Lois antipiratage, une énième impasse
Christine Albanel va publier dans les trois mois des mesures destinées à lutter contre le piratage. La presse a déjà fait écho des mesures proposées et force est de constater que les leçons du passé n’ont pas été tirées. Dommage pour les artistes car malheureusement ce sont encore eux qui vont payer les pots cassés.
Au menu de ce nouveau texte on trouvera notamment :
- La création de forfaits téléchargement légal par les ISP à la manière de ce que fait Neuf. Cela va plutot dans le bon sens, mais comme aucun système de "licence automatique" (voire plus loin) n’est prévu cela va malheureusement une fois de plus couper court à l’innovation. Et du coup, on risque de ne pas voir arriver suffisamment vite des offres légales de qualité. (Sans DRM, avec un catalogue très large.)
- La riposte graduée et les sanctions à coups de coupures de connexion ou de réductions de débit. Cela va avant tout entraîner une escalade de moyens techniques qui sera toujours au détriment du législateur. En effet, il ne faut pas douter que les pirates vont alors être encouragés à créer des logiciels plus difficiles à détecter. Les solutions techniques pour ce faire existent déjà. Qu’il s’agisse des Darknets, des systèmes de routage en Onion comme Tor (anonymise une connexion internet) ou des systèmes comme Freenet, toutes ces solutions existent et ne demandent qu’à être optimisées. Actuellement les inconvénients de ces solutions semblent suffisamment importants pour limiter leur potentiel de développement. Mais dès que les chances de se faire "choper" avec Emule vont devenir trop importantes l’intérêt va aller rapidement vers ces nouvelles solutions. Le législateur se retrouvera alors avec un système encore plus difficile à contrôler et surveiller. Et les risques sociaux seront alors réels et non plus forcément limités au Peer To Peer. Il suffit pour s’en convaincre de regarder le type de contenu qui circule sur Freenet.
Une solution : "La licence automatique"
Ce type de solutions est pratiqué de part le monde dans le cas de la radio. Le principe est simple. Aucune autorisation à demander pour diffuser un morceau. Vous avez le disque vous pouvez le passer à l’antenne. Et en fin de mois vous reversez un pourcentage de votre chiffre d’affaires aux ayants droit.
Ce système permettrait à de petites structures de vendre de la musique en ne reversant qu’une partie de leur chiffre d’affaires. Cela serait simple, sans démarches administratives comme des accords avec la SACEM, et cela permettrait aussi de diffuser de la musique gratuite en finançant ces téléchargements par de la publicité. Les marchands auront tout intérêt à maximiser leurs profits et comme c’est un pourcentage du CA qui sera reversé, cela bénéficiera bien sûr aux majors. Plus correcte que la licence globale d’un point de vue libéral, cette solution a l’avantage de favoriser l’innovation.
Car j’avais contacté la SACEM en 2001. Je pensais avoir une idée de business pour vendre légalement de la musique. On m’a alors informé qu’il ne suffisait pas de payer pour la musique mais qu’il fallait obtenir des autorisations. Rien que le temps pour obtenir ces autorisations aurait suffit à couler ma boîte. Le projet est naturellement tombé à l’eau. L’idée en question n’a toujours pas été exploitée. Elle ne le sera pas tant que la licence automatique n’existera pas. Dommage, je suis sûr que j’aurais pu reverser de gros chèques aux majors tous les mois et que mes clients auraient apprécié le service.
Il faut ici bien comprendre que le droit d’auteur tel qu’on le concevait est mort. Il n’est plus possible et il ne sera plus possible de contrôler la circulation d’une information. C’est pour cela que le simple fait de pouvoir télécharger des films ou de la musique n’est plus vu comme générateur de valeur ajoutée. Cette réalité est terrible pour les industriels mais cela ne veut pas dire qu’il n’est plus possible de faire de l’argent en distribuant de la musique.
Car les industriels ne veulent pas comprendre que les gens achètent avant tout un mode de diffusion pour la musique. Outre la qualité du contenu (qu’ils peuvent avoir gratuitement) ce qui compte pour eux c’est d’obtenir le contenu de la façon la plus pratique possible.
A cet effet l’expérience de Canal Play est notablement intéressante. Nombre d’ex-pirates sont utilisateurs de ce service. Pourquoi ? Parce que entre descendre au vidéo club louer un DVD et le choper sur la mule, la mule était l’option la moins pénible. Mais aujourd’hui il m’est plus commode de le visualiser sur Canal Play que de le pirater. C’est rarement l’argument "légal" qui convainc les utilisateurs de Canal Play que j’interroge mais très souvent le terme "pratique" est cité.
De même, créer des éditos et des bases de suggestion autour d’un genre musical apporte de la valeur ajoutée. Le plus dur est souvent de connaître les morceaux de qualité ! Donc un site spécialisé dans un genre de musique (tenu par des passionnés qui connaissent vraiment le genre), qui permettrait en plus de télécharger les morceaux, offrirait là encore une valeur ajoutée non négligeable. Messieurs les majors, ouvrez-moi un tel magasin pour le jazz et je serai heureux de prendre un abonnement ! (Mais mettez un réel contenu éditorial de qualité autour des téléchargements !)
Au final, il est temps que les politiques comprennent que le problème du droit d’auteur est qu’il est devenu inadapté aux réalités technologiques modernes. Investir dans de la technologie de filtrage ne fera que conduire à une course aux armements. Changer le droit n’adaptera pas le business model des majors aux nouvelles réalités. Des changements allant dans l’air du temps comme une "licence automatique" seraient par contre en mesure de créer du chiffre d’affaires pour les ayants droit.
16 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON