Mardi 15 janvier, Apple applatit la concurrence

Le portable tel qu’il aurait dû toujours être, à savoir le plus fin possible et capable de tenir une journée sur sa batterie, et non à peine la longueur d’un DVD que les derniers PC sous "Vista-le-trop-gourmand" visionnent péniblement. Apple, cette fois, n’aura pas trop à se casser la tête : son producteur attitré de puces, Intel, a déjà montré la voie, il y quelques mois, en révélant un prototype assez étonnant. Pour ça, la firme avait appel à une agence de design Ziba, un peu comme Apple à ses tout débuts avec la grenouille allemande (Frog Design) qui lui avait dessiné l’Apple IIc (et s’est bien perdue depuis à dessiner des horreurs tel que le HP TouchSmart IQ770 PC). Ziba avait pris comme modèle un téléphone, le Razr2 de Motorola comme exemple. C’est l’un des plus fins du marché, sinon le plus fin. Onze millimètres, moins d’1/2 pouce... A peine l’épaisseur de la prise USB sur les flancs de l’appareil, une fois l’écran refermé. Et l’appareil projeté, au final, appelé Metro, avait un fort joli look, ma foi.

Pour arriver à faire moins d’1 cm, il ne suffit pas de prendre un vil portable existant et de s’asseoir dessus. Des objets résistent à la compression : essentiellement, le disque dur et le lecteur de CD-ROM. Autant les enlever, et c’est ce à quoi a songé Apple. Pour le lecteur de CD, on ne sait pas encore vraiment s’il sera présent ou pas. Sur les sites spécialisés, trois proposent sa disparition un seul retient son maintien. On va dire qu’il n’en aura pas, le nouveau portable devenant ultra portable destiné... aux journalistes en priorité et pas aux joueurs invétérés ou aux lecteurs de musique, qui de toute manière ont déjà tout transféré sur leur iPod s’est dit avec raison Apple. L’autre moyen de comprimer, une fois débarrassé du lecteur CD, c’est donc d’enlever le disque dur et de le remplacer par de la barrette mémoire. De la NAND Flash, nom barbare sous lequel se cache une mémoire au prix exorbitant, mais qui devrait nettement baisser dans les mois à venir. Car l’usage de la NAND, inventée par Toshiba en 1989 (ce n’est pas tout neuf), requiert un système léger, ce que Vista ne sera jamais, même décliné en un hypothétique Windows Vista Mobile. En revanche, on se rend compte que la stratégie à très long terme d’Apple fonctionne à plein tubes : les iPods et surtout les deux iPhone et iTouch ont démontré qu’un OS X même allégé reste globalement un OS X, à savoir un système pratique et facilement assimilable. Un ultra-portable sous OSX est donc envisageable, et un "ultra-ultra" (un palmtop) sous OS X décliné I-touch tout autant.

Cette orientation de 2008 sonne le glas de la mauvaise voie sur laquelle se sont engouffrés les fabricants de PC, tous partis vers le 17 pouces en 2007. Chez eux, c’est devenu une vraie valise, aux alentours de 3-4 kg, un bidule qui n’est jamais utilisé sans sa prise de courant : bref un transportable, à peine, et surtout pas un portable. Une erreur de stratégie qui fabrique encore plus de frustrés que les gammes précédentes de tours monstrueuses : les gens ont un écran immense, certes, mais le mettre en œuvre réclame tellement d’huile de coude qu’ils le laissent en poste fixe sur leur bureau, et le sortent rarement. Ou alors, c’est d’une prise de courant à une autre : tout l’inverse de ce que doit être un portable moderne : léger, pratique et peu gourmand, avec un bon clavier... Exit donc les Acer, Toshiba et autres Asus... trop lourds, beaucoup trop lourds. Et tous déjà en promotion ou en soldes, leurs ventes n’ayant pas été à Noël faramineuses. Le grand public se contente d’un 15 pouces, et bientôt moins si les écrans sont de meilleure qualité, ou si l’OS comporte des améliorations allant dans ce sens. Apple avec ces effets CoreVideo a pris de l’avance dans ce cas.

Pour réduire la taille d’un portable, il faut réduire sa chauffe. Le ventilo ou les ventilos prennent trop de place. Sur les pentium IV portables, ils avaient un avantage, remarquez : en mettant la tête derrière l’écran, rien qu’ au boot on était recoiffé en 10 secondes. On est revenu à la taille en dessous depuis. C’est Intel qui va aider Apple en produisant des puces de 32 nanomètres de définition dès 2009, de la famille des Silverthorne. La première, surnommée Menlow, sera très certainement à bord déjà de l’ultra-fin, et sera au standard actuel de 45 nanos, la seconde, Moorestown, sera elle en 32 nanos. Entre les deux, c’est 10 fois moins d’énergie nécessaire ! Et donc aussi moins de chauffe. Pour l’iPhone, Apple avait jusqu’ici retenu de la technologie de puces ARM (anglaise !) fabriquée par Samsung. Un Silverthorne décuplerait l’usage de l’iPhone, ou permettrait à Apple d’occuper la niche intermédiaire des PalmTops, où actuellement Palm se sent mal, très mal, et où les autres sont handicapés par Windows Mobile, contre lequel certains proposent du Symbian, un Linux évolué et conçu spécialement pour la phonie, comme celui qu’on trouve chez Nokia, d’excellente facture. Palm, en échec aujourd’hui, a retiré de la mise en vente son Foleo, mal conçu et au fonctionnement aberrant (il ne pouvait se passer d’un Treo !). Dommage, l’objet avait un certain charme (je n’ai pas dit un look réussi !) avec son clavier de bonne taille.

En parlant de clavier, tout le monde a salué celui du MacBook, devenu sur la gamme iMac un clavier à part absolument sensationnel, en frappe et en design. C’est le même qu’on risque fort de voir apparaître sur cet ultra-portable, à moins que des leds l’illuminent (voir plus loin). Question coque, pour son prototype, Intel avait ressorti le magnésium en coque extérieure, colorisé champagne pour faire plus "in"... D’aucuns ayant vu sur des salons des MacBook argentés de façon fugace, on peut s’attendre à ce qu’Apple utilise la même matière : ce serait la seconde fois, les premiers Titanium ayant eu une coque de la même matière (avec le mauvais souvenir d’une peinture qui ne tenait pas dessus, hélas !). Chez Intel, l’ajout d’une bandoulière est une très bonne idée qu’Apple pourrait reprendre : le premier iMac portable (la palourde) avait une poignée intégrée qui a malheureusement été supprimée après. Les dames avaient adoré, les mecs détesté : "black tie optional" avait pourtant prévenu la firme à la pomme (pour les accros du bureau faut que l’ordi soit obligatoirement tristounet et moche, histoire de leur rappeler que ce qu’ils font avec n’est pas bien ou tout comme). Or aujourd’hui, un nombre incalculable de portables se fracassent par terre faute de préhension correcte, avec leurs coques lisses. Des petits malins l’ont bien compris, qui vendent des coques souples agrippables de fort bonne facture, comme MacAlly. Un bon portable devrait posséder une partie d’enveloppe extérieure caoutchouteuse, mate, hautement préhensible.

Pour réduire la taille encore, il y a plein d’autres procédés possibles. Et plein de brevets à déposer, si on ne veut pas se faire piquer ces fameuses bonnes idées. Le problème du dépôt de brevet, c’est que ça ouvre des pistes pour les autres. Apple s’en fiche un peu semble-t-il déposant à tour de bras des choses qui ne verront peut-être jamais le jour. Le coup des prises USB repliables, par exemple, est excellent. Ou le déport sur le capot du lecteur de CD, incasable dans un ultrafin de petite taille. A mon avis, ce ne sera pas retenu, ça casse trop le look final de l’objet. Ou le bidule repliable pour insérer des mini-CD dans un lecteur classique. Là on est dans le dépôt de la très mauvaise idée... Les multi-capteurs de mouvements en revanche sont une idée intéressante : des zones différentes du portable peuvent alors devenir elles aussi clavier. Sur son iPhone, Apple a déjà fait la preuve de cette démarche. Jusqu’à penser au déplacement des doigts... par brevet ! Reste la souris, me direz-vous... euh non, là aussi il y a moyen de faire différent... Apple, née à l’ère psychédélique a parfois des relents de période assez amusantes... Pour les branchements d’écran, l’adaptation du format DisplayPort est aujourd’hui une nécessité pour les mini-portables. L’ultra-fin attendu ne devrait pas y échapper... Autre brevet déposé... il y a fort peu : l’insertion dans un écran type Imac d’un ultra-fin, sur le côté, à la place du lecteur de CD, ou à l’arrière. Le dock d’accueil change de nature : c’est aujourd’hui l’écran !. L’iMac nouveau avait séduit, pour pas en faire un support à portable. Apple se faisant, minimise les coûts de revient d’une station dock. Comme elle a réussi à minimiser ses coûts de transport en réussissant avec la gamme iMac à en mettre bien davantage que d’autres dans un seul container... Et comme chez Apple on pense à tout le monde, le braille non plus n’est pas oublié...

Mais en ce moment, ce qui titille tout le monde c’est l’adaptation de l’interface de l’iPhone à un ordinateur portable... beaucoup songent à faire du TrackPad dont tout le monde ou presque se plaint, un véritable mini-écran tactile. Ou de le modifier, en lui ajoutant des boutons autour, à condition de ne pas sombrer dans l’excès à la Logitech, ses claviers tordus et ses souris géantes de cinq kilos. L’autre piste possible est celle du clavier... ayant chaque touche capable d’afficher des icônes. Sur PC, on appelle ça un clavier Optimus. Très fun, mais pas franchement pour les journalistes... En revanche pour les joueurs invétérés, génial, chaque joueur affichant son émoticône sur le clavier, hum, je sens qu’il y en a que ça intéresse. Avantage aussi certain pour les langues : les claviers n’étant plus siglés lettre par lettre, on peut reconfigurer l’AZERTY ou le QWUERTY (ou le chinois !) à la volée ! En prime également comme avec la gamme actuelle des MacBook Pros, c’est idéal pour travailler dans la pénombre...

Dans ce nouveau portable ultra-fin, on retrouvera le système Leopard et sa fluidité, ses transparences (hum, Vista... et les brevets d’Apple) ses partages réseaux améliorés et sa gestion du wifi type n à tomber par terre, mais aussi les grands classiques comme iTunes... dans lequel l’on pourra charger le tout premier album d’un groupe pas tout récent, mais qui va faire son disque désormais sans aucune autre firme de disque... qu’Apple : Radiohead, qui a annoncé hier la signature d’un contrat avec Apple, et ce, à la surprise générale. L’expérience récente qu’avait faite le groupe s’était soldée pour lui par un succès, écoulant 1,3 million d’albums au prix moyen de 4 livres. "En termes de revenus numériques, nous avons fait plus d’argent sur ce disque que sur tous les autres albums de Radiohead mis ensemble", a annoncé le chanteur du groupe Thom Yorke (dans Times). De quoi rendre vertes toutes les firmes de disque, qui n’ont pas su négocier avec Apple, la seule firme ayant parié massivement sur la distribution payante par internet, à laquelle tout le monde est obligé aujourd’hui de se rallier. Le disque sera SANS DRM, à savoir sans protections de copie. Sony, dindon de la farce à tous les niveaux (pour ses lecteurs MP3 comme pour sa firme de disque - et son PDG français à côté de la plaque) vient de faire de même aujourd’hui seulement, comme indiqué dans Business Week. L’autre perdant c’est Microsoft, qui avait conçu son Zunes à partir de la gestion des DRM. 

Voilà ce qu’on peut dire à quelques jours de la sortie d’un appareil qui devrait vous changer la vie. Ne me parlez pas tarifs, ne commencez pas à me demander si ça tournera à 4 zillions de gigahertz, vous avez vu que ce n’est pas mon propos. Personnellement, ça va faire une paille que j’attends le remplaçant du seul ordi qui ait jamais été conçu spécialement pour les journalistes. Oui, c’est celui-là, et c’est désormais une belle antiquité... un clavier silencieux (en caoutchouc !), des piles ordinaires comme recharge, une grande autonomie, et un écran LCD comme on en trouve aujourd’hui encore au milieu des faux portables de jeux pour enfants. L’engin fête ses 20 ans pile cette année ! Serait temps de le remplacer, non ?