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Nobel 2012 de chimie pour des travaux conventionnels en biologie moléculaire

Le prix de Nobel de chimie récompense régulièrement des travaux réalisés par les biologistes car il n’y a pas de prix Nobel de biologie et que bien souvent, des découvertes effectuées en étudiant les systèmes vivant nécessitent des méthodes mises au point par les chimistes. De plus, la biologie a pris une orientation délibérément moléculariste pour ne pas dire mécaniste. Cette voie fut amplifiée par quelques chercheurs emblématiques du milieu du 20ème siècle comme Watson et Crick avec la découverte de la double hélice d’ADN mais aussi Monod et ses régulations allostériques. Autant dire que le Nobel de chimie 2012 s’avère assez conventionnel car il ne récompense pas une découverte majeure mais une avancée supplémentaire dans l’analyse des mécanismes permettant aux cellules de développer des réponses physiologiques en réaction à des signaux qu’elles reçoivent. La science repose autant sur des coups d’éclat que sur une accumulation de découvertes importantes mais pas forcément révolutionnaires. Robert Lefkowitz et Brian Kobilka ont ainsi été primés pour leurs travaux concernant des types de protéine cellulaire mais pas n’importe lesquels puisqu’il s’agit des récepteurs et des protéines G. Ces deux scientifiques sont américains et travaillent dans des prestigieuses universités. Seul détail à signaler, le second a été chercheur post-doctoral dans le laboratoire du premier dans les années 1980, au moment où les investigations de Lefkowitz commençaient à prendre une tournure intéressante et fructueuse. Kobilka a par la suite développé ses proches recherches en relation avec les protéines G. On doit à ces chercheurs la découverte de la structure du récepteur bêta-adrénergique, molécule membranaire bien connue car elle est activée par la présence d’adrénaline et permet par exemple aux artères et autres artérioles de se dilater lors d’un effort physique, ce qui augmente la circulation sanguine et de ce fait les échanges d’oxygène par le biais de l’hémoglobine, notamment au niveau des muscles.

 Un mot sur ces protéines G inconnues du grand public mais familières aux étudiants de licence en biologie. Ce sont des protéines transductrices. Dans le principe, tout paraît simple. Les cellules communiquent entre elles par le biais de protéines membranaires qu’on appelle récepteurs. Qui selon leurs structures, peuvent fixer un médiateur spécifique selon le principe de la serrure et de la clé. On connaît des dizaines de molécules médiatrices, hormones comme l’adrénaline, l’insuline ou l’ocytocine ; neuromédiateurs comme les enképhalines ou bien la dopamine. Ces médiateurs permettent aux cellules de communiquer et réagir. Les neurones déclenchent des signaux électriques alors que l’acétylcholine peut activer la contraction du muscle lisse et l’adrénaline faire monter le rythme cardiaque. Les réponses peuvent être momentanées ou plus durables puisqu’un médiateur peut déclencher des réponses épigénétiques et modifier le transcriptome d’une cellule. Se pose alors la question de la transmission des signaux faisant que par exemple, une molécule d’acétylcholine va déclencher la contraction des protéines contractiles composant les myofibrilles dans le muscle lisse. Toute une cascade de réactions moléculaires est mise en jeu, un peu comme dans une transmission automobile avec cardans et boîte de vitesse. Cela fonctionne comme une sorte de succession d’engrenages avec en amont la protéine réceptrice qui, si elle est occupée par son ligand, induit une réaction d’une protéine transmembranaire, la fameuse protéine G qui intervient au début de la chaîne des mécanismes de transduction cellulaire.

 La suite est assez compliquée dans les détails mais on sait que deux voies de transduction sont activées par les protéines G, celle de l’AMP cyclique et celle des phosphatidylinositols (PIP2, IP3 etc.). Ces deux types de médiateurs activent deux autres catégories de protéines, les kinases, respectivement les protéines kinases PKA et PKC. Lesquelles ajoutent un résidu phosphoryl à des protéines fonctionnelles qui, une fois phosphorylées, changent de conformation et peuvent devenir actives ou inactives. Actuellement, les biologistes connaissent un millier de récepteurs distincts faisant appel aux transductions dépendantes des protéines G. Ces récepteurs sont de la même famille que les huit récepteurs adrénergiques dont les séquences ont été découvertes au milieu des années 1980 par Lefkowitz, lequel a utilisé une technique très en vogue et emblématique de la biologie de cette décennie, celle du clonage de gène. Il faut savoir en effet qu’une protéine est composée d’une succession d’acides aminés en plus ou moins grand nombre, sélectionnés par la vingtaine d’acides disponibles lors que la traduction des ARN. Le séquençage des acides aminés est d’une difficulté extrême. Par contre, en isolant le gène qui code pour une protéine, on peut en établir la séquence plus aisément, ce qui, en analysant les codons (triplet de bases en correspondance avec les acides aminés), permet de découvrir la séquence de la protéine, en l’occurrence le récepteur bêta-adrénergique. Quant à Kobilka, il a réalisé une prouesse chimique en parvenant à cristalliser le récepteur bêta-2-adrénergique, seul moyen d’en obtenir la structure exacte en utilisant la diffraction des rayons X. Ce sont ces deux technologies qui viennent d’être couronnée par un Nobel de chimie qui, honnêtement parlant, aurait pu revenir à bien d’autres chercheurs.

 Mais dieu sait si le Nobel est un peu un paradis à la saint Augustin, beaucoup d’appelés, bien peu d’élus. Paradis étant un doux euphémisme car avec la notoriété soudaine, l’enfer n’est pas loin car l’enfer comme disait Sartre c’est les autres, et soudainement, le nobélisé découvre avec son phone des tas d’« autres » qui viennent le solliciter.


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1 réactions à cet article    


  • samuel 10 octobre 2012 15:55

    J’étudiais en licence de biologie cellulaire il y a maintenant 7 ans et notre professeur de ’biologie cellulaire’ (ça ne s’invente pas) avais déjà dit que la les travaux sur les protéines G ferait l’objet d’un prix nobel.

    Ce ne sont pas tant les techniques utilisées qui méritent le nobel car celles-ci font parties de la batterie de usuelle de techniques de biologie cellulaire et moléculaire.

    En revanche c’est la découverte d’une séquence de résidus d’acides aminés très spécifique qui mérite le nobel car elle a permis de comprendre la généricité des protéines G (c’est une famille de protéine) et leur diversité qui permet des actions multiples dans la cellule via des chaines de transduction différente.

     

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