La presse évoque depuis quelques jours une découverte génétique portant sur la migraine, pathologie courante qui, sans altérer la vitalité, n’en reste pas moins invalidante par les maux de tête qu’elle occasionne. L’étude qui vient d’être publié a consisté à identifier des différences génétiques en analysant le génome de personnes atteintes ou non par les crises de migraine et plus spécifiquement les femmes. Si on lit les communiqués, on apprend que trois gènes seraient liés à cette pathologie, plus précisément les gènes LRP1, TRPM8 et PRDM16. Présentés de cette manière, ces résultats laissent penser à une altération des séquences géniques concernées, à l’instar des oncogènes dont une seule mutation peut constituer un facteur cancérigène, ou alors du gène de la dystrophine qui, s’il est altéré, produit une protéine tronquée causant les myopathies de Duchenne et de Becker. En fait, les différences génétiques ne mettent pas en évidence des altérations sur les gènes mais sur des séquences d’ADN non codantes.
Cette vaste étude a mobilisé plusieurs instituts de recherche médicale, à Harvard et dans des centres européens, au Pays-Bas, en Allemagne, en Finlande, en France. 23 000 personnes ont été ciblées, dont 5000 souffrent de migraines. Les analyses génétiques ont permis de déceler trois domaines porteurs de mutation statistiquement significatives car corrélées aux affections migraineuses. Plus précisément, ce sont 7 mutations de type SNP qui ont été identifiées dont trois ont été confirmées par les études complémentaires menées en Europe. SNP est l’abréviation de single nucleotide polymorphism, autrement dit, une variation de séquence portant sur une seule base. Cette altération apparemment banale peut avoir des conséquences importantes si elle concerne une partie codante du gène ; auquel cas, elle produit un changement d’acide aminé et donc, modifie la protéine traduite. Si la mutation porte sur un codon de terminaison, la transcription du gène n’est pas arrêtée et se poursuit pour produire un ARN aberrant. Parfois, une mutation simple peut être silencieuse lorsqu’elle porte sur une base en troisième position d’un codon. Sinon, les SNP peuvent également affecter les parties non codantes du gène (introns) ou bien des séquences intergéniques. Les conséquences ne sont pas anodines car l’épissage de l’ARN transcrit peut être affecté, tout comme la liaison de facteurs régulateurs sur les séquences intergéniques.
Les trois SNP corrélées à la migraine ne sont pas situées sur des séquences codantes, ce qui n’altère pas la structure des protéines produites par les gènes concernés. Une des mutations est située en amont du gène TRPM8 et donc, dans une séquence intergénique, alors que les deux autres se situent chacune au niveau du premier intro des gènes PRDM16 et LRP1. Ce qui signifie dans le premier cas qu’une régulation génique altérée pourrait être envisagée et que dans les deux autres cas, la mutation dans une séquence d’intron serait susceptible d’altérer l’épissage, ce qui ne modifie pas la structure finale des protéines mais leur quantités relatives traduites après l’épissage. Au final, ces résultats semblent fournir des marqueurs génétiques indiquant une tendance à la migraine mais ne donnent aucune indication sur les mécanismes moléculaire et génétiques produisant cette pathologie. Le gène TRPM8 est en ligne de mire puisqu’il code pour un canal ionique et se trouve impliqué dans les transmissions synaptiques tout en étant lié à la sensibilité au froid et à la douleur. Le gène LPR1 code pour un récepteur des apolipoprotéines, lesquelles transportent le cholestérol nécessaire au fonctionnement des neurones. Par ailleurs, il intervient en modulant la transmission synaptique ; enfin, des études soupçonnent ce gène d’être responsable en partie de la maladie d’Alzheimer. Quant au troisième gène impliqué, son rôle n’est pas clair. On sait simplement qu’il intervient dans la croissance des cellules adipeuses. On ne peut donc rien conclure de précis sur les mécanismes moléculaires de la migraine mais s’interroger sur l’étrangeté de ces analyses mettant en relation une pathologie invalidante avec trois petites mutations. C’est comme si une pièce de Shakespeare produisait une émotion différente consécutivement à trois coquilles dans le texte. Décidemment, le langage des gènes reste bien mystérieux et n’a pas encore trouvé son Champollion. Et puis comment interpréter ces corrélations entre la migraine et seulement trois mutations à un endroit précis ? Est-ce la bonne piste ou bien un artefact ? La recherche pose plus de questions qu’elle n’en résout.
Moyenne des avis sur cet article :
3.8/5
(10 votes)
Très dubitatif sur ce genre de pseudo-recherches. Et si les gènes étudiés correspondaient plutôt à des tendances comportementales qui exposeraient plus les sujets aux migraines ?
Car si l’on fait une étude uniquement sur les gènes, sans analyser avec détail les journées de chacune des personnes de l’échantillon, alors on passe à côté de tout un tas de facteurs externes certainement très puissants.
Je crois que nous sommes traversés par de plus en plus d’ondes électromagnétiques (WIFI, GSM, TNT, ...) avec des puissances de plus en plus fortes, un spectre qui s’étale... et certaines personnes sont plus sensibles que d’autres à ces nuisances. Pour ma part, mon téléphone portable me faisait mal à l’oreille droite si je l’utilisais à droite (pareil à gauche).
Bien évidemment, si les études sérieuses de la migraine nous apprenaient que la technique tel qu’on l’utilise est mauvaise pour la santé, alors elles n’iraient pas dans le sens de la consommation et du « progrès ». La migraine (comme le cancer) est une maladie d’avenir qui génèrera du chiffre et du « progrès ». Les médecins opéreront pour migraine grâce à ce genre de recherches farfelues qui va toujours dans le sens du « progrès ».
J’ai beau être technicien de formation, pour ma santé, j’applique « Connais-toi toi-même » et ça marche plutôt pas mal (je n’ai pas de portable, par exemple).
Apparemment les migraines ont une composante héréditaire non négligeable. On sait ça en faisant - entre autres - des études sur de vrais jumeaux, séparés à la naissance ou pas, ce qui permet de distinguer les causes héréditaires des
causes
environnementales. Cela fait donc du sens d’étudier les gènes potentiellement impliqués dans les migraines. Et ça n’exclue absolument pas de s’intéresser aux facteurs environnementaux.
>Et si les gènes étudiés correspondaient plutôt à des tendances comportementales qui exposeraient plus les sujets aux migraines ?
Les corrélations observées ne disent rien de la nature du mécanisme, et donc un scénario de ce genre est tout à fait possible. Cependant il est assez douteux de proposer qu’un comportement complexe comme l’utilisation d’un téléphone soit déterminé par des facteurs génétiques, il faudrait bien plutôt aller chercher du côté de causes sociales.
>Bien évidemment, si les études sérieuses de la migraine nous apprenaient que la technique tel qu’on l’utilise est mauvaise pour la santé, alors elles n’iraient pas dans le sens de la consommation et du « progrès ».
J’ai comme le souvenir d’un article récent sur agoravox qui fait états des la sur-abondance d’études scientifiques sérieuses sur les graves méfaits de la télévision. Cela n’as pas eu de grands effets sur la vente des écrans plats à ma connaissance.
Cependant il est assez douteux de proposer qu’un comportement complexe
comme l’utilisation d’un téléphone soit déterminé par des facteurs
génétiques.
Bien évidemment, il n’existe pas le gène de l’achat et de l’utilisation du téléphone portable. Mais je pense qu’il y a des « caractères génétiques » qui y prédisposent : par exemple, l’instinct grégaire, la peur de se sentir exclu. Et même s’il n’y a pas de gènes exacts correspondant à ces comportements, il y a sûrement des gènes qui prédisposent à ce caractère là (l’éducation a un rôle très important aussi, mais la même éducation avec des gènes très différents ne donne pas le même résultat).
Donc, je trouve qu’une étude génétique sur la migraine est une simplification extrême qui montre bien que certains s’amusent ou ont un travail douteux. Tant mieux pour eux s’ils estiment faire avancer les choses, mais je ne serais pas fier de faire de telles recherches, j’aurais même un peu l’impression de vivre sur le dos des autres. Chacun son caractère !
les séquences intergéniques qui ne codent pas pour des protéines ne peuvent pas être inutiles.
D’un point de vue énergétique et évolutif c’est improbable.
Ces séquences sont peut-être des formes de relais de communication qui régule par leur forme même de résonance l’expression des gènes. Cette résonance a probablement un vecteur électromagnétique et cela doit donc être mesurable.