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Le savant et le politique

Comme tout aujourd’hui, la recherche scientifique est un fantastique domaine d’investissement financier. Les sociétés pétrolières financent notamment des recherches océanographiques en vue de la future exploitation du Pôle nord. Mais la réalité risque de rejoindre la fiction la plus pessimiste et délirante !

Grâce à Nicolas Sarkozy, Claude Allègre et Jacques Attali, deux des plus grands garants intellectuels et médiatiques des différents pouvoirs en place depuis trente ans, vont pouvoir continuer à défendre moralement l’idée qu’il faut livrer la recherche scientifique aux sociétés privées afin qu’elle puisse trouver les moyens nécessaires de conserver ses talents. Le secret de la fuite des cerveaux vers les Etats-Unis réside effectivement dans le fait que là-bas, où l’or brûle la vie, les scientifiques gagnent énormément d’argent. Dans un système concurrentiel d’investissements privés, les grands trusts financiers peuvent à leur gré s’emparer de projets scientifiques quels qu’ils soient, en rétribuant leurs chercheurs comme des joueurs de foot ! Cela nous ramène inévitablement à l’irrésolue question éthique liée à la science, qui faisait dire à Rabelais, il y a déjà un certain temps, la célèbre mise en garde : « Science sans conscience n’est que ruine de l’âme.  » Car malheureusement, le progrès éthique et le progrès scientifique, n’impliquant pas les mêmes types d’intérêts, ne se rejoignent que très rarement.

On savait déjà que la sphère économique avait totalement pris possession des sphères politiques et médiatiques. Il faut nous préparer à voir notre notion de progrès scientifique accaparée elle aussi totalement par le pouvoir privé financier. De ce fait, quelles seront les garanties de transparence et d’éthique données par les groupes alors devenus omniscients ? Quels seront leurs objectifs réels (à supposer que leurs intérêts puissent se trouver ailleurs que dans leurs propres profits) ? Dans son euphorie, Claude Allègre a tout de même indiqué qu’il souhaitait vivement la création d’un comité éthique, notamment sur les recherches en neurosciences, future boîte de Pandore des géants du profit. C’en est presque risible tant l’on sait que ce genre d’instance ne pèse rien contre le pouvoir de l’argent. Ce mode de gouvernance qui consiste à mélanger toutes les sphères de la société pour les suspendre au pouvoir économique, est organisé au nom du progrès et donc du développement économique qui va de pair avec lui en Occident. Il se peut donc que bientôt, un salvateur fabricant d’humanité comme Areva (nucléaire, fabrication d’armes...), se lance dans les neurosciences et que ses dirigeants accèdent à des procédés de manipulation du cerveau ! Quand on sait que ce genre de trusts continuent de vanter leurs différentes activités dans le monde entier au nom du progrès universel, ça fait froid dans le dos !

C’est toujours la même manœuvre idéologique qui nous gouverne, celle qui repose sur l’assimilation du progrès humain et du progrès utilitariste, avec laquelle on peut notamment créer une notion de codéveloppement pour masquer une étape supplémentaire de l’occidentalisation du monde toujours aux profits des mêmes. Il est très urgent de se demander s’il est bien raisonnable de laisser des domaines de recherches scientifiques tels que les neurosciences à des intérêts privés, qui contrôlent déjà les médias et pour qui le formatage du cerveau humain selon le modèle de l’intelligence artificielle représenterait un progrès trop évident. Cela jette aussi le trouble sur la philosophie réelle qui anime la communauté scientifique. Doit-on douter qu’un brillant chercheur ne se consacre à ses recherches que dans le but du bien commun, de l’avancée d’une connaissance axée sur le respect de la vie et le souci de préserver la cohérence transcendante de la nature qu’Hans Jonas a voulu opposer à la folie de la rationalité instrumentale durant toute sa vie de philosophe ? L’empressement des petits génies à quitter la France pour l’argent américain nous prouve que le cas d’Einstein n’a pas convaincu tous les nouveaux talents, et que la soif de réussite financière affichée est plus forte que tout !


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8 réactions à cet article    


  • ZEN ZEN 1er octobre 2007 13:19

    On attend un nouveau Max Weber, qui viennent repréciser à nos décideurs (mais peut-on appeler « décideurs » ceux qui flottent au gré des forces du marché ultralibéralisé ?)ce qu’est une « éthique de la responsabilité »...


    • NPM 1er octobre 2007 13:32

      « Il faut nous préparer à voir notre notion de progrès scientifique accaparée elle aussi totalement par le pouvoir privé financier. »

      Diable ! Jamais entendu parler du capitalisme ????? Ca doit être nouveau pour vous, mais ca fait 300 ans que c’est comme ca..


      • bisane bisane 1er octobre 2007 19:42

        C’est peut-être dans le « totalement » que réside la nuance... mais elle est de taille !

        Le capitalisme, au sens large du terme, n’a aucun intérêt à financer des recherches fondamentales qui ne lui rapporteraient rien à court ou moyen terme. Et ne parlons pas des questions d’éthique ou d’environnement ! L’exemple des industries agro-alimentaires ou pharmaceutiques est à cet égard... exemplaire !

        Il s’agit d’un choix qui devrait dépasser les clivages politiques, et la rentabilité « à tout prix »... bref, un choix de « civilisation », dont l’actuelle commence à montrer ses limites...

        Ca mérite donc à tout le moins d’y réfléchir, et non d’invectiver !


      • bisane bisane 1er octobre 2007 19:51

        Quelques raccourcis inutiles dans votre analyse, mais sur le fond, je vous rejoins, et il est urgent de se poser ce genre de questions !

        J’avais commis également un petit article sur la réforme des universités, qui rejoint un peu le votre (sur le fond de la réflexion, pas forcément sur les arguments !)...


      • -GF- -GF- 3 octobre 2007 10:07

        Ca fait même bien plus de 300 ans que c’est comme ça. La plupart des « grands savants » n’était-ils pas animés aussi par l’appat du gain ? Le calcul infinitésimal de Newton a aussi servi à la gestion des finances du royaume d’Angleterre, la lunette de Galilée a surtout eu des application militaire, et que dire des innombrables trouvailles de De Vinci, pour ne citer qu’eux... N’oublions pas que la politique que nous connaissons ainsi que le système économique dans lequel nous vivons sont le fruits de la science !! Il est impensable d’imaginer un monde viable en séparant la science de la société, voyons !

        Cet article est très intéressant, bien que l’aspect épistémologique ait été mis de coté au profit d’une approche plutôt « pseudo-alter-mondialiste-anti-capitaliste » (que je ne critique pas outre mesure). Une question : ne sommes nous ici en train de confondre « science » et « recherche » ? Gardons en tête que la recherche est un métier et une profession, et je suis navré de peut-être briser un mythe, mais le chercheur n’est pas une personne qui oeuvre « pour le bien de l’humanité ». Il faut faire attention à ne jamais dissocier le produit de la recherche de son utilisation, « bonne » ou « mauvaise » (cf. projet Manhattan).

        Il ne faut pas se méprendre, le savant EST un politique à sa manière. Et ce qui est considéré comme de la « bonne science » est celle qui intéresse la politique et l’économie. Jusqu’à preuve du contraire...

        - GF-


      • Vilain petit canard Vilain petit canard 1er octobre 2007 14:16

        « Claude Allègre et Jacques Attali, deux des plus grands garants intellectuels et médiatiques des différents pouvoirs en place depuis trente ans »...

        Diantre, comme vous y allez... aussi grands que ça, vous êtes sûr ? Moi j’aurais dit « deux des plus grands fayots en quête de prébendes des trente dernières années »


        • Mil 2 octobre 2007 12:01

          Claude Allègre ????

          A-t-il jamais été un vrai scientifique ??

          Plutôt un véritable arriviste et opprtuniste !


          • Serviteur Serviteur 3 octobre 2007 09:36

            Dans cet article pertinent un tout petit détail m’interpelle:pourquoi donc des hommes dont le « seul » talent est de taper dans une balle pour amuser le peuple touchent ils un salaire aussi élevé tandis que l’équipe scientifique qui met au point un médicament innovant (pas une copie d’un ancien avec deux ou trois modification histoire de poser un brevet,un vrai truc innovant)sera payer selon le même petit salaire mensuel (avec peut être une petite prime je sais pas)et fera faire un profit énorme à leur entreprise ?C’est moi ou le monde tourne à l’envers ? Ceci dis sans mépris aucun pour les sportifs professionnels .

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