La relativité d’Einstein va-t-elle « imploser » après la mission Microscope ?
Vous connaissez la fameuse blague de potache ; qu’est-ce qui est plus lourd, un kilo de plomb ou un kilo de plume ? Cette blague sert aussi pour expliquer un principe physique fondamental, le principe d’équivalence. Lequel détermine les lois de la cosmologie relativiste d’Einstein mais aussi de la gravitation universelle de Newton. Ce principe dit qu’une masse gravitationnelle est équivalente à une masse inertielle. La masse qui est attirée par la gravité est la même que la masse qui se déplace conformément à son inertie. Ce principe permet d’établir nombre de lois de la mécanique classique mais aussi celles de la cosmologie relativiste d’Einstein moyennant une extension de ce principe aux mouvements accélérés. Un champ de gravitation est alors indiscernable d’une accélération alors que la masse inertielle reste égale à la masse gravitationnelle.
Revenons à la physique basique. C’est-ce qui tombe plus vite, une plume de un gramme ou une bille de métal pesant elle aussi un gramme. Si vous faites l’expérience, vous constaterez que la bille tombe plus vite. Est-ce pour autant que le principe fondamental de l’égalité entre masses inertielle et grave serait violé ? Certainement pas. Si la plume tombe plus lentement, c’est que l’air offre une résistance assez importante. Sur la lune, en absence d’atmosphère, une plume et un marteau tomberont à la même vitesse. L’expérience a été faite par David Scott, l’un des astronautes de la mission Apollo 15. Newton avait lui aussi effectué une expérience en mesurant la période de deux pendules avec des masses différentes mais une même longueur. Les périodes sont identiques, ce qui confirme le principe d’équivalence mais avec une précision assez limitée, de l’ordre du millième. Dans le courant du 19ème siècle, le test du pendule a été amélioré pour confirmer le principe d’équivalence.
Sur terre, il est possible d’effectuer la même expérience que Scott en utilisant un silo dans lequel le vide a été produit artificiellement. Il en existe une à Brême, elle fait 100 mètres de haut. L’expérience de Scott a pu être réalisée minutieusement en mesurant une chute de deux cylindres emboîtés sur une dizaine de secondes. Le principe d’équivalence n’a pas été violé et les deux masses touchent le sol en même temps. Il a juste été vérifié avec une précision de 13 décimales, ce qui est considérable. Et si on tentait une précision encore plus fine, par exemple 15 décimales ? Il existe le principe de Gabor, sorte de boutade spécifiant que tout ce qui est techniquement possible sera réalisé un jour. Sur terre, il est impossible de gagner en précision, sauf si on construit un silo qui ferait dix kilomètres de haut. Par contre, si on envoie un dispositif adéquat dans un satellite placé en orbite stationnaire, il est possible de gagner un facteur d’au moins 100 en précision.
Cette expérience a été conçue par une équipe de chercheurs français pilotés par le CNES mais le lancement prévu pour le 22 avril a été reporté deux fois pour cause de météo. Cette expérience a pour nom de code « mission Microscope ». Le principe est de mesurer avec une finesse incroyable la « force gravitationnelle » sur une longue durée. L’expérience utilise deux cylindres concentriques emboîtés l’un dans l’autre à l’image de deux poupées russes. L’un est fait de titane, l’autre de platine. Ils sont minutieusement alignés. Lors de l’expérience, au cas où ces deux masses subiraient une accélération différente, un dispositif générant des forces électrostatique sera activé pour maintenir ensemble les deux cylindres avec une précision dont l’échelle de grandeur est celle d’un atome. Dans le cas contraire, aucune force électrostatique ne sera nécessaire parce que le principe d’équivalence n’est pas violé et que les deux masses suivent la même trajectoire. Afin d’éviter tout artefact, un autre système fait de deux cylindre de platine sera utilisé et permettra aussi de calibrer l’expérience.
Avis aux amateurs de paris. La violation du principe d’équivalence se joue avec une cote de un million contre un. Pour la plupart des scientifiques, cette expérience servira à vérifier le fameux principe avec une précision 100 fois supérieure aux expériences précédentes. Ce principe, bien que postulé et universalisé, ne peut pas être démontré mathématiquement. Il découle de l’observation de la nature. Néanmoins, dans le cadre de la théorie des cordes qui cherche à unifier la mécanique quantique et la relativité générale, il est prévu que ce principe soit violé mais à une échelle bien inférieure aux 15 décimales offertes par la mission Microscope. Il ne devrait donc rien se passer. Si néanmoins les scientifiques espèrent qu’il se passe quelque chose, alors on peut voir cette expérience comme un défi lancé à Einstein et je me permets d’ajouter, un défi lancé à Newton.
L’expérience est simple. Il suffit d’imaginer les deux cylindres en suspension dans le satellite géostationnaire. Si la physique d’Einstein est respectée, les deux cylindres doivent rester solidaires. Mais si les deux cylindres se décollent légèrement, cela signifie qu’ils ne suivraient pas la même géodésique contrairement à ce que calcule la relativité générale. Oui mais pourquoi alors ils ne devraient pas suivre la même géodésique ? Eh bien parce que la relativité générale ne serait qu’une approximation et que la théorie qui décrit le cosmos n’est plus celle d’Einstein. Cette nouvelle théorie peut éventuellement se concevoir comme une reformulation de la gravité. Par exemple une gravité reposant sur une réalité profonde qui détermine ce phénomène et qui ne réduit pas la matière a ses propriétés mécaniques et phénoménales que sont la disposition et le mouvement. C’est la matière comme information qui est prise en compte. En ce cas, la trajectoire des deux cylindres peut être légèrement différente si on conçoit que la matière comme « dispositif informationnel » n’est pas identique dans la « réaction gravitationnelle » qui est en quelque sorte calculée différemment selon que les atomes sont de platine ou de titane. Cette conception nouvelle de la physique a été présentée sommairement dans un article sans développements mathématiques. Si la mission Microscope détectait une différence de comportement gravitationnel en mesurant la « longe chute » en apesanteur des deux cylindres, alors la cosmologie devra être repensée.
La théorie quantique est dans son principe une physique qui décrit les communications de la matière. Il n’y a aucune raison que la gravité échappe à ce principe et ne devienne elle aussi une théorie qui place l’information au centre. Pour conclure, il peut ne rien se passer dans cette expérience et c’est ce qui est prévu ; ce qui explique la relative discrétion du buzz médiatique avec une communauté scientifique pour laquelle cette expérience est une prouesse technique et non pas le ressort d’une révolution en physique. Mais s’il se produit quelque chose, alors ce pourrait être le germe d’une révolution colossale en physique, encore plus que la découverte du quantum d’action à partir du rayonnement du corps noir en 1900. Les théoriciens devront alors inventer la nouvelle cosmologie du 21ème siècle.
En conclusion, si le principe d’équivalence est testé par la mission Microscope, ce n’est pas celui de Newton mais celui que Einstein a appliqué pour élaborer la cosmologie relativiste. C’est bien la relativité générale qui est testée.
Informations du CNES sur Microscope
40 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON