Nouveau modèle transversal du Covid-19 ; thérapies et stratégies alternatives en recherche
Les infectiologues et les cliniciens ont-ils pensé à connaître cette maladie avant de chercher des traitements ? Certainement mais pas assez ; il reste des zones d’ombre. Dans ce papier je propose une réflexion systémique complète sur cette maladie et son virus avec quelques propositions pour des thérapies alternatives. La piste bactérienne se confirme. Pour un modèle plus avancé, il faudra des mois.
Elaboration d’un modèle systémique et transversal pour le Covid-19 ; nouvelles stratégies pour combattre l’infection au premier stade
Development of a systemic and transverse model for Covid-19 ; new strategies to fight early stage infection
Bernard Dugué*
*Pharmacology PhD, Bordeaux ; mail duguebernard at gmail
Agoravox, on line, may 07, 2020
RESUME
Cette étude propose un modèle de Covid-19 en trois étapes, en considérant un fait passé sous silence, le double tropisme entérique et respiratoire du SARS-CoV-2. Suivi d’un tropisme inflammatoire. La synergie entre virus et bactéries est discutée. Ce modèle est du reste devenu la règle. La plupart des virus se servent des bactéries pour se propager. Parfois les bactéries renforcent l’immunité et combattent le virus, d’autres fois, c’est l’inverse, comme dans le cas des deux SRAS. Enfin, les protéines de surface du SARS-CoV (1 et 2) interfèrent avec les protéines glycosylées des bactéries ainsi que les récepteurs impliqués dans la voie des lectines si bien que deux cascades inflammatoires sont activées, l’une liée à l’immunité adaptative et l’autre innée. Cet article se conclut en montrant que la piste antibactérienne est plausible, elle permet d’interférer avec l’infection virale à plusieurs niveaux, avec comme complément l’utilisation possible de composants antiviraux produits par la souche CU1 de Bacillus subtilis.
ABSTRACT
This study proposes a three-stage Covid-19 model, considering a fact that is overlooked, the double enteric and respiratory tropism of SARS-CoV-2. Followed by a inflammatory tropism. The synergy between virus and bacteria is discussed. This model has moreover become the rule. Most viruses use bacteria to spread. Sometimes bacteria strengthen immunity and fight the virus, other times it is the reverse, as in the case of the two SARS cases. Finally, the surface proteins of SARS-CoV (1 and 2) interfere with the glycosylated proteins of bacteria as well as the receptors involved in the lectin pathway, so that two inflammatory cascades are activated, one linked to acquired immunity, and the other innate. This article ends by showing that the antibacterial track is plausible, it can interfere with viral infection on several levels ; and a possible antiviral strain Bacillus subtilis CU1.
1) Prologue en forme d’allégories.
Le Covid-19 est maintenant cerné par des dizaines de spécialités et bientôt, il ne pourra plus s’échapper des mailles du filet scientifique de l’ancien monde. Les savants du monde d’après ne sont pas encore là pour connaître les bases profondes de cette pathologie complexe déclenchée par un virus (déclenchée et non causée). Pour l’instant, un modèle se précise. Il se construit avec l’hypothèse de la double affection (virus et bactéries), prolongée par un tropisme inflammatoire sévère, impliquant plusieurs mécanismes conduisant vers une inflammation plurielle et systémique. Dans inflammation il y a flamme. L’allégorie du feu permet de comprendre le développement du Covid. Le virus est comme une allumette, il entre et propage le feu viral, comme une casserole abandonnée sur une gazinière qui s’enflamme et c’est le stade 1. Puis le buffet en bois massif commence à brûler, mettant le feu à la cuisine et c’est le stade 2, ensuite le feu se propage dans la maison et c’est le stade 3. Cette fois, ce sont les pompiers qui interviennent et vous passez aux urgences. La propagation du feu inflammatoire dépend de votre état de santé. Il y a des bois qui brûlent plus difficilement que d’autres. Celui de Notre-Dame était costaud mais n’a pas résisté.
Comment traiter le Covid-19 ? Plus tôt on éteint un incendie, mieux c’est. Il a été observé que des patients traités sur le long terme par l’azithromycine étaient préservés du Covid-19. Même chose pour des cancéreux traités mais cette fois au bleu de méthylène. Qui on le sait, est une substance offrant une protection antibactérienne sans pour autant atteindre la puissance de l’arsenal antibiotique des macrolides et autres spécialités dans ce secteur. La prévention, c’est ce qui éteint le feu dès le départ. Certains utilisent l’huile essentielle de ravintsara qui paraît-il prévient le développement de l’incendie viral avec sans doute le 1,8 cinéol. Dans les cas ici cité, les substances sont employées pour d’autres pathologies que le Covid-19. La prévention est à l’image d’une cuisine dont les parfois et les meubles sont humidifiées. La plupart des gens n’entrent pas dans ces cas de figure et attrapent le virus qui commence à faire ses effets, avec un premier stade bénin mais pas si anodin avec la légère fièvre, le rhume, les courbatures, l’anosmie, l’agueusie. On observe ensuite une accélération soudaine du feu. Traiter avant ce moment revient à utiliser des bassines d’eau pour éteindre le mobilier de la cuisine et si ce n’est pas suffisant, il faut avoir un extincteur sous la main. Cette image est trompeuse car elle laisse penser que les moyens pour traiter le feu viral sont externes alors que l’organisme a lui aussi ses propres moyens, les défenses immunitaires. La chloroquine ou l’azithromycine ne font pas tout. Ce sont des ralentisseurs de feu viral. Si le Covid-19 n’est pas stoppé à ce stade, c’est la phase suivante qui se produit, d’abord le stade avancé (dit normal chez les Chinois) puis le stade sévère. C’est l’incendie inflammatoire. Cette fois, il est un peu tard et c’est la lance à incendie qu’il faut employer et les gros moyens, autrement dit, les pompiers qui viennent vous chercher pour vous amener en admission.
La conclusion de ce prologue est simple. Si on traite tôt, on peut stopper le feu viral. Encore faut-il savoir quelle est la nature de ce feu, ce qui le produit, l’entretient et s’il y a un traitement possible. A la science de jouer !
2) Prologue scientifique, le Covid-19 comme pathologie systémique.
Le virus SARS-CoV-2 n’explique pas la maladie mais comment elle se transmet et se déclenche dans un organisme hôte complexe. C’est en quelque sorte la boîte d’allumettes, qui amène une réaction en chaîne systémique incluant les bactéries (voir §5) et la complexité du système de surveillances immunitaire doté d’un réseau de surveillance et d’un arsenal opérationnel pour combattre les éléments perturbateurs. Tout se joue sur la complémentarité entre les systèmes de surveillance, les interprétations du système et le déclenchement des opérations. Une molécule a attiré l’attention des immunologistes, c’est IL6, l’interleukine 6 (voir §6). Le système immunitaire communique en utilisant un nombre conséquent de « molécules – signaux », à l’image du réseau neuronal utilisant les signaux électriques et les neuromédiateurs. Le Covid-19 est une réaction en chaîne impliquant différents systèmes de communications permettant au corps de lire ce qui se passe lors de l’infection, mobilisant les systèmes complexes de mécanismes constituant la réponse immunitaire avec souvent des effets collatéraux, inflammation locale ou globale au symptômes parfois gravissimes. Le système cognitif est face au virus et aux bactéries. En fait, deux systèmes immunitaires sont mobilisés, l’un acquis reposant sur les cellules T-helpers et l’autre inné sur une voie du complément (§6)
Tout est question d’interprétation, de sémantique moléculaire et cellulaire, entre protéines glycosylées et membranes. Une mauvaise lecture de la situation entraîne une réaction inappropriée du système. La communication se fait avec les détecteurs moléculaires, antigénique, les signaux qui transmettent les informations, les systèmes de décodage, et la réponse immunitaire utilisant des dizaines de signaux et des cellules compétentes. Ces processus ne se font pas dans la précipitation. Ils prennent du temps. Attendre pour voir où en sont les particules virales et les bactéries, pour voir si la réponse est adaptée et si non, accentuer cette réponse, quitte à risquer l’inflammation et l’emballement du système. Ce que l’on observe au stade final, avec l’orage de cytokine et les paramètres inflammatoires obtenus dans les analyses. Les taux de ferritine et de CRP explosent, bien au-delà de ce qui se passe pour une réponse antivirale classique. Il y a un temps pour tout et parfois un emballement du temps (Dugué, 2018)
Communications → temps (action) → émergence ↓
↑ (cognition) ← temps (réaction) ← émergence
Le propre d’un système complexe stable est de savoir communiquer dans un environnement produisant des perturbations. Le système immunitaire briefe ses cellules et débriefe ensuite en suivant l’évolution des éléments perturbant. Le virus et les bactéries génèrent du bruit. La réponse immunitaire génère des réactions mais aussi du bruit. La température n’est pas la cause de la réaction immunitaire mais la conséquence. D’une manière générale, le développement de l’infection virale Covid-19 repose plus sur la disposition physiologique de l’organisme hôte que sur l’agent viral qui vient perturber cet organisme. C’est le patient qui développe et génère son propre Covid-19 et non le virus qui n’est que le facteur déclenchant puis invasif. Le sort de cette maladie dépend du dispositif de défense immunitaire du patient (§6) et de son microbiote qui interfère avec le virus (§5).
3) Cinétique et disruption, les deux phénotypes cliniques du Covid-19
Contrairement à la grippe qui évolue en un seul type infectiologique (parfois avec complication), le Covid-19 montre les signes d’une double affection traduite en termes de phénotype infectieux et de chronologie. Le Covid-19 est une maladie évolutive présentant un stade 1 relativement bénin, devenant atypique, diarrhées, fièvre intermittente, anosmies, agueusie, puis un stade 2 avancé dont on trouve maintes descriptions dans les médias ainsi que les recensions scientifiques publiées par les cliniciens. Les stades suivants, 3, sévère, 4, critique, doivent être compris comme une aggravation du stade 2, avec emballement du système immunitaire, dégradation pulmonaire, effondrement progressif des organes, hyper inflammation constatée par les taux de CRP et ferritine. Les spécialistes lancés dans les recherches sur le Covid-19 se sont focalisés pour l’essentiel sur les stades 3 et 4 pour une bonne raison, d’ordre sanitaire, puisque ce sont les patients affectés par ces deux stades qui entrent en admission. Pratiquement tous les patients pris en charge souffrent d’une détresse respiratoire causée par une affection pulmonaire constatée en tomographie dès le stade 2 et très rarement le stade 1. Les cliniciens se sont focalisés sur le volet pneumonie et détresse respiratoire et les épidémiologistes secondés par les virologues ont mis le paquet sur le virus pour des raisons évidentes, tracer la contagion, détecter en PCR les patients infectés, renseigner les autorités de santé. Les infectiologues n’ont vu qu’un virus respiratoire et une seule affection. Ils n’ont pas beaucoup observé l’angle mort que représente la transition systémique entre du phénotype 1 au phénotype 2 qui s’est superposé puis substitué au premier, générant des interférences traduites en clinique par des effets appuyés, fatigue prononcé, état parfois comateux, toux sèche et interminable, sans oublier la pneumonie lorsque le tropisme respiratoire gagne les voies inférieure. Les troubles gastro-intestinaux, l’anosmie, l’agueusie et les autres effets du stade 1 n’ont pas été analysés parce que les patients restant dans ce stade ne nécessitaient pas une prise en charge médicale alors que la plupart des études se sont concentrées sur les stades avancés et sévères.
SARS-2 → phénotype 1, virus → bactéries → phénotype 2 → stade 3 → stade 4
Dans une grippe classique, il n’y a qu’un phénotype 1, pouvant évoluer vers des complications bactériennes, souvent causées par des microbes opportunistes infectant le patient. Dans le schéma du Covid-19, les bactéries interviennent dès le départ, générant une complication systémique et une disruption, autrement dit une émergence de signes dépassant le cadre d’une infection respiratoire classique. Ce ne sont pas des bactéries opportunistes venus de l’extérieur mais des bactéries commensales qui interfèrent avec le SARS-CoV-2.
4) Le SARS-CoV-2, un virus à double tropisme ?
Les coronavirus infectent nombre d’espèces de mammifères, se recombinent rarement, passant alors d’une espèce à une autre. La littérature nous enseigne que les coronavirus ont pour l’essentiel deux tropismes, respiratoire et entérique. Les uns affectent les voies respiratoires supérieures et parfois inférieures, descendant dans les alvéoles pulmonaires, les autres passent dans les voies digestives et se retrouvent dans les intestins où ils rencontrent les cellules épithéliales et l’ensemble de la très diversifiée flore microbiotique. Dans de très rares occasions, un virus peut changer de tropisme et d’entérique devenir respiratoire. Après une délétion dans la protéine S (porte d’entrée de la particule virale) un coronavirus porcin entérique est devenu respiratoire. Avec un bénéfice pour cette espèce car l’affection respiratoire fut bénigne comparée aux affections gastriques assez graves causées par le précédent virus :
« La très grande taille du génome permet l’émergence de variants présentant de larges délétions, et permet l’utilisation de ces virus comme vecteurs viraux. L’exemple le plus connu est l’émergence du coronavirus porcin respiratoire ou PRCV, dans les années 1980. Le PRCV est un variant spontané du coronavirus porcin entérique ou TGEV. Il présente une délétion en phase de 672 nucléotides (224 acides aminés) dans le gène codant la protéine S1. Une des conséquences biologiques de cette grande délétion est le changement de tropisme du virus qui, d’entérique pour le TGEV, est devenu respiratoire pour le PRCV. Soulignons que, dans ce cas, l’émergence d’un variant a été bénéfique pour l’hôte. L’infection respiratoire à PRCV est peu symptomatique et bénigne, sa transmission respiratoire est facile et efficace, et elle permet l’acquisition d’une immunité croisée avec le TGEV, maladie entérique d’évolution grave chez les porcelets. » (Vabret, 2009)
Et maintenant qu’en est-il du SARS-CoV-2 ? C’est un virus respiratoire et nul ne peut en douter. En revanche, il pourrait ne pas être que respiratoire et posséder un double tropisme, affectant les voies digestives. C’est ce que laisse penser cet article du Lancet dont voici un extrait portant sur le SARS-CoV de 2003 dont les effets sont comparables à son cousin de 2019 :
« Lors de l'épidémie de SRAS de 2002-2003, 16 à 73% des patients atteints de SRAS ont eu de la diarrhée au cours de la maladie, habituellement au cours de la première semaine de maladie. L'ARN du SRAS-CoV n'a été détecté dans les selles qu'à partir du cinquième jour de la maladie, et la proportion d'échantillons de selles positifs pour l'ARN viral a progressivement augmenté et atteint un pic au 11e jour de la maladie, l'ARN viral étant toujours présent dans les selles d'une faible proportion des patients même après 30 jours de maladie. Il est probable que le mécanisme d'infection des voies gastro-intestinales par le SRAS-CoV soit le récepteur cellulaire de l'enzyme de conversion de l'angiotensine 2 (ACE2) » (Yeo, 2020)
Le SARS-CoV-2 a lui aussi été identifié comme un virus potentiellement entérique : « Dans les premiers rapports de Wuhan, 2 à 10% des patients atteints de COVID-19 présentaient des symptômes gastro-intestinaux tels que diarrhée, douleurs abdominales et vomissements (…) Aux États-Unis, l'ARN du SARS-CoV-2 a été détecté dans les selles d'un patient. L'affinité de liaison des récepteurs ACE2 est l'un des déterminants les plus importants de l'infectiosité, et les analyses structurelles prédisent que le SRAS-CoV-2 utilise non seulement l'ACE2 comme récepteur hôte, mais utilise l'ACE2 humain plus efficacement que la souche 2003 du SARS-CoV » Ce tropisme entérique ne concerne pas l’ensemble des patients mais on peut penser que le virus est présent, occasionnant parfois une affection gastrique dépendant du microbiote de chaque patient. Cette affection étant relativement bénigne, elle est passée sous les radars des cliniciens qui ne lui ont pas accordée une attention particulière. Le double tropisme du virus causant le Covid-19 ne fait aucun doute, même si les affections intestinales sont assez modestes rapportées aux détresses respiratoire. Ce double tropisme était déjà connu pour le SARS-CoV de 2003 comme l’indique cette étude clinique et virologique (Leung, 2003)
SARS-2 → virus ph-type respiratoire 1 → ph-type respiratoire 2 ←bactéries
SARS-2 → virus phénotype entérique 1, → bactéries phénotype 2 ↑ ↑ ↑
Le schéma complet comporte le double tropisme, entérique et respiratoire, avec une complication du tropisme entérique lié au microbiote qui peut alors, par translocation bactérienne vers le haut, peut remonter et compliquer le tropisme respiratoire. Et c’est peut-être l’explication de l’anosmie et l’agueusie. Ces faits étant présentés, il est temps d’examiner les connaissances en microbiologie.
5) Angle microbiologique. L’interférence entre les virus et les bactéries n’est pas une exception mais une règle.
Longtemps, les microbiologistes ont cru que les mondes des virus et des bactéries étaient séparés, comme deux types d’objets que le système immunitaire prend en charge séparément, comme si la nature se comportait de manière cartésienne, gérant chaque problème séparément pour solutionner le tout. Et finalement cette vision s’est avérée approximative pour ne pas dire erronée. Les scientifiques avaient repéré quelques interférences entre virus et bactéries en pensant que c’était l’exception. Puis c’est devenu la règle. Le microbiote peut alors agir favorablement sur le tropisme viral en renforçant l’immunité et c’est souvent le cas bien que ce mécanisme n’ait pas encore été suffisamment étudié. Mais dans le Covid-19, il apparait que c’est plutôt l’inverse bien que ces faits n’aient pas été étudiés. Cela étant, on restera prudent en refusant les explications trop évidentes. Le polymorphisme génétique des composants immunitaire détermine aussi les différences dans la gravité des affections par le Covid-19 (§6). On en restera à ces quelques conclusions contenues dans le résumé de cet article de synthèse dont je reproduis quelques lignes. En précisant que les effets bénéfiques du microbiote de la référence 66 ont été observés sur des souris :
« À mesure que notre compréhension grandit, les interactions polymicrobiennes passent de l'exception à la norme, et les chercheurs doivent réaliser que les virus et les bactéries ne sont plus des agents pathogènes mutuellement exclusifs. Bien que les preuves suggèrent des effets antagonistes potentiels lorsque le microbiome bactérien protège l'hôte contre les infections virales [ 66], cette revue met en évidence la pathogénicité accrue résultant des interactions virus-bactéries dans les lieux occupé par des éléments bénins de la microflore native. Les virus utilisent des composants bactériens pour pénétrer dans les cellules cibles, tandis que les bactéries capitalisent sur la nature destructrice de la réplication du virus pour s'implanter dans des régions auparavant inaccessibles. Dans tout le corps, ces micro-organismes peuvent collaborer pour mieux s'améliorer, au détriment de l'hôte. Il est essentiel d'élucider et de découvrir davantage les relations virus-bactéries et les mécanismes impliqués dans l'infection. Bien que techniquement difficile, une telle avancée peut nécessiter le développement ou l'amélioration de nouveaux modèles in vitro ou in vivo. Certainement, les progrès de la métagénomique et du microbiome joueront un rôle important dans une meilleure compréhension de ces environnements et interactions. En se concentrant sur les interactions microbiennes au lieu de se limiter à l'agent pathogène, il peut être possible d'exploiter ces voies dans le but d'identifier de nouvelles cibles thérapeutiques. » (Almand, 2017)
« En se concentrant sur les interactions microbiennes au lieu de se limiter à l'agent pathogène, il peut être possible d'exploiter ces voies dans le but d'identifier de nouvelles cibles thérapeutiques ». Oui, ces paroles écrites en 2017 étaient visionnaires et cette fois nous y sommes, se concentrer sur les interactions avec les bactéries pour cerner les cibles thérapeutiques permettant de vaincre le Covid-19. Mais nous n’avons pas assez de données sur ces interactions et du reste, beaucoup de zones d’ombre subsistent sur cette question comme l’indique Almand avec ses confrères, auteur de cet article central dans le nouveau paradigme des infections virales. L’interférence systémique entre virus et bactéries se compose de deux types. Direct et indirect.
a) Interaction directe. Elle se fait au bénéfice du virus qui optimise sa réplication en utilisant les bactéries. Soit en se liant à la bactérie, ce qui lui permet de se déplacer car un virus est livré aux lois physiques alors qu’en se liant à un support mobile comme l’est une bactérie (avec ses cils), il peut optimiser son invasion. Soit en utilisant des molécules produites par les bactéries. La majorité des résultats concernant l’interaction directe concernent les virus infectant l’appareil gastro-intestinal. Au final, les bactéries aident le virus à se répliquer et à envahir l’organisme, renforcent sa capacité à se répliquer. Par exemple en produisant des enzymes servant à renforcer l’infection virale. Mais en d’autres cas, c’est l’inverse, les bactéries agissent en réduisant l’infection virale. Le HIV représente un exemple unique d’interdépendance entre le virus et les bactéries. Ce virus ne se restreint pas aux bactéries commensales, il mobilise d’autres micro-organismes humain tout en déviant le système immunitaire à son avantage. Dans le cas de la co-infection par la tuberculose, l’activation classique de l’IL-6 (typique d’une infection bactérienne) favorise par effet systémique la réplication du HIV.
b) Interaction indirecte. Elle se fait au bénéfice des bactéries et concerne plus particulièrement l’infection par les virus respiratoires. Plusieurs mécanismes sont en jeu. Altération des épithéliums, déplacement de bactéries commensales, suppression partielle des défenses immunitaires. Le virus de la grippe non seulement endommage les cellules épithéliales mais il favorise aussi la fixation de bactéries sur des sites en activant enzymes et modifiant quelques protéines membranaires. Ce schéma de symbiose virus et bactérie a été observé dans les voies respiratoires supérieures lors d’une infection grippale. Cette fois, c’est l’IL-17 (interleukine de l’immunité adaptative, §6) qui se désactive et fragilise l’hôte face aux bactéries opportunistes. Cette situation est classique, c’est celle d’une surinfection grippale. En revanche, la synergie indirecte entre HIV et microbiote est plus complexe. Le virus modifie les bactéries dans l’appareil gastro-intestinal, favorisant le développement de nouvelles souches et modifiant la flore commensale. Ce phénomène, secondé par la translocation des bactéries, engendre alors un nombre conséquent de symptômes, lésions buccales, pneumopathies chroniques et pneumonies.
Ces quelques résultats montrent que le Covid-19 se caractérise par un développement systémique du phénotype infectieux comparable à celui du VIH. D’abord un double tropisme qui pour le SARS-CoV-2 est entérique mais modeste et surtout respiratoire. Avec une synergie virus et bactérie sans doute présente dans les voies gastro-intestinale, puis remontant et affectant les voies respiratoires supérieures. Ce qui n’exclut pas une interaction entre le SARS-CoV-2 et les bactéries de l’appareil nasopharyngé, malgré un microbiote se faisant rare eu égard au microbiote intestinal (malgré cette rareté, une synergie orale a été observée, Almand, 2017). Le Covid-19 bascule alors du phénotype 1 au phénotype 2, se propageant dans les bronches et les poumons, engendrant une pneumonie accompagnée d’une inflammation de grande intensité avec une partie des réponses immunitaires effondrées. L’inflammation est sans doute liée à cet effondrement partiel, ce qui explique une inflammation de grande intensité liée à une hyper activation des défenses immunitaires encore opérationnelles. Le Covid-19 ressemble à une infection HIV se déroulant en accéléré avec un phénotype distinct et quelques similitudes. Ce qui produit ce phénotype ce n’est pas le virus à lui tout seul mais une possible synergie avec les bactéries se développant sans doute dans les premiers jours et avant l’entrée au stade 2 qui se manifeste par la domination du phénotype 2. Le système immunitaire fait le reste et détermine le phénotype inflammatoire, modéré ou sévère.
La modification d’un phénotype viral infectieux a du reste été constatée et relatée dans ce papier de 2012 concernant les virus à tropisme entérique mais dont le paradigme est jugé transposable au tropisme respiratoire. Le microbiote est élargi au virome, avec la présence des virus bactériophages commensaux. Un agent viral externe perturbe l’infection dans des proportions remarquables, modifiant l’écosystème, les réactions immunitaires et au final, une translocation des bactéries entériques migrants vers d’autres lieux. Le microbiote commensal protège de l’infection virale assez souvent. Dans d’autres cas, un mécanisme non élucidé produit une seconde interférence bactérienne capable de changer le phénotype infectieux. Sur ce schéma repris de (Moon, 2012), en (a) une infection virale simple, en (b), une interférence protectrice des bactéries, en (c) une interférence sans émergence liée à une synergie et pour finir en (d) une interférence faisant émerger un nouveau phénotype.
a) Virus → phénotype infectieux
b) Virus → / ↑ bactéries ↑ / → phénotype infectieux
c) Virus + bactéries → phénotype infectieux
d) Virus → phénotype infectieux 1 + bactérie → phénotype infectieux 2
L’interférence entre SARS-CoV-2 est sans doute plus complexe. Avec une interaction certaine de type direct dans le tropisme respiratoire. Autrement dit, le virus se sert des bactéries pour descendre dans les bronches et les poumons. Par ailleurs, les bactéries produisent par interaction indirecte un phénotype 2, elles jouent leur partie en saisissant l’opportunité que représente la crise virale. Au final le phénotype complet est une superposition pouvant faire intervenir plusieurs phénotypes amenés à se mélanger ou se superposer, (c-e) et (d-e), entériques, (c-r) et (d-r) respiratoires, avec une interférence possible si le microbiote entérique remonte vers les voies orales. L’ancien modèle s’effondre au profit d’un nouveau modèle d’infection virale en synergie avec les bactéries. Ce changement s’est produit en une décennie et la crise du Covid-19 nous impose de tout revoir, y compris dans les options thérapeutiques. Un article de plus confirme la nouvelle donne en infectiologie (Neu, 2020). Les bactéries gouvernent le sort des virions et en retour, ces mêmes bactéries, ou d’autres, se servent des virions pour naviguer dans l’hôte, prospérer, se développer, coloniser les tissus, et ce, sous la surveillance des radars du système de immunologique qui veille à ce que les envahisseurs ne prennent pas trop leurs aises.
6) Inflammations et immunités.
6-a) Un changement de paradigme, le tropisme inflammatoire. Ce dernier volet est peut-être le plus important pour comprendre le Covid-19 et même d’autres pathologies dont le phénotype est inflammatoire. Et donc, nous pouvons élaborer le concept de tropisme inflammatoire pour caractériser les effets des coronavirus récents, SRAS et MERS, sur les patients affectés par de graves symptômes et révélant de ce fait un tropisme inflammatoire sélectif, car pour un bon nombre, la pathologie est stoppée avant la violence inflammatoire. Comme si certains sujets disposaient d’une forêt physiologique humidifiée alors que d’autres auraient une forêt sèche, prête à s’enflammer .Le volet immunitaire constitue l’axe central pour enfin s’expliquer avec le Covid-19. Les maladies infectieuses sont depuis Pasteur expliquées par la théorie du germe. Ce paradigme est sur le point de basculer. Non pas que le germe soit absent mais que la genèse de la pathologie aiguë puisse avoir comme principal ressort la réaction immunitaire qui souvent, se développe comme une « inflammation ». L’infection serait une pathologie et l’inflammation une seconde pathologie induite par la première et parfois complexe si une synergie virus bactérie se produit. Le germe serait en quelque sorte l’allumette qui se réplique dans l’organisme et que le système immunitaire tente d’éteindre en déployant un pare feu, mais lorsque ce système s’emballe, le pare feu devient à son tour incendiaire. Et altère le phénotype qui d’infectieux passe à un second stade, inflammatoire. Ce stade n’abolit pas le précédent, il s’y superpose. C’est sans doute l’explication de la disruption faisant passer le Covid-19 du stade 1 au stade 2.
SARS-CoV-2 + Bactérie → phénotype(s) infectieux → phénotype(s) 2 + inflammatoire(s)
Le développement d’une infection devrait se faire sans dégâts inflammatoires, autrement dit avec une réaction inflammatoire maîtrisée mais ce n’est pas toujours le cas. Le HIV produit une inflammation chronique. Il existe aussi des cas assez rare d’infection sans inflammation ou des cas d’inflammation sans infection, cancer, maladies auto-immunes et sans doute d’autres pathologies. Le Covid-19 se place comme une pathologie à infection et inflammation contrôlée au stade 1 alors qu’au stade 2, l’inflammation devient importante, elle dure une bonne semaine et parfois devient incontrôlable. Il faut trouver pourquoi cette phase 2 émerge. Est-ce le virus, avec une synergie bactérienne, est-ce une réponse immunitaire mal gérée ? Le Covid-19 est vraiment particulier dans sa cinétique qui traduit une mobilisation de l’arsenal immunitaire pendant une durée inhabituelle avec une intensité parfois « colossale » si on la compare à celle d’une grippe ou d’un rhume occasionné par un rhinovirus ou un coronavirus comme le H-CoV-229E. Comme si l’affection était aiguë tout en présentant un très léger trait chronique mais transitoire. Au stade critique, l’inflammation devient aiguë et s’avère fatale.
6-b) Données cliniques. Les analyses effectuées sur les patients en stade terminal indiquent la puissance dévastatrice de l’inflammation généralisée portant non seulement sur les poumons mais aussi sur d’autres organes, parfois le cœur. Des observations cliniques permettent de mesurer l’ampleur des dégâts. Une étude a montré une relation significative reliant analyses sanguines et létalité, réalisée sur 140 patients dont 68 décédèrent (Ruan, 2020). La moitié des décès a été causé par l’effondrement de la fonction respiratoire, un tiers par une cause mixte, respiratoire et cardiaque, 7 % par une cause cardiaque et le reste indéterminé. Les taux de myoglobine et de troponine sont en relation avec les causes cardiaques. Deux autres paramètres distinguent les patients remis des patients décédés, ce sont le taux de CRP, dépassant souvent les 100 mg/l et le taux d’IL-6. La CRP indique une inflammation compatible avec une infection bactérienne ou virale. Une étude a même montré une corrélation entre le taux de CRP et l’extension des lésions pulmonaires chez des patients affectés par le Covid-19 aux stades, 1, bénin, 2, avancé, et 3, sévère (Wang, 2020). L’IL-6 est une interleukine centrale qui active différents composants actifs dans la réponse immunitaire. C’est un signal d’attaque qui mobilise plusieurs types de lymphocytes et s’il y a lieu, des macrophages et des cellules tueuses NK. Le Covid-19 est bien causé par une puissante inflammation sans que l’on ne sache si cette réponse est due aux propriétés du virus, circulation et réplication, ou à d’autres facteurs, bactéries notamment. Cette inflammation peut avoir deux causes, la puissance du virus et ses ruses ou un emballement du système immunitaire dont l’action devient disproportionnée par rapport à l’agent infectieux.
Une autre étude a comparé des patients en stade avancé (modéré) 2 et sévère 3 (Chen, 2020). Une lymphopénie se produit dès le stade 2 et s’aggrave dans le stade 3 pour atteindre un niveau très bas, quatre à six fois le seuil inférieur de la normalité. Les cellules NK descendent en dessous de la normale pour le stade 3. Les paramètres les plus affectés sont la CRP, quelques mg en situation normale mais 22 en moyenne pour le stade 2 et une explosion vers 140 pour le stade suivant, ce qui traduit une inflammation de grande intensité qui n’est pas que virale. Le taux de ferritine qui grimpe dans le stade 3, avec une moyenne de 1500, signe également d’une inflammation.
Les paramètres cliniques issus des analyses sanguines indiquent clairement un emballement du système immunitaire et ne correspond pas à un phénotype infectieux viral classique. Une interférence avec les bactéries est présente. Les taux d’Il-6, de ferritine et de CRP correspondent plus à un phénotype infectieux bactérien, sans pour autant qu’il y ait eu infection par des bactéries exogènes. Par ailleurs, l’IL-6 est considérée comme une piste intéressante pour traiter le Covid-19 mais hélas, cela concerne les stades avancés. Les cliniciens ont basculé des thérapies antivirales vers les thérapies anti-inflammatoires. D’autres études confirment l’emballement du système immunitaire avec la CRP et l’activation du complément.
6-c) Activation du complément. D’autres indices permettant de mieux cerner le Covid-19, surtout dans les formes avancée et sévères. Quelques travaux indiquent l’activation du système du complément par les SARS-CoV de 2003 et 2019. Le système immunitaire est composé d’une immunité acquise au cours de l’existence et une immunité innée héritée du patrimoine génétique. La composante innée inclut deux des trois systèmes du complément la voie dite alternative et la voie utilisant les lectines. L’activation de cette troisième voie du complément a été observée chez des patients gravement atteints par le Covid-19 et présentant d’importantes lésions pulmonaires. Elle fut déjà détectée lors de l’épidémie de SRAS de 2003. Ce mécanisme immunitaire est bien connu. La voie des lectines est activée par des bactéries autant que par des virus et notamment le HIV. Elle fonctionne lorsqu’une protéine de surveillance, la MBL, interagit avec le mannose des protéines de surface bactériennes ou virales. Le SARS-CoV-2 a été lui aussi identifié comme un activateur de cette voie qui lorsqu’elle fonctionne à plein régime, participe à l’offensive immunitaire en détruisant les cellules infectées par opsonisation grâce à des médiateurs, C3a, C4b, C1q, qui finissent par déclencher l’opsonisation avec l’action des macrophages ou des cellules NK. Ces opérations achèvent la réponse dont l’initiation se produit grâce à ces protéines de « surveillance » de type mannose binding protein, dites MBL, sur lesquelles se fixent notamment les protéines virales, la gp120 du HIV et pour le SARS-CoV, la protéine Spike S. Les protéines S et gp120 sont aussi des clés utilisées par ces deux virus pour entrer dans les cellules hôtes et s’y répliquer mais le mécanisme d’activation du complément par le SARS I est loin d’avoir été parfaitement élucidé.
Pour le SARS-CoV-2, l’activation se produirait aussi avec la protéine de surface N, nucléocapside, qui interagit avec l’une des protéines de la voie des lectines, la protéine MASP2 (mannose-binding protein-associated serine protease 2) qui fonctionne de pair avec la MBL et déclenche une cascade de signaux aboutissant aux mécanismes de destruction des cellules infectées. Le SARS-CoV-2 se fixerait alors sur la MASP2 par l’intermédiaire de la protéine N constituant la nucléocapside et d’après les auteurs de cette étude, cette fixation expliquerait l’inflammation aberrante produite par le complément et générant des effets désastreux sur les poumons (Gao, 2020). Et c’est aussi le cas pour les deux autres coronavirus responsables des syndromes respiratoire aigus qui activent le complément avec la protéine N ; SARS-CoV de 2002 et MERS de 2013. Les protéines de surface, S ainsi que N pour nucléocapside, sont glycosylées (§7) ce qui les rend visibles auprès des protéines de surveillance MBL et MASP, activant la réponse immunitaire du complément et déclenche l’opsonisation. La voie des lectines (MBL) est-elle une clé décisive pour comprendre les effets dévastateurs du Covid-19 dans les formes sévères ?
Les protéines MBL et MASP montrent un polymorphisme étendu lié aux origines génétiques. Elles interviennent dans la tuberculose, protégeant les uns et prédisposant les autres à cette affection selon l’haplotype du sujet (Capparelli, 2009). Le polymorphisme génétique des MBL est un fait connu, il impacte les patients infectés. Les études sont nombreuses, notamment sur les affections respiratoires pouvant être modulées d’un patient à un autre, rendant les uns plus fragiles dans les épisodes infectieux en déterminant la cascade du complément et les processus finaux d’opsonisation. Des publications sur ce thème, il y en a des centaines. Une qui nous intéresse de près, concernant la susceptibilité de patients infectés par le SARS de 2003. Le polymorphisme MBL détermine la gravité du SRAS et dans cette étude, un codon déterminant a même été identifié (Zhang, 2005). Non seulement le microbiote mais le polymorphisme génétique semble gouverner la gravité du Covid-19. Des décès coordonnés ont été observés pour des jumeaux mais il faut rester prudent sur ces annonces parues dans la presse et vérifier qu’il n’y avait pas de facteurs de comorbidité pouvant expliquer ces décès. Quoi qu’il en soit, les facteurs génétiques ont une influence pour d’autres infections virales comme la grippe ainsi que nombre d’affections auto-immunes.
6-d) Immunité adaptative, la voie T-helper, CD4+, TH17… Les formes avancées du Covid-19 sont aussi causées par une autre voie conduisant vers l’inflammation. Cette fois c’est l’immunité dite acquise ou adaptative qui est mobilisée et plus précisément, un ensemble de mécanismes impliquant les cellules T, notamment les TH17 et toute une série de facteurs et autres messagers de la réponse immunitaire. « Depuis quelques années la famille des lymphocytes T CD4+ s’est agrandie. Aux deux composants initiaux, les lymphocytes helper de type 1 (TH1) et de type 2 (TH2), se sont ajoutés le lymphocyte T helper de type 17 (TH17) et le lymphocyte T régulateur (Treg). Sous l’influence du transforming growth factor β, de l’interleukine 6 (IL6), de l’IL21 et de l’IL23, le lymphocyte T CD4+ naïf se différencie en lymphocyte TH17. Actuellement, le lymphocyte TH17 est reconnu comme l’acteur principal de l’inflammation locale par l’intermédiaire des cytokines pro-inflammatoires (interleukines 17, 21, 22) qu’il sécrète et par l’expansion et le recrutement des neutrophiles qu’il entraîne. De ce fait, il est impliqué dans les processus inflammatoires chroniques, les maladies auto-immunes (polyarthrite rhumatoïde, lupus érythémateux disséminé) » (Essakalia, 2010)
Les patients affectés par le stade avancé du Covid-19 ont des symptômes inflammatoires divers pouvant être imputés pour une partie à l’activation de la voie impliquant les TH17 avec l’intervention de l’interleukine pléiotropique IL-6. « De nombreux patients COVID-19 développent un syndrome de détresse respiratoire aiguë (SRAS), qui entraîne un œdème pulmonaire et une insuffisance pulmonaire, et des dommages au foie, au cœur et aux reins. Ces symptômes sont associés à une tempête de cytokines (…) Par rapport aux patients non en USI, les patients en USI ont des niveaux encore plus élevés d'IL-2, IL-7, IL-10, G-CSF, IP10, MCP1, MIP1A et TNFα (…) Parmi celles-ci, plusieurs cytokines sont impliquées dans les réponses de type TH17. IL-1β et TNFα (…) L'IL-17 a de larges effets pro-inflammatoires sur l'induction des cytokines G-CSF (responsable de la granulopoïèse et du recrutement des neutrophiles), IL-1β, IL-6, TNFα » (Wu, 2020)
6-e) Les deux immunités. Les observations immunologiques montrent que le Covid-19 dans le stade avancé puis critique est bien une pathologie dont les effets désastreux, non seulement sur les poumons, sont liés à une cascade inflammatoire initiée par l’activation de deux immunités. L’une adaptative mobilisant les cellules T et l’autre utilisant les lectines avec la fixation de déterminants pathogéniques sur les protéines MBL/MASP qui deviennent actives en prenant une conformation polymérique, trimère, quadrimère, hexamère. Les composants C3 et C4 sont produits, puis l’opsonisation finale permettant d’éliminer les cellules infectées, certains étant en situation d’apoptose. Les symptômes non respiratoires du Covid-19 ont tous un lien avec un emballement de l’inflammation se propageant dans diverses parties du corps, le foie, le cœur, les vaisseaux et sans doute les parties extrémales des membres avec des dermatoses constatées sur les mains et les orteils des pieds. La coagulation sanguine est souvent associée à l’activation du complément ; elle se produit dans les formes aggravées de la maladie, générant une embolie puis le décès. Les symptômes dermatologiques produits par le Covid-19 indiquent une propagation globale de l’inflammation, par la voie sanguine. Et sont peut-être le signe de réactions intempestives et transitoires ressemblant à des réactions auto-immunes, comme une sorte de lupus non pas chronique mais éphémère, dont les effets sont parfois généralisés, affectant le système cardiovasculaire. L’IL-6 est du reste connue pour activer les réactions auto-immunes. Le Covid-19 n’est pas tant dû à un caractère spécial du virus mais aux caractères de la réponse immune face à cet agent pathogène assez rusé et retors, que la population humaine rencontre pour la première fois.
Deux immunités se conjuguent ; elles déterminent la gravité du Covid-19. C’est le système immunitaire qui fait la maladie, en réponse à un agent pathogène déjà connu ou nouveau, comme peuvent l’être le SARS-CoV, le MERS-CoV, puis le SARS-CoV-2. L’une réalisée par les cellules T et notamment les TH17 avec tous les facteurs paracrines servant de signaux, interleukines, interférons et quelques molécules supplémentaires. Cette immunité adaptative est souvent la cause d’une inflammation locale. L’autre utilisant les lectines et les complexes protéines MBL/MASP activant les cascades du complément. Ces deux mécanismes produisent des inflammations locales ou alors périphériques. On comprend alors l’étendue des dégâts causés par cet emballement combinant deux contre-feux de la défense immunitaire. On comprend aussi pourquoi les uns sont épargnés et d’autres présentent des symptômes graves. La combinaison du microbiote et du système immunitaire place les infectés dans des situations clinique très différentes, avec des déterminants génétiques. C’est aussi le cas pour des maladies auto-immunes. On a trop tendance à l’oublier, lorsqu’une maladie émerge, c’est plus à cause du patient que de l’agent externe ou interne. De plus, la plupart des pathologies sont systémiques.
Des chercheurs ont évoqué la piste de deux mécanismes inflammatoires distincts, l’un produit par les infections virales et l’autre par les bactéries (Slat, 2016). Le Covid-19 est considéré à tort comme une pathologie dont la cause est uniquement virale. Les bactéries interfèrent avec l’immunité, en positif ou négatif. Elles peuvent simplement moduler l’immunité ou alors être détectées comme des agents pathogènes (PAMPS, pathogen-associated molecular determinants) et de ce fait activer des mécanismes immunitaires s’ajoutant à ceux qui sont mobilisés pour faire face à la circulation et la réplication virales. Aux déterminants antigéniques s’ajoutent les signaux liés au stress inflammatoire (DAMPS damage-associated molecular determinants) qui eux aussi, peuvent activer les défenses en agissant en synergie avec les agents pathogènes et notamment les virus (Slat, 2016). Ce mécanisme collatéral doit être pris en compte pour expliquer la gravité de la réponse inflammatoire dans le Covid-19.
7) Covid-19, stratégies thérapeutiques à étudier
7a) Virus à tropismes pluriels. Les données cliniques et biologiques ont confirmé le tropisme entérique du SARS-CoV-2 qui est modéré, auquel se superpose le tropisme respiratoire bien plus sévère. Les données virologiques montrent que le virus du Covid-19 présente des homologies de séquences avec le virus RaTG13 de chauve-souris et notamment au niveau des deux protéines clé de surface, 98% pour Spike, S et 99% pour Nucleocapside, N, (Srinivasan, 2020), or, ce coronavirus de chauve-souris récupéré en 2013 possède un tropisme entérique. On ne soit pas être étonné en constatant le tropisme entérique du nouveau coronavirus humain dont le tropisme dominant est néanmoins respiratoire. Nous allons maintenant conclure cette étude en conservant le schéma du double tropisme et de l’interférence déterminante entre bactéries et cycle viral dans les organismes hôtes. Ce schéma deviendra certainement un paradigme en microbiologie et en infectiologie après avoir émergé dans la décennie 2010 (Neu, 2020)
Phénotype respiratoire 1 → P. respiratoire 2 → P. inflammatoires 3, a, b…
↓ Phénotype entérique 1 → ↑ ↑ ↑
Le virus SRAS-CoV-2 et les bactéries commensales interfèrent pour propager l’infection liée au double tropisme et se développant en deux stades pouvant mettre le feu au système immunitaire en activant la voie des TH17 et surtout la voie des lectines (complément). Ce virus a un « tropisme inflammatoire » qui s’ajoute aux deux autres, entérique et respiratoire. Les protéines S et N sont déterminantes, elles interfèrent avec les récepteurs ACE2 mais aussi les protéines de surface bactériennes glycosylées (LPS, lipopolysaccharides, PG, petptidoglycanes) ainsi que les protéines de surveillance du complément, elle aussi glycosylées (MBL, MASP), sans oublier les T-helpers, CD4+, TH17… Peut-on alors envisager de stopper ou du moins ralentir la progression du stade 1 vers les étapes suivantes et notamment les phases inflammatoires destructrices ?
7-b) SARS, virus et bactéries, vers une piste thérapeutique ? Maintenant que nous avons réuni la plupart des pièces importantes du puzzle, nous pouvons examiner la piste thérapeutique consistant à ralentir la mécanique du feu viral dès le début de l’infection, en ayant comme objectif de contenir les mécanismes conduisant du phénotype 1 bénin au phénotype 2 avancé. Cette stratégie est explicitée sur le schéma qui suit.
Phénotype respiratoire 1 → (Bact) P. respiratoire 2 → P. inflammatoires 3, a, b…
→ → → ↓Thérapie antibactérienne↑→ / Stop/ → → →
↓ Phénotype entérique 1 → (Bact) ↑ ↑ ↑
La thérapie bactérienne repose sur un premier levier simple en principe, l’utilisation d’un antibiotique en supposant un effet sur les bactéries susceptibles d’agir en synergie avec la réplication et la propagation virale. Ce qui permettrait de soulager l’activation des deux voies immunitaires et sans doute, l’activation du complément. Des études doivent confirmer les mécanismes et les effets thérapeutiques. Elles sont à la portée de n’importe quel centre scientifique assez avancé.
7-c) Les surfactines comme agent antiviral ? Un résultat prometteur a été publié dans le Journal of Virology le 15 novembre 2019 ; drôle de coïncidence, c’est à peu près le moment où la première souche virale du SARS-CoV-2 a circulé. Il faut néanmoins rester prudent tout en réfléchissant non seulement résultats expérimentaux mais aussi à la démarche des auteurs visiblement en phase avec le nouveau paradigme en infectiologie. Comme tous les articles scientifiques, un résumé est fourni et chose étonnante, après ce résumé, une incise présentée comme importante est insérée par les auteurs dont l’étude concerne le SARS-CoV premier mais dont les conclusions vont pouvoir être transposées sans problème pour le nouveau coronavirus. Si cette publication est restée sous les radars, c’est sans doute parce qu’elle utilise le nouveau paradigme de la symbiose virus – bactérie et qu’elle porte sur le coronavirus de 2003. S’il y a une clé thérapeutique inattendue, elle est dans ce papier signé par une quinzaine de scientifiques basés au Texas dont voici l’incise :
« Important. Dans cet article, nous considérons le rôle des bactéries dans le développement d’une infection à coronavirus. En nous inspirant des études sur les virus entériques, nous avons d’abord étudié comment les composants de la surface bactérienne pouvaient renforcer l’infection par le CoV. Nous avons alors constaté que la surfactine associée au peptidoglycane est un composé viricide puissant qui perturbe l’intégrité du virion avec une large activité contre les virus enveloppés. Nos résultats indiquent que les interactions avec les bactéries commensales peuvent favoriser ou alors diminuer les infections virales, ce qui montre la nécessité de comprendre ces interactions microbiennes et leurs implications dans la pathogenèse virale et le traitement. » (Johnson, 2019)
Cette publication confirme le nouveau paradigme en infectiologie et microbiologie. Les bactéries facilitent l’infection des virus à tropisme entérique qui se servent des enveloppes bactériennes pour percer les défenses de l’hôte. Ce phénomène concerne les bactéries commensales entériques mais aussi le microbiote oral, ce qui laisse penser à une interférence avec les virus respiratoires, avec des interrogations car ces phénomènes n’ont pas encore été suffisamment étudiés. Quel que soit le tropisme du virus, le microbiote joue avec les défenses immunitaires ou alors avec le virus. Les coronavirus récents, SARS et MERS, ont su « exploiter » le microbiote entérique et oral, pour autant qu’on puisse penser qu’un virus puisse exploiter les ressources de l’hôte, comme s’il était maître du jeu. Le virus n’est pas maître et si l’hôte est secoué par l’invasion virale, c’est qu’il n’a pas réussi à gagner la partie. Pour diverses raisons et facteurs jouant en sa défaveur.
Le résultat majeur c’est que les peptidoglycanes (PG) sécrétés par Bacillus subtilis interfèrent avec la fusion de l’enveloppe virale sur les cellules hôtes et que cette interférence est spécifique de cette souche. La virulence du CoV est fortement diminuée avec ces surfactines produites par la bactérie. Autrement dit, ces molécules connues pour avoir des propriétés antibactériennes sont aussi des antiviraux comme le précise le papier publié par Johnson et ses collaborateurs. Qui n’hésitent pas à envisager une nouvelle piste thérapeutique contre les coronavirus, et ce, avant même que l’épidémie du Covid-19 ne se dessine dans les populations. Ces résultats sont appuyés par des études sur des souris infectées par des coronavirus. D’autres résultats allant dans ce sens figurent dans la littérature scientifique des dernières années. Les surfactines inhibent la fusion de l’enveloppe virale avec la membrane de cellules épithéliales. Les expériences in vitro ont montré que les PG de Bacillus subtilis réduisent la charge virale du CoV par un facteur supérieur à 10 000 (Johnson, 2020). D’autres études ont suggéré la piste thérapeutique des surfactines : « Parce que la fusion membranaire est une étape cruciale dans le processus par lequel les virus enveloppés envahissent les cellules hôtes, les inhibiteurs de fusion membranaire peuvent être des médicaments efficaces contre les virus enveloppés. Nous avons constaté que la surfactine de Bacillus subtilis peut réduire la prolifération du virus de la diarrhée épidémique porcine (PEDV) et du virus de la gastro-entérite transmissible (TGEV) dans les cellules épithéliales à une concentration relativement faible (15 à 50 μg / ml), sans cytotoxicité ni perturbation de la membrane virale. Les expériences d'inhibition de la fusion membranaire démontrent que le traitement à la surfactine réduit considérablement la vitesse à laquelle le virus fusionne avec la membrane cellulaire » (Yuan, 2018).
Ces travaux sur la surfactine sont prometteurs mais n’échappent pas à la critique d’une science qui oriente son éclairage sur les mécanismes et les traitements au lieu d’essayer de comprendre comment les virus infectent l’hôte, avec une symbiose bactérienne et une communication des systèmes, immunitaires notamment. On peut certes fabriquer des surfactines comme l’industrie pharmaceutique a produit des dizaines d’antibiotiques en utilisant les bactéries qui les produisaient. Mais rien n’empêche qu’on puisse utiliser les bactéries comme armes non pas antibiotiques mais antivirales. Ce n’est pas dans les tiroirs de l’infectiologie classique mais rien ne s’oppose à l’ouverture d’autres tiroirs.
Avec Bacillus subtilus, nous pourrions disposer d’une arme antivirale pouvant donner des résultats, encore faut-il la tester, en préventif ou en curatif. La souche QST713 est couramment utilisée en agriculture comme pesticide. Dans le domaine de la santé, une autre souche, CU1, (I-2745) a été testée en préventif chez une population de senior. Elle est homologuée et commercialisée par quelques firmes produisant des probiotiques. Ses propriétés et son innocuité ont été décrites récemment pour la souche CU1 dont la posologie a même été évaluée à 2.109 spores avec des études cliniques montrant que cette bactérie est parfaitement supportée par des sujets âgés et qu’elle est pratiquement exempte d’effets indésirables tout en résistant correctement aux antibiotiques les plus courants (Lefevre, 2017)
Cette bactérie est du reste utilisée dans l’alimentation de pays asiatiques comme la Corée ou le Japon. Serait-ce l’explication d’une meilleure résistance de ces populations face au Covid-19 « B. subtilis a longue histoire dans l’industrie alimentaire, principalement la consommation de produits alimentaires fermentés dans les régions asiatiques et africaines. Au Japon, les variants de B. subtilis ont été consommés pendant des décennies en tant que composants du nutriment fermenté natto. Ce plat traditionnel est préparé en fermentant le soja avec B. Cette bactérie aurait été un élément du régime alimentaire japonais dès 1450. Les spécialités Natto contiennent jusqu’à 108 spores viables de Bacillus par gramme de produit et sa consommation a été associée à une longue histoire d’utilisation sécurisée et d’effets bénéfiques sur la santé (Lefevre, 2017). Nous avons peut-être une explication du fait que la Corée et le Japon ont été relativement épargnés par le Covid-19. Moins de 1000 décès au Japon, et même si ce chiffre était sous-évaluée, le bilan actuel serait faible pour ce pays de 130 millions d’âme, à la population vieillissante, avec des villes d’une extrême densité.
Les études in vitro ont montré pour le peptidoglycane (PG) de B.subtilis une réduction virale d’un facteur supérieur à 10 000 sur le CoV de 2003, à comparer à des études sur l’invermectine affichant un facteur 5000 sur le CoV de 2019. Il serait donc utile de tester le peptidoglycane de Bacillus subtilis sur le SARS-CoV-2 ainsi que les interactions entre cette souche bactérienne et le coronavirus. Si cette bactérie a un effet antiviral préventif, en disposer à la saison hivernale prochaine pourrait être d’une grande utilité. Les Japonais ont sans doute lancé des études sur d’éventuelles corrélations entre la gravité du Covid-19 et la présence de la souche B. subtilis dans l’alimentation.
7-d) Le tropisme viral, un problème complexe dépassant notre compréhension. Il ne fait aucun doute que l’infection suivie de l’affection consécutive à l’entrée d’un virus est déterminée par l’état du patient et la configuration de ses défenses immunitaires. La recherche sur le Covid-19 doit être éclairée par les connaissances du d’autres souches et notamment les grippes A. La réponse du patient repose sur la première étape de détection du virus. Puis sur l’activation des réponses pouvant être ajustées ou s’emballer. L’activation de l’immunité innée est déjà bien complexe. Elle repose sur cette protéine centrale qu’est la lectine MBL. Une déficience de cette protéine altère la réponse antivirale, autant qu’une suréaction qui produit des dégâts et l’emballement des cascades inflammatoires.
Une revue récente a fait le point sur un lien possible entre la sévérité de la grippe et la présence de groupements glycosyl sur les deux protéines de surface, HA (hémagglutinine) et NA (neuraminidase), expliquant entre autres comment les grippes, A(H1N1) de 1918, A(H2N2) de 1957 et A(H3N2) furent virulentes. HA et NA étaient faiblement glycosylées contrairement à ce qu’on trouve pour des souches moins sévères (York, 2018). Ce papier indique également que la réponse innée est déterminante pour la gravité de l’affection et c’est cette piste qu’il faut explorer pour le Covid-19 (§6) ; sans oublier que la voie du complément ne peut pas être considérée comme indépendante de la voie adaptative mobilisant les cellules T et B. De plus, remarquons que pour la grippe, comme du reste pour le Covid, les surfactines sont déterminantes au niveau des cellules épithéliales pulmonaires, elles façonnent un film moléculaire utile à la mécanique pulmonaire. On les trouve chez nombre de mammifères. Enfin, si les surfactines interfèrent avec la réponse immunitaire des souris, ces molécules ont un effet plus obscur chez le furet qui reste le modèle animal de référence pour modéliser les infections grippales humaines (York, 2018).
L’influence de la glycolysation dans le développement de la grippe n’est pas parfaitement connue. Elle joue sur deux leviers, l’infection des cellules hôtes par les virions (via liaison membranaire et fusion) et la reconnaissance immunitaire par les cellules T et les composants du complément (PAMPS). La glycolysation de HA aurait comme effet de modifier le tropisme grippal, le rendant moins agressif et le faisant migrer des voies respiratoires inférieures vers les supérieures. Ces considérations ne peuvent être transposées au SARS-CoV-2. La protéine S est susceptible d’être N-glycosylée sur 22 sites pour chaque monomère, ce qui fait 66 sites potentiels pour le trimère actif dans la liaison au récepteur des cellules hôtes (Watanabe, 2020) ; or ce virus s’est avéré très agressifs, du moins dans la seconde partie de son périple infectieux (Se serait-il déglycosylé en route ? Une hypothèse, rien qu’une hypothèse)
La glycosylation des protéines de surface est donc un élément déterminant dans le tropisme viral, l’agressivité d’un virus et les défenses immunitaires de l’hôte, sans que l’on puisse savoir dans quel sens penche l’effet des sucres. A titre de comparaison, la protéine S du SRAS premier possède 23 sites potentiels de glycolysation dont 12 sont effectivement occupés par des polysaccharides enrichis en mannose, un sucre apparemment important dans la communication entre les différentes parties du jeu viral et immunitaire, sans oublier les bactéries qui elles aussi, communiquent avec les virions et les cellules eucaryotes de l’hôte, pour le meilleur et pour le pire. Cet article contient dans le texte 155 occurrences du radical « glysosyl » ; c’est dire si ce mécanisme est important dans la mécanique virale : « Therefore, glycosylation of coronavirus receptors contributes significantly to the host tropism of coronavirus infection, although additional sequence and structural determinants of S protein are also involved » (To, 2018). D’autres modifications post-traductionnelles ont aussi une importance.
7-e) Propositions thérapeutiques. Le paradigme de la synergie virus et bactérie se confirme et devient la règle pour comprendre les infections virales. Les bactéries sont capables de collaborer avec l’hôte pour se défendre contre les virus ou à l’inverse, de jouer le jeu du virus et d’aggraver l’infection. C’est sans doute ce qui se passe pour les deux SARS-CoV et le MERS. Sans oublier d’autres virus dont le HIV. Ces virus possédant alors un tropisme inflammatoire, aigu dans les syndromes respiratoires ou chroniques pour HIV et d’autres virus produisant un fond inflammatoire durable comme le lupus, maladie auto-immune pour laquelle un virus est soupçonné.
Une voie thérapeutique inédite se dessine. Elle n’a pas été envisagée parce que la plupart des cliniciens en sont restés au paradigme d’une infection virale, autrement dit, une infectiologie qui retarde de dix ans. L’étude que je viens de réaliser suggère de nouveaux essais thérapeutiques au stade 1 et début de stade 2. Avec des traitements associant la souche bactérienne CU1 possédant peut-être des propriétés antivirales (liées à l’antibiotique qu’elle sécrète) et un antibiotique à choisir dans la pharmacopée antibactérienne, l’azythromycine ou bien une autre spécialité, par exemple l’amoxicilline ou d’autres, à voir. L’objectif étant d’utiliser les bactéries qui combattent le virus et d’éliminer si possible les bactéries pouvant renforcer l’infection virale du SARS-CoV-2 dans les voies entériques et respiratoires. Ce traitement doit être administré dès le début des symptômes et pour les sujets testés positifs, dès le résultat des tests. Il ne faut pas négliger toute la panoplie des antibiotiques pouvant être employés pour ralentir les tropismes infectieux en sachant que l’effet de ces antibactériens se dessine sur trois plans, d’une part une action contre d’éventuelle bactéries commensales pouvant faciliter la progression virale, dans les voies entériques et respiratoires, d’autre part un effet antiviral comme c’est le cas des surfactines et peut-être d’autres molécules capables d’interférer avec les virions aux enveloppes glycosylées et enfin une action sur les processus immunitaires pouvant atténuer l’inflammation, par exemple en jouant sur les mécanismes impliquant les lectines.
Un dernier mot pour conclure, prudence. Il ne faut pas s’attendre à des miracles. Il existe des pistes dont l’efficacité ne sera prouvée que si l’on tente les essais. La prudence incite à espérer dans ces thérapies antibactériennes un effet modérateur. Diminuer de moitié le nombre d’infectés admis en urgences serait déjà un résultat remarquable. Après, on peut espérer encore mieux. Facteur 3, 4 et pourquoi pas 5 et plus ?
7-f) La recherche scientifique. Quand des éléments nouveaux apparaissent, il faut modifier la stratégie de recherche et pour le Covid-19 et surtout ne pas tout miser sur les antiviraux et les vaccins qui mobilisent des moyens financiers considérables pour des résultats bien incertains. Un nouveau paradigme s’est dessiné, il faut travailler sur les pistes qu’il permet d’entrevoir. Einstein savait que la théorie décide de ce qui est observable. Un paradigme décide de la voie dans laquelle il faut chercher. C’est un choix stratégique. Les modèles consensuels permettent d’avancer dans une clarté évidente en sachant où l’on met ses tubes et appareils de détection pour des résultats exacts et calibrés par les normes. Les nouveaux modèles sont plus incertains, traversés par les zones d’ombres mais quand le succès se dessine, une plus grande clarté se produit. Le SARS-CoV-2 pourrait servir de levier pour d’habiles théoriciens capables de mettre ensemble toutes les pièces de cet infernal puzzle pour développer un nouveau paradigme sur les infections virales dont la complexité dépasse pour l’instant l’entendement scientifique.
Le Covid-19 et les sciences du vivant imposent de chercher en plaçant l’information moléculaire et cellulaire au centre du nouveau paradigme (Dugué, 2017). Les émergences complexes reposent sur des communications, des champs et des réponses produites par les composants agissant dans le temps, conduisant vers le chaos ou l’ordre (Dugué, 2018).
Références
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