Le Pentagone épingle la géographie 3D
Le département de la défense remet Google Geo et Microsoft Map Live sur les rails.
Circulez, y a rien à voir !
Grâce à ses images 360 degrés, Google Street View nous fait le tour du propriétaire à Fort Sam (Texas) : checkpoints, quartiers généraux, immeubles administratifs, résidences, etc. Qui donc a donné la permission à Google de filmer aussi précisément l’intérieur d’une base militaire ? Comment la firme de Mountain View a-t-elle pu considérer cette adresse comme les autres ?
Reconnaissant l’utilité des services en ligne de géolocalisation 3D, Gary Ross, porte-parole du US Northern Command insiste néanmoins sur « la nécessité de les rééquilibrer car leurs images constitueraient un risque pour la sécurité nationale. » Aussitôt, Google fut sommée d’occulter voire d’omettre les vues rapprochées et les plans détaillées de Fort Sam et de toutes les installations militaires américaines dans le monde de ses applications Earth et Street View.
Un malheur ne venant jamais seul, la dernière mise à jour de Microsoft Map Live fournit un remarquable zoom aérien des bâtiments de la NSA à Fort Meade (Maryland). Lors de la rédaction, ces images étaient encore disponibles sur Google et Microsoft, aujourd’hui dans les petits papiers de la No Such Agency.
Tout porte à croire que le Pentagone aura dorénavant un sacré droit de regard sur les services géo 3D des infomédiaires. Le général Gene Renhuart de l’US Air Force a récemment déclaré que la firme de Mountain View « s’est montrée très compréhensive en matières d’implications sécuritaires »... La firme de Redmond aurait également reçu une visite de quelques fédéraux passablement énervés.
Il semble plutôt étonnant que le DoD rugisse si tardivement vu la relative prévisibilité et la régularité de ce genre d’incidents. Google Geo et Microsoft Map Live n’en sont guère à leurs premiers exploits sulfureux.
Oeil électrique
En décembre 2005, sous la pression de la Maison-Blanche, Google Earth masqua la manoir washingtonien du vice-président Dick Cheney. La même année, les autorités sud-coréennes exprimèrent leurs inquiétudes après avoir zoomé sur leurs bases militaires et sur la résidence présidentielle avec la même technologie.
Dans l’univers mystérieux des sous-marins nucléaires, les hélices sont l’objet de secrets jalousement gardés et ne sont donc jamais exposées au grand public ou dans les sites officiels. En septembre 2007, la marine américaine vit l’USS Virginia en train d’appareiller hélice découverte sur Map Live... Quelques semaines plus tôt, son homologue chinoise découvrit un de ses sous-marins d’attaque de la nouvelle classe Jin amarré à son port de Xiao Ping Dao, en panoramique sur Map Live et en zoom haute définition sur Earth.
A l’automne 2007, Google Earth délivra d’excellentes vues (un pixel pour deux mètres carrés) de plusieurs bases aériennes israéliennes, des quartiers généraux de Tsahal - le fameux « Glilot »- à Tel Aviv... ainsi que du site nucléaire de Dimona et d’éventuels bâtiments principaux du Mossad ! Last but not least : le Hezbollah et les Martyrs d’Al-Aqsar affirmèrent planifier leurs campagnes d’artillerie et ajuster leurs tirs grâce aux bons et loyaux services de Google Earth
En février 2008 à Londres, une foule de manifestants opposée à l’extension de l’aéroport Heathrow envahit le toit de la Chambre des communes, au nez et à la barbe de la sécurité. God saves Google Earth !
Un faux frère nommé Big Brotha
En plus de cannibaliser la vie privée des individus, les infomédiaires s’en prennent indirectement aux secrets défense des Etats.
Achtung Baby : mon but n’est pas de pourfendre les GYM (Google, Yahoo !, Microsoft) auxquels vous et moi sommes étroitement et quotidiennement dépendants. Une journée sur le net sans GYM ressemblerait à une semaine boursière sans Wall Street...
Toutefois, la quasi-omniscience de ces infomédiaires n’a pas fini d’agiter les drapeaux rouges. L’expansion constante de l’information gratuite ou commerciale détenue par les titans de la toile, combinée au modèle participatif du Web 2.0 à (mash-up, tags, crowdsourcing, espaces multi-supports, hyperliens physiques, etc.) dans lequel les utilisateurs pourvoient ces ogres numériques en données à haute valeur ajoutée : tout cela mue les moteurs en recherche en véritables Aegis multimédia dont l’ubiquité virtuelle accroît des risques bien réels. En outre, la concentration de ces derniers - aujourd’hui trois et bientôt deux si Microsoft parvient à absorber Yahoo ! - n’arrange pas les choses.
Un tel triopole ou duopole crée de facto sa propre vulnérabilité tous azimuts, la petite histoire des GYM ayant démontré que leurs failles critiques sont à la hauteur de leur gigantisme et de leur complexité. Comment garantir qu’un non-Etat ou un gouvernement n’exploitera leurs giga-bases géographiques à des fins coercitives contre un autre Etat ? Le web étant d’abord et avant tout du « business » pour ces infomédiaires, comment gérer les menaces technosécuritaires multiples si ceux-ci externalisent toute ou partie de leurs infrastructures ? Qu’en sera-t-il lorsque des myriades d’entreprises privées - souvent peu au fait de la cybersécurité - sous contrat avec des administrations auront massivement adopté l’informatique-service offerte par les GYM ?
Dernièrement, les soldats canadiens basés en Irak et en Afghanistan et disposant d’un compte Facebook ou Myspace avaient été priés de la mettre en veilleuse sur divers points-clés de leurs activités quotidiennes, l’avertissement fut ensuite transmis à leurs collègues américains et britanniques. Les djihadistes ayant apparemment découvert l’immense richesse documentaire des facebookers et des myspacers...
Les gouvernements n’ont qu’à bien se tenir : ils n’ont encore rien vu.
Annexes :
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BBC : Pentagon bans Google map-makers
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Times : Pentagon bans Google from US bases
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Zataz : Un secret militaire révélé par Microsoft
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Zataz : Secrets militaires sur Internet
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Israel Net Daily : Updated Google Earth exposes sensitive Israeli military sites
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Zataz : Des manifestants utilisent Google Earth pour envahir le Parlement
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Wired : Facebook Threatens Soldiers, Canada Warns ; ’80 Percent’ of Enemy Intelligence Gleaned From ’Net
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