Les voies métaphysiques du Dieu holotropique sont impénétrables (La gravité quantique replace l’homme dans l’univers physique )
La mécanique quantique a donné une image surprenante de l’expérience physique. Les épistémologues furent étonnés de constater que l’observateur influe sur la chose observée. En vérité, la mécanique quantique a imposé aux physiciens de rompre avec une croyance, celle d’un monde objectif strictement séparé et indépendant du sujet humain. L’homme est pour ainsi dire encarné avec la nature, ou si l’on veut, entrelacé, noué de telle manière que toute observation quantique dénoue l’objet en refaisant un nœud. Ce phénomène fait partie de l’expérimentation et a été formalisée de manière précise en postulant qu’une particule pouvant prendre place parmi plusieurs états quantiques possible avant la mesure, occupe un seul état après l’observation, cet état étant celui qui est mesuré par l’appareil. Ainsi, lorsqu’on observe une particule, le formalisme décrit non seulement la particule mais prend aussi en considération le dispositif expérimental. Ce fait assez étrange peut être imaginé à partir d’un dé virtuel dont chaque face représente un état quantique. Faire une mesure suppose que le physicien lance le dé puis détecte le chiffre écrit sur la face qui sort de l’expérience. On comprend alors que l’expérience ne se réduit pas à l’observation d’une face de dé mais doit inclure le lanceur de dés (le physicien et son appareil). L’idée d’une séparation physique entre l’observateur et l’objet ne tient plus si l’on étudie la structure la plus fine des éléments matériels. Pour le reste, dans le monde macroscopique, on peut conserver le principe d’une séparation entre l’opérateur et la chose opérée. Les physiciens peinent encore à comprendre cette transition entre les étranges lois du monde quantique et celles plus « ordinaire » du monde prosaïque au sein duquel nous percevons, agissons et vivons. Un enseignement à tirer : l’expérience microphysique doit être pensée et explicitée en incorporant l’observateur dont on dirait qu’il interfère avec un possible déroulement indépendant de la mesure (qui évidemment est impossible). L’expérience microphysique est donc un « lieu matériel » où se rencontrent le monde matériel et l’univers existentiel humain. Ce lieu se dévoile avec ses lois étranges. C’est un monde d’action dont la plus petite quantité est infime, donnée par la constante de Planck.
Le monde macroscopique est lui aussi en relation avec l’observateur qui peut le mesurer. Le rapport entre l’homme et l’univers physique s’effectue avec deux processus. L’un relevant du sensible et notamment, de la vision, l’autre étant lié à la mesure et au calcul. Dans de célèbres pages restées incomprises, Kant nous livre une explication de la sensibilité conçue comme la rencontre, sous certaines conditions, du sujet humain avec l’univers matériel. A force d’utiliser le monde, l’homme a perdu le sens originel de sa relation au monde, un sens qu’avaient appréhendé les sages de l’Antiquité, suivis par les mystiques médiévaux. La séparation moderne est instituée. D’un côté le sujet, corps agissant doué d’une figure, d’une masse et d’une conscience, et de l’autre, une nature extérieure, indépendante, objective, dotée de formes pouvant être mesurées, formalisées. La cosmologie relativiste décrit l’ajustement entre l’espace-temps et les masses. Elle est donc moderne dans sa conception, comme le fut la théorie newtonienne de la gravitation. L’univers matériel décrit est objectif, séparé de l’homme, et du scientifique qui le mesure autant que lui permet la technique. Contrairement à la mécanique quantique, l’observateur n’est pas impliqué dans les observations cosmologiques, ou plus exactement, il n’influe pas sur l’observation. La cosmologie ne nécessite pas de prendre en compte l’observateur. Du moins la cosmologie considérée comme classique car si on combine la relativité générale avec la mécanique quantique, des résultats étonnants sont obtenus.
La mécanique du trou noir décrit une réalité intérieure avec laquelle on ne peut pas interagir, même avec un photon qui reste piégé car le trou noir déforme l’espace-temps au point de le faire disparaître, de le soustraire à l’univers exprimé, objectif. Le trou noir aspire le monde mais il peut être en connexion avec un trou blanc qui en quelque sorte, recrache le monde, ou plus précisément, l’exprime, avec ses formes. Au bout du compte, il se peut bien que le monde soit constitué d’une superposition de trous noirs et blancs, de processus d’impression et d’expression, de dissolution et d’expositions d’horizons, de surfaces, de formes. Ainsi l’énigme de la troisième dimension soulignée par Verlinde serait résolue. Quoi qu’il en soit, la mécanique des trous noirs présente des points communs avec la représentation d’un monde vécu par le sujet et donc, se prête à l’élaboration de ce nouveau paradigme lié à l’holographie, et susceptible de fournir une image très moderne (plus que moderne) du monde conçue selon les modalités de la Weltanschauung si bien explicitées par Heidegger dans L’époque des conceptions du monde (à lire dans le recueil Chemin qui ne mènent nulle part, Gallimard). Plus précisément, le lien entre conscience et gravité doit être cherché au niveau de la correspondance CFT/AdS. Ou du moins, entre perception visuelle et gravité.
Cette correspondance, établie par Juan Maldacena en 1997, représente l’aboutissement des travaux visant à raccorder la cosmologie relativiste et la mécanique quantique. Elle repose d’ailleurs sur le principe holographique et se conçoit comme une représentation duale (comme par exemple la description onde et particule). Cette conjecture, qui fait l’objet d’une présentation développée et élogieuse dans le livre de Susskind, explique l’équivalence, au voisinage de l’horizon d’un trou noir, entre deux théories, l’une qui inclut la gravitation et l’autre où elle est absente. La question centrale issue de ces travaux n’est pas tant que la gravitation que l’essence même de l’espace-temps qui se conçoit non plus comme une trame où se déroulent les événements physique mais comme l’expression d’une forme spéciale, organisée, issue des lois combinées de la gravitation et de la mécanique quantique (lire la conclusion de Susskind). En ce sens, la perception visible devrait être décrite dans un tel contexte et c’est le cas sans doute. Je serais tenté de relier l’horizon du trou noir et sa pulsation à une expérience dans laquelle je voyais l’horizon vibrer, comme s’il oscillait d’un mouvement d’éloignement et de déloignement. C’était en haute montagne. Cette drôle de sensation, je l’ai eue étant enfant, alors que j’avais la fièvre. Au stade de cette réflexion, je ne peux avancer plus loin, me heurtant face à des difficultés théoriques insurmontables. Ce détail fait partie de l’aventure scientifique. Un autre détail, le fait que dans la théorie quantique, l’espace reste un paramètre alors que le temps devient un opérateur. Et l’introduction d’un opérateur entropie dans la conception statistique de la mécanique quantique par Prigogine.
Les voies de l’homme sont impénétrables, tel serait la conclusion de ces recherches combinant gravité, théorique quantique et conscience. Et si Dieu est un hologramme, alors les voies de Dieu sont elles aussi impénétrables. Mais la science physique progresse. L’information ne peut être détruite lorsqu’elle tombe dans un trou noir (d’ailleurs, ce postulat s’accorde parfaitement avec ma découverte de la dualité forme énergique incluse dans la mécanique quantique, 1996, voir ma thèse). Le trou noir absorbe de l’énergie qui une fois à l’intérieur rayonne quelque part. Serait-ce là un support permettant de concevoir la survie de l’âme, voire même la résurrection christique ? Oser cette hypothèse relève d’une fois métaphysique conséquente. Une foi qui aurait sans doute embarrassé Pascal. Néanmoins, à notre époque de mécréance, ouvrir quelques pistes permettant d’explorer la présence du divin serait de nature à troubler l’ordre public maintenu par l’alliance du marché et de l’hédonisme. Allez, soyez rassurés, Dieu n’existe pas, vous pouvez allumer votre I-phone et reprendre une vie normale !
Sinon, l’AdS, espace anti de Sitter, offre une perspective nouvelle, comme celle des peintres hollandais de la Renaissance. Une nouvelle manière de voir l’univers. A suivre. Une révolution en perspective. L’homme est replacé dans l’univers physique avec sa conscience. Les révolutions ont toujours concerné l’humain !
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