Les systèmes de reconnaissance du visage sont-ils dangereux ?
Picassa, Amazon, distributeurs de billets, police des frontières et vigiles de casinos ont un point commun : ils ont recours à l’efficacité des nouveaux outils proposés par le développement du numérique baptisés « intelligence artificielle » pour identifier leurs clients ou la population qu’ils sont chargés de contrôler.
La reconnaissance de visage consiste à déterminer l'identité d'une personne à partir d'une image de son visage. Pour cela, il est nécessaire que l'identité de cette personne soit connue au préalable, au moyen d'une ou plusieurs photos, ou mieux encore, d'un modèle 3D. Pour mener à bien leurs missions, les professionnels des services concernés ont mis au point une méthodologie dont il est bon de connaitre le jargon made in USA si on veut comprendre certaines conversations à la mode sans passer pour un attardé :
- one-to-many (1:N) concerne la phase d’identification qui consiste à déterminer l'identité d'un individu parmi N identités connues, enregistrées dans une base de données.
- one-to-one (1:1), est la vérification qui consiste à vérifier que l'identité prétendue est bien la bonne.
Encore faut-il que cette banque de données en dispose !
Or, les pièges qui permettent aux opérateurs privés ou publics de se constituer un annuaire plus performant que les vieux fichiers des services de renseignements constitués à partir des formulaires de demande de papiers d’identités sont nombreux et, tels le serpent du jardin d’Eden qui savait comment présenter les choses à Eve pour qu’elle croque la pomme, ils savent présenter les stratagèmes de capture d’image aux consommateurs alléchés pour qu’ils fournissent sans le savoir tout ce que Big Brother a envie de savoir.
Dans le dernier numéro de "Scheer Intelligence", Jacob Snow, l'avocat de l'« American Civil Liberties Union », donne un éclairage intéressant sur le partenariat qui existe aux Etats-Unis entre les entreprises privées et l’état dans le domaine de la sécurité et du renseignement : "Nous sommes dans un environnement où les immigrants sont ciblés et humiliés, et où les personnes de couleur sont prises pour cibles et persécutées. Et le fait que la reconnaissance du visage pourrait se généraliser en tant qu'instrument d'application de la loi aura des répercussions disproportionnées sur les personnes de couleur, sur les manifestants politiques et aussi sur les immigrants. Et une fois que l'infrastructure sera construite, une fois que la surveillance du visage sera généralisée dans la société, les dommages causés à ces communautés ne pourront pas être détruits."
Cette angoisse américano-américaine concerne d’ailleurs tout autant les pays européens africains et asiatiques dans lesquels ce qu’on appelait les « complexes militaro-industriels » sont devenus des « complexes d'information militaro-industriels », les données circulant de manière transparente entre les entreprises concernées, les services de renseignement et même les services de police locaux. Les « communautés » évoquées dans l’article ne sont d’ailleurs pas les seules catégories de population à être en droit de s’inquiéter.
Pourtant, malgré cette tendance lourde, Jacob Snow reste prudemment optimiste : "Les entreprises sont certainement puissantes", dit-il, "mais ce que je considère comme un antidote, c'est le fait que notre processus politique peut fonctionner. ... les représentants élus peuvent imposer des restrictions significatives à ces entreprises ; nous avons vu cela se produire dans le passé avec une certaine efficacité et je crois que cela peut arriver dans le futur."
Euh, oui ! Il suffit d’être convaincu du fait que nos « représentants » représentent bien nos intérêts. Prétendre le contraire serait-il qualifiable de paranoïa, de complotisme, de conspirationnisme ou d’autres anathèmes ?
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