Le potentiel de substitution faible (voire inexistant) des métaux menace notre modèle actuel de développement
Quatre chercheurs se sont intéressés à la substituabilité des principaux matériaux (notamment métaux) qui sont actuellement utilisés massivement pour notre vie quotidienne. Ils aboutissent à une conclusion inquiétante : La complexité croissante des produits qui conduit à mêler différents métaux va rendre rapidement la tâche des scientifiques terriblement ardue pour maintenir le même niveau de performance, ou tout simplement pour continuer à user des mêmes procédés, dans le cadre d'une future pénurie de certains métaux. Pourquoi ? Parce le potentiel de substitution de ces métaux, qui pourrait pallier à d'éventuelles pénuries, est faible ou inexistante pour tous les produits étudiés dans l'étude !!
Référence : T. E. Graedel, E. M. Harper, N. T. Nassar, and Barbara K. Reck On the materials basis of modern society PNAS 2013 (Proceedings of the National Academy of Sciences of the United States of America)
- La complexité des objets que nous utilisons chaque jour est ahurissante par rapport à l'époque où l'on utilisait que le bois, la pierre, le fer, le cuivre, l'or et l'argent... Cette complexité croissante qui culmine dans nos appareils high-tech (60 matériaux différents dans un smartphone) pose de graves problèmes de dépendance quant à certains de ceux-ci (comme l'a montré le moment où la Chine a décidé de restreindre ses exportations de métaux rares) Néanmoins, en cas de disparition ou d'épuisement d'un ou plusieurs de ces éléments, reste la possibilité de substituer un matériau, un alliage ou une combinaison de divers éléments à ce métal. La substituabilité des principaux matériaux était mal connue. Maintenant qu'elle l'est, nous avons souci à nous faire et les scientifiques vont devoir se creuser la tête...
- Aujourd'hui tout va bien, nous disposons de tous les matériaux souhaitables, qui sont utilisés pour des fins auxquelles ils pourvoient parfaitement. "Nous avons étudié le potentiel de substitution pour 62 différents métaux dans leurs usages les plus importants et étudiés la performance des substituts dans ces applications. Comme nous le montrons ici, pour une douzaine de différents métaux les substituts potentiels sont inadéquats ou n'existent pas. En outre, pas un seul des 62 métaux ne dispose d'un substitut adéquat pour ses principales utilisations." Les douze métaux les moins substituables sont : le "rhenium, rhodium, lanthanum, europium, dysprosium, thulium, ytterbium, yttrium, strontium, thallium, magnesium and manganese"
- Les secrets d'affaires ont empêché de postuler précisément quelle quantité de quoi est utilisée chaque année pour fabriquer quoi et dans quelles proportions... Les auteurs ont utilisé une estimation conservatrice (80% de ce qui est extrait, produit et recyclé chaque année).
- Déterminer le substitut n'est pas évident dans la mesure où les caractéristiques des métaux sont souvent uniques mais on peut les trouver écrit un des auteurs de l'étude bien que cela réduise souvent les performances.
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L'étude de la littérature scientifique, l'analyse des déclarations des acteurs, l'interview d'ingénieurs et de scientifiques a conduit à obtenir les données (utilisation, substitution, efficacité du substitut pour 62 métaux...) et le résultat est un "important appel au réveil". Ces résultats sont synthétisés dans le tableau suivant
- Alors que les économistes, sur la base d'expériences passées (ne concernant pas les métaux) ont postulé qu'une pénurie d'un élément conduirait au développement de solutions alternatives rapidement, les scientifiques estiment que dans le cas des métaux cela sera particulièrement complexe du fait de leurs propriétés uniques qu'il est très difficile d'imiter.
- L'un des moyens de représenter à quel point ces métaux sont critiques a été de développer une représentation 3D qui combine, le risque d'approvisionnement, les implications environnementales et la vulnérabilité à une restriction de l'offre et qui se présente ainsi :
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Pas la peine d'espérer que nous atteignons des pics de consommation (comme c'est actuellement le cas pour le fer ou l'aluminium). La conclusion est ici sans appel, pas la peine d'espérer un pic pour ces métaux rares, même avec un recyclage bien supérieur.
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En dehors de la Chine, une poignée de pays, dont les Etats-Unis, l'Afrique du Sud, l'Australie, le Congo, et le Canada, détient les plus grandes réserves des métaux les plus divers et "une catastrophe nationale ou une agitation politique prolongée dans l'un d'eux se répercuterait de manière significative à travers le monde matériel dans lequel nous vivons", a déclaré Graedel.
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Voici les dernières lignes de l'étude :
"What does this enhanced understanding of metal demand and metal use say to the “if we run short, the market will produce a substitute” argument ? The first thing to say is that for some materials and for some final products, we know of no suitable substitute. In other cases, product performance would suffer markedly under substitution. These arguments can, of course, be trumped by new and transformative technologies, many of which are under active investigation : advanced composite materials (30), bulk metallic glasses (31), and structural biological materials (32), to name a few. Transformations are unlikely to happen rapidly, however : a recent study by the European Parliament (33) states “The majority of substitutions are currently in the research and development stage, and market-ready solutions are rarely available.” Thus, the outstanding efforts of materials scientists over the last few decades appear to have effectively decoupled substitution from price in many cases, because often no suitable substitute can be found no matter what price is offered without performance and function being seriously compromised"
It thus appears that society will need to pay more attention to the acquisition and maintenance of nonrenewable resources than has been the case in the past. Growing populations, growing affluence, and the materials diversity of modern technologies are straining the resource capacities on which we draw. The situation need not inspire panic, but should instead stimulate more diligent and more comprehensive approaches to the balance between supply and demand across the entire periodic table."
Conclusion : Bien qu'il ne soit pas question de "paniquer", on peut se poser légitimement et philosophiquement quelques questions ? Sommes-nous sur la voie pour épuiser une certaine configuration technologique destinée à un confort d'une certaine partie de la population mondiale ? Devrons nous découvrir de nouvelles propriétés à certains métaux pour imaginer de nouvelles manières de vivre, de nouveaux objets, aux nouvelles propriétés et utilisations plus respectueuses des disponibilités de ces métaux ? Que se passera-t-il en cas de pénurie soudaine d'un métal non substituable ? ...
Paru initialement sur Points de vue alternatifs : http://www.points-de-vue-alternatifs.com/2013/12/m%C3%A9taux-leur-potentiel-de-substitution-en-cas-de-p%C3%A9nurie-est-tr%C3%A8s-faible-voire-inexistant.html
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