Loi de février 2005 pour les handicapés : l’information circule ou pas ?
Mes articles Agoravox et d’autres sur divers sites provoquent des réactions et des questions. C’est l’objectif de cette action et j’y réponds avec plaisir.
Ce qui devient frappant maintenant, c’est l’ignorance des personnes handicapées en recherche d’emploi. Ignorance normale quand l’handicap devient soudainement une difficulté pour continuer dans son emploi ou pour en trouver un.
In fine, beaucoup de monde connaît des vocables comme Cotorep, Agefiph ou le pictogramme du fauteuil roulant sur les places parking réservées (pas toujours respecté par certains automobilistes). Mais tout le monde ne peut pas aller sur la toile ou ne connaît pas les sites appropriés.
Je fais référence à un cas parmi d’autres. Il témoigne de la difficulté à trouver l’information claire, complète sur les possibilités à explorer. Parcours du combattant : encore un vocable banalisé.
Martine m’a autorisé à insérer son témoignage.
Message du 7 octobre 2007 - Objet : Renseignements MDPH
« Je me permets de vous solliciter, car nous devons procéder à l’orientation de notre fils de 19 ans, actuellement en IMPRO. Lors d’un entretien avec l’IME/IMPRO afin de rédiger le dossier d’orientation, celui-ci a proposé l’ESAT et était peu favorable face à notre vœu d’orienter notre fils vers le milieu ordinaire. Nous avons insisté, conscient des capacités de notre fils ayant effectué un stage à la blanchisserie de l’hôpital où nous travaillons. Ce stage sur un poste adapté s’est très bien déroulé.
Nous avons eu récemment un rendez-vous avec le médecin de la MDPH de la Drôme. Il a clairement exprimé ce que serait son orientation : vers un ESAT. Malgré nos arguments et la conviction de notre fils à vouloir travailler en milieu ordinaire, ce médecin nous a menacé de mettre son dossier aux oubliettes, ainsi il n’aurait pas la possibilité d’être reconnu handicapé !
C’était donc clairement soit, l’ESAT avec en plus l’accumulation possible de l’AHH, soit rien.
Elle nous a raccompagné en nous demandant de rédiger son projet de vie.
Avec qui rédige-t-on un projet de vie ? Si la décision est déjà prise, à quoi cela servirait-il ? La personne concernée n’a-t-elle aucune place dans son propre avenir et donc dans la décision à prendre ?
Je croyais que la loi de février 2005 oeuvrait en faveur de l’intégration professionnelle et devait répondre avant tout aux priorités du projet de vie ? Pour nous trois, le projet de vie est d’entrer dans le milieu ordinaire.
Mon fils peut-il obtenir la reconnaissance de travailleur handicapé, sans que la CDAPH impose une orientation professionnelle ?
Nous sommes un peu perdus et ne savons comment faire valoir nos droits, comment se faire entendre, à qui nous pourrions nous adresser pour mettre toutes les chances du côté de notre fils et l’aider pour son avenir. Il y aurait tant de questions à vous poser...
Notre fils sait lire l’heure, en écriture et lecture il a un niveau CE1, il a obtenu son Brevet de sécurité routière et conduit son scooter, il n’a pas de problème d’orientation... Nous dirons qu’il est déficient léger, mais n’avons jamais eu de précision médicale ou psychologique. Nous pensons nous rendre à l’IME/IMPRO afin de consulter son dossier et en apprendre un peu plus. En attendant, nous nous inquiétons, ensemble, pour son orientation.
Je ne sais si mes questions trouveront une réponse sachant pertinemment qu’il vous faudrait davantage d’éléments sur la problématique de notre fils, mais quelques précisions de votre part, seraient le bienvenu.
En vous remerciant et cordialement »
Ma réponse à Martine a été la suivante, en soulignant qu’elle n’est ni la Bible ou le Coran ou la Tora (un peu d’humour n’est pas encore interdit en ce beau pays).
« ORIENTATION FILS de MARTINE - 19 ans
Dès le départ, il faut souligner que la nouvelle loi de février 2005 a changé profondément des aspects pratiques concernant la reconnaissance comme travailleur handicapé (TH) et l’orientation professionnelle.
De plus, il s’avère que certains départements ont réussi à créer des MDPH efficaces avec un personnel compétent et d’autres restent peu performants plus de deux ans après la loi. Une des raisons est que ces MDPH sont maintenant dirigés par le Conseil général et qu’ainsi du personnel peu expérimenté dans le domaine du handicap y font ce qu’il peut. Dommage.
La CDAPH (Commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées) remplace l’ancienne Cotorep-DDTE , se prononce sur la reconnaissance TH, l’orientation professionnelle et absorbe aussi l’ancienne CDES. Nous savons que, parfois, le personnel-fonctionnaire de la Cotorep n’a pas désiré rejoindre la CDA (au statut différent), provoquant ainsi le phénomène du nouveau personnel peu expérimenté. Ceci est le cas dans le Val-d’Oise par exemple.
Bien que les décisions se prennent en commission de plusieurs personnes, globalement tous se rangent (à bon ou mauvais escient) à l’avis du médecin ou d’un psychologue. En même temps, il est prouvé que des décisions sont prises sur dossier et que le contact réel avec la personne en question se limite à un entretien ou même sans entretien.
Le formulaire Cerfa 12694-01 est joint. Vous y trouvez la réponse à une de vos questions : oui, vous pouvez demander la reconnaissance et l’orientation vers le milieu ordinaire, dont les entreprises adaptées. J’ai souligné cette possibilité, pour une raison découlant de la nouvelle loi.
Avant, l’orientation pouvait être « milieu protégé » avec soit « CAT » (ESAT maintenant) ou « Atelier protégé », (EA maintenant). Et bien entendu orientation « milieu ordinaire ».
Maintenant l’orientation « milieu protégé » est uniquement ESAT. Les Entreprises adaptées sont considérées comme milieu ordinaire.
Le désir de votre fils et le vôtre est compréhensible. Probablement parce que vous savez que les ESAT sont vraiment destinés aux handicapés mentaux. C’est-à-dire aux personnes dont les capacités professionnelles sont inférieures au tiers de la normale. Ne demandez pas ce que veut dire « la normale », personne ne pourra le définir de façon scientifique.
De plus, les ESAT ont parfois une mauvaise image. Si vous en avez visité, vous avez forcément comparé votre fils au personnes que vous avez pu y voir. A des exceptions près, les trisomiques, troubles mentaux ou maladies mentales resteront longtemps en ESAT, bien que, sur papier, réussir le passage vers le milieu ordinaire reste inscrit dans les missions ESAT.
Le point délicat est « qu’est un déficient léger ? ».
Le soussigné n’est ni médecin ni psychologue ni éducateur spécialisé. Je désire indiquer comment j’ai découvert le monde de l’handicap. En 1989, un accident de travail assez grave, avec passage long en clinique et en centre de rééducation, m’ont permis de fréquenter grand nombre d’handicapés physiques. A 90 %, ils n’avaient pas l’avantage d’avoir été cadre d’un certain niveau, avec tout ce que cela peut signifier. J’étais, après consolidation avec séquelles, dans une position favorable : salaire payé jusque 60 ans, rente d’accident de travail mensuelle à vie. Indépendant économiquement et par ailleurs, incapable de reprendre mon métier de directeur export, le problème de l’emploi des handicapés méritait que j’en fasse un objectif politico-social. De là, après six mois comme directeur-adjoint dans un atelier protégé d’une très grande association, j’ai décidé, comme dernière aventure professionnelle, de créer mon entreprise à 100 % atelier protégé. TH-OISE sarl est née fin 1993, toujours vivante, sous la gérance de ma fille depuis ce début d’année.
(Place aux jeunes, j’ai quand même 66 ans maintenant).
Consultez le site www.th-oise.com pour voir ce qu’on y fait. Pour répondre à la question délicate, mes commentaires sont basés sur le vécu.
Nous avons embauché plusieurs « déficient s légers », à leurs 20 ans environ, c’est-à-dire : peu de formation scolaire, lecture et écriture très modeste, élocution faible, aucune expérience de travail, parfois un peu trop enfermé-couvé par l’environnement familial, parfois un peu trop surestimé par les parents... Il y en a quatre (2 filles et 2 garçons) qui ont parfaitement réussi, ces opérateurs sont toujours là et font partie des meilleurs.
Pourquoi ? Grâce à leur volonté d’écouter, d’apprendre l’inconnu, leur ponctualité, le désir de bien faire et d’être apprécié par l’encadrement, leur parents ou leur cercle d’amis. Si l’EA a dû avoir de la patience (6 à 9 mois), des capacités comme le doigté manuel, la compréhension par des démonstrations ou des photos explicatives pour les travaux à accomplir, se sont dévoilées grâce à la pratique sur le tas.
Votre fils roule en scooter, il respecte le Code de la route... : cela prouve des capacités à apprendre un travail manuel car, que je sache, un scooter n’avance pas tout seul. Et vous connaissez la nature de son stage à la blanchisserie de l’hôpital.
Qu’a-t-il appris en IMPRO ?
Directement en entreprise non adaptée ? Why not ? Vous savez que les entreprises de 20 salariés et plus n’ont jamais atteint le niveau de 6 % de leur effectif par des TH. De l’ordre de 4 % en 2005. Plus significatif encore est le constat que les petites entreprises, sans aucune obligation, emploient davantage de TH que les plus grandes. Il y a une explication simple : les petits « patrons » sont les seuls décideurs en la matière (pas de chefs de service récalcitrants ou de DRH...) et, quoi que d’aucuns en disent, certains ont du « cœur » ou ont dans leur famille au sens large une personne handicapée.
Cette recherche directe peut donc être difficile, bien que, une fois l’orientation prononcé, dans chaque ANPE il doit y avoir un référant handicapé et parfois, au sein des organisations patronales départementales (Medef), il peut y avoir un chargé d’insertion, agissant dans le cadre du PDITH animé par la DDTE (Plan départemental d’insertion des travailleurs handicapés).
Revenons un instant sur ESAT et EA.
Même avec une orientation ESAT, il reste des places disponibles ou non : en Île-de-France les listes d’attente sont longues et il y a peu de sortants. Les TH n’y sont pas des salariés au sens du Code du travail, bien qu’ils reçoivent un salaire (pas d’Assedic et autres).
En EA, les salariés le sont à part entière. Fonction des travaux manuels et simples, ils sont payés au Smic (voire un peu plus), avec ancienneté, droit à la formation, le Dif. Comme tous les salariés avec les droits et les devoirs.
Néanmoins et malheureusement, la nouvelle loi a aussi introduit une notion de quantité d’emplois, fixé en début d’année, alors qu’auparavant l’EA pouvait embaucher sans contrainte, en CDD ou CDI et ce en fonction du seul critère économique qui vaille, c’est-à-dire : le besoin en personnel pour satisfaire de nouveaux clients ou marchés. Cette malheureuse disposition est combattue par tous les EA et associations. Joint une liste des EA dans le 26. N’hésitez pas à visionner le site de certains.
Il faut ajouter, qu’ après un passage en EA, rien n’empêche la personne à tenter sa chance en entreprise non adaptée.
La synthèse de l’action qui vous est attend serait :
- demander le formulaire à la MDPH ;
- dans ce formulaire, il y a aussi le volet à remplir par votre médecin traitant. Le faire si possible avec lui et vous ;
- consigner tout ce que vous aurez recueilli à l’IMPRO ;
- consigner ce que votre fils est capable de faire, dans le quotidien, ses loisirs, son stage... ;
- introduire la demande dès maintenant, les délais sont parfois de 6 mois ;
- solliciter votre entourage, les amis, les associations locales qui ont probablement un vécu dans le domaine ;
- y a-t-il un Point emploi dans votre ville ? ;
- rechercher les EPSR ou CAP Emploi dans le 26. (Google)
BREF, un vraie enquête et parcours du combattant.
Sans exprimer une opinion politique, permettez-moi d’ajouter un conseil, celui que j’ai toujours suivi depuis quinze ans :
Tous les intervenants, entités administratives, associations d’insertion... sont payés par vous et moi. Ils vous doivent respect, écoute et compétence. De votre côté : écoute, précision dans vos arguments, courtoisie, mais persévérance. Je crois que vous en avez les moyens.
A votre disposition et bonne chance à vous et votre fils,
Walter Salens 7 octobre 2007
Retraité - ancien gérant de TH-OISE - EA »
_____________________________________
A cet article je n’ai pas joint la liste des EA du département 26. Cette info, pour tous les départements, est disponible sur le site de l’UNEA : Union nationale des Entreprises adaptées - www.unea-asso.com
Réponse, parmi d’autres, sur la question « L’information circule-t-elle ou NON ? »
Un dernier exemple, résultant de la nouvelle loi :
Avant, les personnes reconnues handicapées et orientées vers le milieu protégé, Atelier protégé, recevaient par courrier le document en question, avec une liste des ateliers protégés. Du moins, dans le département 95 - Val-d’Oise.
Ainsi, ils nous contactaient spontanément ou nous pouvions établir un contact, puisque notre EA recevait ces mêmes documents.
Comme l’atelier protégé est devenu une Entreprise adaptée, milieu ordinaire, tous les handicapés, à l’exception de ceux orientés vers le milieu protégé =ESAT (anc. CAT), sont orientés « milieu ordinaire ». Ils ignorent totalement que des EA existent et que dans de nombreux cas, ces derniers pourraient être une façon de se réinsérer dans le monde du travail. Et notre EA ne reçoit plus rien !
Je m’engage à faire une enquête avant la fin octobre, dans deux MDPH en Île-de-France. Pour vérifier l’accueil, leur écoute, leur information verbale ou sur papier.
Il reste beaucoup à faire.....
Walter Salens
6 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON