Magnifique désolation

La Lune est un astre bien étrange. Elle tente de nous distraire et nous émerveiller en nous montrant chaque jour un aspect différent, mais on ne l’admire vraiment que lorsqu’elle est pleine. On dit alors qu’elle influence la nature et modifie les comportements humains.
La pleine Lune est le phare de la Terre, elle guide et rassure les animaux nocturnes, les promeneurs égarés et les marins perdus en mer. Depuis toujours, les hommes y ont vu toutes sortes de choses, réelles ou imaginaires, des mers, des volcans, des montagnes, et même un visage. Depuis toujours, la Lune a fasciné les hommes, au point qui n’ont eu de cesse de vouloir l’observer, aller à sa rencontre, et un jour, réaliser leur rêve d’y poser le pied…
Nous célébrons en juillet 2009 les quarante ans de la mission Apollo 11. C’est l’occasion pour beaucoup, sceptiques, optimistes, idéalistes ou désabusés, de se demander ce que la conquête spatiale a apporté à l’Humanité. Peut être faut-il remonter plus loin encore dans le temps pour vraiment le savoir ?
Comme pour toute connaissance scientifique, d’approximatives, les connaissances sur
La photographier et finalement y poser le pied permirent enfin à l’Homme de vraiment la connaître, mais aussi de mieux se connaître lui-même…
1751-1780. Encyclopédie Diderot et d’Alembert.
« [D. Jacques Alexandre] démontre par des observations astronomiques que la lune tourne autour de la terre, & non la terre autour de la lune. Ceux qui voudront voir ces preuves en détail peuvent consulter… »
« Il y a donc dans la lune des montagnes, des vallées et des mers. Il faut avouer cependant que d’autres astronomes ont prétendu qu’il n’y avoit (1) point de mers dans la lune… »
« La lune est entourée, selon plusieurs astronomes, d’un (1) atmosphère pesant et élastique, dans lequel les vapeurs et les exhalaisons s’élèvent pour retomber ensuite en forme de rosée ou de pluie. »
L’encyclopédie ayant pris parti pour l’existence de mers lunaires, s’ensuivent alors des conclusions sur l’existence d’iles au milieu de ces mers, puis de celle d’une « lune de la lune », qui éclairerait ses nuits, sur la présence de vents, de pluies, de brouillards, de gelées, de neige…
Et puisque « nous savons que la nature ne produit rien en vain […], pourquoi ne conclurions-nous pas qu’il y a des plantes et des animaux dans la lune ? »
1873. Grand Dictionnaire Universel du XIXème siècle. Larousse.
« Si on regarde la lune au télescope, on acquiert une nouvelle preuve que la lumière dont elle brille émane du soleil. »
« Si l’on en croit l’opinion généralement admise par les astronomes, la lune n’a pas d’atmosphère. »
« Les clairs de terre doivent être beaucoup plus lumineux que les clairs de lune, car la surface de la terre étant environ treize fois plus grande que celle de la lune, elle est capable de réfléchir treize fois plus de lumière. »
Et si l’on regarde la présentation qui est faite dans cette encyclopédie du célèbre roman de Cyrano de Bergerac (extrait) :
« LUNE (voyage dans la) par Cyrano de Bergerac (1649).
Cet ouvrage n’est point une fiction frivole et simplement amusante, comme le pourrait faire supposer le titre ; c’est au contraire un livre très sérieux et d’une certaine portée scientifique, qui n’a de conte ou du roman que la forme… »
1885-1902.
« [La distance entre
« Quant à la lumière, le plus rapide de tous les mobiles connus, elle arriverait à notre satellite en une seconde un quart environ. »
On note l’emploi répété du conditionnel.
« Quant à la nature des roches qui forment les différentes parties de
« Les montagnes de
L’encyclopédie semble mettre en doute les affirmations catégoriques des astronomes sur l’absence d’atmosphère lunaire, citant par exemple H.W.Pickering, un astronome américain partisan de la présence d’une atmosphère, et n’hésite pas à avancer :
« S’il existe une atmosphère lunaire […] elle est plus rare que le vide donné par les meilleures machines pneumatiques. […] Si donc
« Le jour et la nuit sont donc pour les habitants de
Et pour finir, l’auteur, imaginant le paysage lunaire, évoque :
« L’habitant de
L’image ci-dessus est tirée du film de Georges Méliès : Voyage Dans
1960-1964. Encyclopédie Larousse en dix volumes. Volume de 1962.
« On peut considérer le mouvement complexe de
« Observée avec les moyens optiques puissants, la surface de
« […] On dit aussi des cratères, mais cette appellation laisserait préjuger une origine volcanique tout à fait problématique. […] Il ne fait pas de doute aujourd’hui qu’un grand nombre de cirques ne sont que les points d’impact de très nombreuses météorites ayant rencontré la surface lunaire. »
« Les photographies de la face arrière de
L’emploi dans cette encyclopédie, de façon tout à fait naturel, de l’expression « satellite artificiel », montre que la conquête spatiale, démarrée a la fin des les années 50, est désormais devenue une évidence.
Car, « N’est-ce pas en effet un monde à conquérir que celui de
Amédée Guillemin (1826-1893)
«
Constantin Tsiolkovski (1857-1935). Père de l’astronautique russe.
1969. Premiers pas sur
Kennedy hésita avant d’envoyer un homme sur
Après la tragédie d’Apollo 1 dans laquelle périrent, lors d’un entraînement, Robert Chaffee, Gus Grissom et Ed White, s’ensuivirent quatre missions préparatoires habitées :
- Apollo 7, avec Walter Shirra, Walter Cunningham et Don Eisele.
- Apollo 8. Tour de
- Apollo 9. Avec David Scott (voir la page de références de mon diaporama à la fin de l’article), John Mc Divitt et Rusty Schweickart. Le LEM est testé. La mission est un tel succès qu’on envisage même l’homme sur
- Apollo 10. Avec John Young (premier Américain dans l’espace, après les essais d’Alan Shepard), Eugène Cernan, et Thomas Stafford. Stafford lui-même a refusé l’alunissage d’Apollo 10, pensant qu’il était prématuré. Le LEM d’A10, nommé « Snoopy », est donc testé aussi près que possible de
Cette course à
En mai, Jan Armstrong s’était inquiétée de la pâleur de son mari. « La pire période » raconta-t-elle plus tard « fut le début du mois de juin. Leur moral était bas. Ils s’inquiétaient de savoir s’ils auraient assez de temps pour apprendre tout ce qu’ils devaient savoir […] et si leur mission allait marcher. »
Une conférence téléphonique réunit le 12 juin les principaux responsables de la mission. Ils avaient bien conscience de l’entraînement harassant que l’on faisait subir aux trois astronautes d’Apollo 11, qui passaient entre dix et quinze heures par jour dans le simulateur. Le médecin avait même demandé un report de la mission, vu leur état de « fraîcheur »…
Jan Armstrong racontera ensuite comment elle vit son mari reprendre soudainement des couleurs quand la décision fut prise par Deke Slayton (Wikipedia en anglais) de ne pas reporter la mission, et de procéder quand même au lancement à la date prévue, le 16 juillet.
Vendredi 11 juillet 1969.
Derniers examens médicaux de grande envergure pour les trois astronautes de la mission Apollo 11 : Neil Armstrong, Edwin « Buzz » Aldrin (dont le nom de jeune fille de sa mère était Moon…) et Michael Collins, le pilote du module de commande, nommé Columbia en l’honneur de
A ce stade des préparatifs, n’importe quel pépin médical pouvait retarder le lancement : une simple rougeur dans le fond de la gorge, un léger mal d’oreille… Toutes les précautions devaient être prises. Ainsi, afin de limiter au maximum les éventuelles contaminations, les astronautes quittèrent rarement leur quartier général à partir du 4 juillet. La totalité du personnel en contact avec eux devait faire très attention à ne pas prendre froid. On avait été jusqu’à poser des murs spéciaux perforés dans la salle de conférence pour filtrer l’air. Le dîner prévu la veille du lancement avec le Président Nixon fut même annulé sur recommandation du médecin, de peur que le Président ne soit porteur d’un rhume sans le savoir...
Pendant l’examen médical, Michael Collins s’esclaffe : « Le docteur regarde à l’intérieur d’une des oreilles, et s’il ne voit pas à travers l’autre, on peut y aller. »
Mardi 15 juillet 1969.
Le 15 juillet, les astronautes passent la majeure journée à se reposer, mais s’entraînent tout de même un peu dans le simulateur.
Les environs de Cap Kennedy sont depuis longtemps pris d’assaut par une foule immense de curieux, de passionnés, de journalistes et de reporters, venus des quatre coins du monde.
Le soir du 15, seuls les astronautes dorment. La fête bat son plein jusque tard dans la nuit dans les bars de la région, où les cocktails ont été rebaptisés pour l’occasion « Liftoff Martini » ou encore « Moonlander »… L’ambiance est électrique, et le suspens à son comble…
Et pendant ce temps, en cette nuit du 15 juillet 1969, baignée par l’intense lumière de nombreux projecteurs, la fusée géante Saturn V attend patiemment, sous une douce pluie d’été, qu’arrive enfin l’aube du lendemain…
Crédits : NASA. Image taille réelle.
Laissant volontairement de côté l’aspect politique de la conquête spatiale des années soixante et l’esprit de concurrence lié à la guerre froide (3), de même que les interrogations légitimes sur le bien fondé de telles dépenses dans une Amérique où sévit la pauvreté, pour nous concentrer uniquement sur son aspect positif, son aspect scientifique et humain, il faut voir la course à
L’épopée de la conquête spatiale des années soixante, avec son apogée lors de la mission Apollo 11, restera une des plus extraordinaires aventures que l’Humanité ait partagée. Elle a démontré que nous sommes parfaitement capables, si nous le voulons, d’unir nos forces, notre ingéniosité, notre intelligence et notre enthousiasme dans un but commun
Il est étonnant de voir comment l’être humain est capable de montrer une telle unité lorsqu’il s’agit de dépasser les frontières de notre berceau terrestre et d’aller regarder plus loin. L’Humanité entière, ou presque, a suivi avec passion les premiers pas de l’Homme sur
Nous sommes également capables de montrer une vraie solidarité, de dépasser nos différences et de nous unir lorsqu’une catastrophe terrestre, tel le tsunami de 2004, nous ébranle au sens propre et au sens figuré, mais la mission Apollo
La conquête spatiale nous a montré pour la première fois, vu de l’extérieur, le visage de notre planète, la seule que nous ayons, et si l’on envisage de partir dans les siècles et les millénaires à venir sur de nouveaux mondes,
Après des siècles d’observations et de descriptions, c’est peut être Edwin Aldrin qui, par ses mots restés aussi célèbres que ceux de Neil Armstrong, deux mots tout simples mais qui ont tout dit, a le mieux dépeint
Magnifique désolation.
Lorsque, pour la première fois, deux hommes ont posé le 20 juillet 1969 le pied sur cette magnifique désolation, à travers eux l’Humanité entière s’est vraiment rendue compte de notre unité, de notre solitude dans l’univers, mais aussi de l’extrême beauté de notre Terre, et de la nécessité de la préserver. Cette prise de conscience collective de la fragilité de notre existence justifie à elle seule tous les efforts déployés.
« Puissions nous orienter cette puissance de l’homme qui monte jusqu’aux étoiles vers le renforcement des liens de paix et de fraternité sur la terre. » Indira Gandhi.
Notes.
(1) L’orthographe de l’époque a été conservée.
(2) Cette partie a été rédigée à partir du livre First on the Moon. A voyage with Neil Armstrong, Michael Collins, Edwin E.Aldrin, écrit avec Gene Farmer. Little, Brown and Company, 1970.
(3) Rendons hommage aux astronautes, ingénieurs et techniciens soviétiques qui ont, jusqu’au bout, tenté le tout pour le tout pour demeurer dans la course à
Références du diaporama.
http://leblogdesurya.ifrance.com/40 ans Apollo 11/References.htm
Référence de chaque photo de mon diaporama, et nom de la personne ou de l’organisme ayant procédé au scan.
Mais également des vidéos et MP3 mis en liens.
Tous les documents photo, vidéo et mp3 utilisés dans mon diaporama et la page de références ont été trouvés sur cet excellent site http://www.apolloarchive.com/ . Ces documents sont la propriété de
Pour en savoir plus sur la politique de copyright de
http://www.nasa.gov/audience/formedia/features/MP_Photo_Guidelines.html
Sur le site de
Vidéo de 9.55 minutes sur Youtube (en anglais) pour revivre le lancement… comme si on y était ! 40 ans après, c’est toujours aussi impressionnant !
(Cette vidéo a également été placée sur ma page « Ressources » Voir plus bas.)
Mais aussi http://history.nasa.gov/
Et la commémoration des 40 ans d’A11 sur le site de
Le génial site Apollo Archive, déjà cité ci-dessus. Des centaines de photos de toutes les missions Apollo, des vidéos, des mp3 et beaucoup d’autres choses encore…
Le site de la commémoration des 40 ans d’Apollo 11.
Quelques ressources supplémentaires sur ma page :
http://leblogdesurya.ifrance.com/40 ans Apollo 11/ressources.htm
Des liens, une courte bibliographie, la vidéo du lancement, le plan de vol d’A11, la plaque commémorative et sa traduction, et tous les astronautes qui ont marché sur
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