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Le fil à la patte

En collaboration avec Jean François Chalot

Élevage infantilisant.

Ah, quel bonheur d'être des parents modernes, câblés, branchés sur toutes les procédures possibles et les innovations numériques pour élever convenablement un enfant ! Rien désormais ne peut échapper au contrôle parental, à la sagacité bienveillante de parents inquisiteurs. Leur progéniture va vivre sous le regard permanent de dispositifs multiples et sophistiqués pour faire de leur existence un long fleuve tranquille, sans saveur, sans risque ni surprise.

Élever un enfant ce sera désormais une forme de dressage absolu, sous vidéo-audio- téléphono-surveillance. Rien ne sera épargné au pauvre gamin pour connaître, à chaque instant, ses faits et gestes, ses pensées et ses envies. Savoir et devancer, contrôler et anticiper ; c'est de l'élevage intensif pour enfants en batterie.

Tout a commencé bien avant sa conception. Monsieur a examiné la densité de ses spermatozoïdes tandis que Madame mesurait précisément l'heure de son ovulation. Des sondes multiples, reliées à un tableau de bord conjugal, leur permirent de copuler à coup sûr sous l'objectif d'une caméra vidéo. Toutes les étapes de la vie de leur futur enfant seraient ainsi gravées sur le support numérique …

La grossesse de Madame fut alors une complexe opération de surveillance. Un abonnement à la société : « Enfantez sans risque » lui permit d'être reliée 24 heures sur 24 à un organisme de contrôle à distance mesurant tout ce qui peut permettre une gestation tranquille. Bien évidement, les premiers tests initiaux avaient écarté tout risque de malfaçon.

Madame put ainsi accoucher en connaissant exactement le profil de l'enfant à naître. Tout, de sa personnalité à son physique, avait été prévu par des calculateurs surpuissants. Un contrat de confiance avait été signé entre l'organisme de suivi et les futurs parents pour écarter tout risque de procédure ultérieure. Il faut dire que la vie d'un enfant est devenue une source non négligeable de profits pour les avocats et les notaires …

Bébé va sortir de son laboratoire de gestation sous l'œilleton de la vidéo. L'accouchement sera transmis en direct à toutes les personnes, proches et amis, qui se sont abonnées à cet événement magnifique. Un technicien sélectionnera les plus belles images pour préparer, au plus vite, un album photographique qui sera livré en prime à toutes les personnes concernées.

Bienvenue dans ce merveilleux monde numérique, cher enfant ! Désormais, vous n'allez plus échapper à la terrible délation numérique. Votre berceau, votre chambre, votre poussette seront équipés de capteurs multiples. Plus une larme sans déclencher le plan ORSEC. Plus une goutte d'urine sans allumer un voyant sur les portables de vos parents. Plus une douleur sans en avertir une équipe médicale, vouée entièrement à votre bien-être.

« Grandir sans risque ». Le beau slogan que voilà qui a séduit vos parents. Ils ont souscrit tant et tant de contrats de vigilance parentale que vous êtes devenu une véritable vedette vers laquelle des projecteurs, des caméras et des micros ne cessent d'être braqués. Quel bonheur pour vos parents qui ont délégué bon nombre de leurs responsabilités à des professionnels reconnus et compétents !

Nous sommes si loin de ce pauvre émetteur qui amplifiait les pleurs de vos géniteurs quand ils étaient enfants. Vous grandissez sous la surveillance d'un nombre incroyable d'écrans de contrôle, répartis un peu partout dans des sociétés de sécurité infantile. C'est un bon début pour accepter le monde numérique qui se présente à vous.

Vos premiers pas, naturellement filmés, vont contraindre la technologie à s'adapter. Vous voilà mobile et équipé de balises pour signaler, à chaque instant, votre position à vos chers parents par un système relié à une flotte de satellites. Vous ne pouvez échapper un seul instant à cette odieuse surveillance. Adieu les jeux secrets, les fugues forestières, les cachettes merveilleuses. Vous êtes localisé et le serez ainsi toute votre existence.

L'école, à ce titre, va devenir le plus épouvantable des calvaires. Une caméra diffusera en continu toutes vos activités ; vos parents recevront par SMS vos notes, vos réprimandes, vos conversations. Durant la récréation, votre dépense énergétique sera mesurée avec une extrême précision et un tableau détaillé de vos besoins alimentaires sera adressé à l'organisme de restauration.

Tout va bien, mon cher petit : vous pouvez dormir tranquille d'autant mieux, d'ailleurs, que vos parents, toujours soucieux du meilleur pour vous, sont abonnés à l'option « Sigmund » ! Des capteurs cérébraux analysent vos rêves et établissent un rapport quotidien sur l'état de votre inconscient. Si tout cela vous a amusé au départ, votre adolescence est devenue un chemin de croix. Le premier flirt a été, à ce titre, significatif. Avant d'échanger votre premier baiser avec celle ou celui qui avait déclenché quelques émois, des analyses de sang, de salive et de personnalité ont été imposées par vos laboratoires respectifs.

Naturellement, votre amoureux(euse) avait été validé(e) par vos parents et vous aviez été accepté(e) par les siens. Vous étiez du même groupe social, de la même ethnie, de la même confession. Vous n'aviez aucune incompatibilité génétique. Le bonheur vous était accordé.

La suite, je n'ose vous la décrire. Jusqu'à la mort, ce système fonctionne. Il suffit d'y mettre le prix. Naturellement l'état assure un contrôle gratuit pour ce qui concerne vos déplacements et vos comportement sociaux. Ce monde sous contrôle est d'une totale sécurité. Il se peut que des individus isolés et mal attentionnés déplorent ce fonctionnement. Mais de ceux-là, il n'y a jamais rien à espérer. La majorité des moutons bêlants est si heureuse de cette vie sans surprise !

Milleneufcentquatrevingtquatrement vôtre.

JF Chalot

JPEG

GdB m’a permis de reproduire son dessin sur notre blog

J’aurais voulu écrire un texte d’accompagnement comme celui-ci (un peu trop court). Mais si vous avez envie d’en faire un (sur cette orientation ou une autre, l’important c’est le débat) , je vous donne la priorité

Amicalement

JF Chalot

SOC-1814-GEOLOCALISATION-web2-2.png

LA GEOLOCALISATION : UN PROGRES ?

 : À VOIR

 

Les appareils et gadgets de géolocalisation : un passe partout pour les enfants en bas âge

et un « cadre contraignant » pour les ados : adieu la prise de responsabilité !

 

« Depuis quelques mois, de petites nouveautés ont fait leur apparition. Pas plus gros qu’un téléphone et permettant aux parents d’accéder en permanence à la position de leurs enfants ou à augmenter la surveillance de ceux-ci, ces appareils peu repérables, sont entrés sur le marché. Allant de la montre ou de l’accessoire décoratif de chaussures ou de ceintures, ces gadgets connaissent un large succès et sont destinés à la géolocalisation des enfants en bas âge. »

 

C’est une innovation intéressante diront certains….

C’est une sécurisation ! Peut-être mais aussi un contrôle renforcé.

La géolocalisation constitue la meilleure et la pire des choses…. Des parents peuvent du jour au lendemain devenir les « big brothers » de leurs enfants : avec les avantages et les inconvénients :

Caméra-de-sécurité-300x241.jpg

Bonjour l’autonomie des adolescents !


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14 réactions à cet article    


  • Hector Hector 13 février 2015 13:04

    Sur la santé revenue
    Sur le risque disparu
    Sur l’espoir sans souvenir
    J’écris ton nom

    Et par le pouvoir d’un mot
    Je recommence ma vie
    Je suis né pour te connaître
    Pour te nommer

    Sécurité.

    O tempora, o mores...


    • C'est Nabum C’est Nabum 13 février 2015 13:19

      Hector


      Merci poète 

    • ricoxy ricoxy 13 février 2015 13:28


      J’ai lu votre article avec plaisir et inquiétude. J’ai une variante à vous proposer, en réutilisant les premières lignes de votre récit. (libre à vous de ne pas le publier)
       

      « 

      Dès qu’elle sut qu’elle était enceinte, la jeune femme était au comble du bonheur. Son compagnon de procréation semblait lui aussi heureux. « Si c’est une fille, nous l’appellerons Gattaca, proposa-t-il. Si c’est un garçon, nous l’appellerons Gattacon ». La jeune femme fit la moue : « Gattacon ? Mais c’est moche ! » « Non, ça rime avec Gaston, Léon, Spiridon... Gattacon, c’est bon ! »

       

      Va pour Gattacon ! Hélas, au bout de quelque temps, les tests révélèrent que ce n’était ni un garçon ni une fille, mais un transgenre. Les parents étaient désespérés. « Boh, qu’à cela ne tienne ! C’est un transgenre ? Nous l’appellerons UMPS ». C’est ainsi que vit le jour un-e adorable bébé, qui fit les délices de la grande famille qu’est le peuple français.

       »


      • C'est Nabum C’est Nabum 13 février 2015 15:41

         ricoxy


        C’est une excellence version

        Elle n’est pas destinée aux familles mais qu’importe ! 

        À plusieurs, nous pouvons faire du bel ouvrage

      • L'enfoiré L’enfoiré 13 février 2015 18:05

        « Soyons smart, jusqu’au bout des ongles », cher Nabum.

        Le monde est à nous et aux robots de toutes tailles.
        Puisqu’on n’apprend toujours pas à être parent à l’école et qu’on n’a plus le temps de s’en occuper trop préoccuper de gagner sa croûte, vaut mieux assurer ses arrières par vidéo interposée. smiley



        • L'enfoiré L’enfoiré 13 février 2015 18:08

          Le problème n’est pas d’avoir un big brother, mais les cyber-attaques, Le piratage n’a pas encore dit son dernier mot. 


        • L'enfoiré L’enfoiré 13 février 2015 18:12

          J’oubliais.

          Le titre de l’article n’est pas correct.
          IL N’Y A PAS DE FIL A LA PATTE, si ce n’est virtuel..


          • C'est Nabum C’est Nabum 13 février 2015 18:17

            L’enfoiré


            Le titre est métaphorique mon chez enfoiré

            J’ai quand même le droit de ne pas rester dans les clous ou bien de m’évader un peu de mon sujet histoire de vous mettre la puce à l’oreille et de revenir de ce pas au thème initial sans perdre le fil ! 

          • L'enfoiré L’enfoiré 14 février 2015 16:02

            Bien sûr, cher Nabum.

            Et moi, en tant que commentateur de pointer ce qui me semblait oxymorique. smiley 

          • C'est Nabum C’est Nabum 14 février 2015 16:08

            L’enfoiré


            L’oxymore est un métier

            L’Oxymoriste triste

            Du mot à maux …


            Nous vivons une époque formidable et l’inventivité des hommes n’a d’égale que leur monstruosité. Quand des êtres d’exceptions réunissent ces deux dispositions, ils sont remarqués, choyés et entraînés vers l’aventure politique. Ils deviennent ces hommes de l’ombre qui vont mettre en lumière la vacuité des hommes qui nous gouvernent.


            Ils sont les ciseleurs des mots et des expressions qui vont anesthésier le bon peuple de France, si prompt à se nourrir de mots, à se gargariser d’une belle réplique, à se gausser d’une saillie verbale. Les mots pour oublier les maux, rien de bien nouveau je vous l’accorde et les beaux parleurs vivent toujours sur le dos de ceux qui les écoutent.


            Chaque époque engendre des formes. Épique, romantique, allégorique, bucolique, pragmatique, …, ces genres eurent leurs orateurs. La petite lucarne d’abord et les micros capteurs universels ensuite changèrent la donne. L’homme politique se doit maintenant de maîtriser le moindre de ses mots, la plus innocente de ses phrases, la totalité de ses interventions.


            Dans ce contexte, il a fallu créer des cabinets conseils, des bras droits de langue de bois, des directeurs de la communication de conscience, des lexicologues de la périphrase. Tous ces petits métiers à tisser la toile d’araignée du quotidien, vivent des temps de bombance. L’époque est propice à leur expansion, le budget de communication de l’Élysée croît de façon exponentielle.


            Les plus grands manieurs de la langue deviennent « Oxymoriste politique ». Un joli métier d’orfèvre. Un diapason en main, ils font raisonner les mots, cherchant un accord mineur entre deux mots différents. Plus l’unisson sonne creux, plus l’assemblage sera goûteux. Les mots-valises sont depuis toujours ceux qui permettent de voyager loin.


            Ils assemblent les contraires, les dissemblables, les improbables. Ils les griment sous une belle apparence trompeuse. Ils les détournent de leur contexte pour enrober la réalité d’une belle lumière illusoire. Magiciens, musiciens, coquins, les oxymoristes cherchent à bâtir un fossé autour du réel.


            « Force-tranquille », leur maître à tous avait frappé fort, de quoi s’offrir toutes les Rolex qu’il désirait si fort. Une puissance potentielle qui restera en réserve d’une république qu’on ne violera pas, une quiétude pour les possédants qui se satisfera de l’immobilisme des structures. Tout était écrit, rien ne fut compris à temps !


            « Fracture-sociale », le grand suiveur nous amusa d’une belle illusion. Une brèche qui s’ouvre, une société qui se délite et une expression placébo. Bravo l’artiste !


            « Développement-durable », le Monde a pris le relais, le capitalisme s’insinue dans la pensée verte et nous vend un concept aussi creux que dangereux. Ce développement qui n’est que la forme aseptisée de la croissance, ce durable qui met le locuteur en avant : « Pourvu que ça dure aussi longtemps que moi ! ». Le durable donne une limite raisonnable au temps, celle de l’Homme.


            « Identité-Nationale », notre César n’a pas usé de son « devoir-de-mémoire » : oxymore purulent sorti des ateliers secrets de l’État. Il a oublié les sinistres prédécesseurs ou l’adjectif National déclinait la terreur et la violence. L’identité, le pareil ou le spécifique, on ne peut jamais savoir, s’unit au global, au commun. Le mariage du particulier et du général. Creux et dangereux.


            « Fonds-pourris », les banquiers ne sont pas en reste, ils se dédouanent ( paradis fiscal ?) magnifiquement. Le pourrissement n’est pas de la responsabilité du producteur. C’est le client qui a laissé pourrir. Négligence des autres, irresponsabilité des initiateurs. Quelle pirouette !


            Ce mot à maux pervers et cruel n’est pas prêt de s’arrêter. On nous trompe avec notre approbation, on nous berne et on se précipite. Ces armes lexicales sont reprises, répétées et jamais réfutées. Les oxymoristes ont gagné la partie, le Monde court à sa perte.


          • Jean J. MOUROT Jean J. MOUROT 14 février 2015 18:42

            Maso comme ils sont, les « jeunes » se prêtent d’ailleurs au jeu, réclamant dès le berceau un téléphone portable qui permet de les suivre à la trace...
            Et pour encore facilité le contrôle, ils ne sortent plus jouer dans le ruisseau ou le caniveau mais se bloquent au-dessus d’un écran de jeu qui évite d’avoir à les chercher ailleurs que chez eux...

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