio analogique, sans se substituer totalement à elle, mais ce sera une chance de disposer d’un nouveau média qui sera quelque chose de plus que la radio actuelle, pour ceux qui aiment l’écouter n’importe où et n’importe quand !
(1) (1) Discours de la ministre de la Culture le 5 décembre 2007
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