Orange se débarrasserait-il de ses « petits clients » ?
La téléphonie mobile est source de très forts profits pour les opérateurs, dont les pratiques commerciales sont souvent limites voire parfois illégales. Orange a trouvé un nouveau et excellent moyen de se débarrasser de ses petits clients qui ne lui rapportent pas grand-chose, en oubliant de les prévenir de l’échéance de leur forfait. Explications.
Les opérateurs de téléphonie mobile ont pendant des années tout mis en œuvre pour limiter une éventuelle concurrence qui leur serait peu profitable. Le prix des cartes prépayés est très voisin d’un opérateur à l’autre, voire identique. Il est également très difficile de comparer les offres de téléphonie, surtout si l’on inclut aux forfaits le coût des appareils proposés en promotion, et dont les caractéristiques varient selon l’opérateur. Si cette pratique est légale, certaines autres ne le sont pas, telles la mise sur pied d’ententes commerciales systématiques, avérées et punies par décision de justice d’une amende « record » de plus de 500 millions d’euros en 2005. Les clients de ses fournisseurs qui ont pâti de ces pratiques ont été les dindons de la farce, puisque peu ont demande ou pourront récupérer les sommes indument versés.
Revenus vers des procédés plus légaux, l’opérateur Orange semble avoir mis sur pied une astucieuse procédure pour se débarrasser maintenant de ses « petits clients ». Entendez par là ceux qui téléphonent peu, et utilisent des cartes prépayées essentiellement pour être appelés ou pouvoir prévenir des secours en cas d’urgence, en promenade ou sur la route.
Plusieurs titulaires de ce type de carte ont eu la désagréable et récente surprise de trouver leur portable déconnecté du réseau. La raison en est simple. Depuis des années, Orange prévenaient ses clients de l’arrivée à échéance de leur abonnement par mail sur le site Orange, et par SMS sur le portable concerné. Depuis quelques mois, la notification par mail semblait avoir disparu. Récemment, c’est l’information par SMS qui a été supprimée. Résultat : arrivé à l’échéance de l’abonnement, la ligne est perdue. Le témoignage de Pierre est édifiant : « Je retrouve un matin mon portable affichant la mention : échec inscription carte SIM. Impossible de consulter le message, perte de la tonalité. Je contacte le service après vente d’Orange qui me répond que la date de validité de la carte est passée. Je fais remarquer que j’aurais dû recevoir un message mail et au moins un SMS avant la résiliation, comme à l’habitude. Le service après vente me répond qu’Orange ne le fait plus. Ne voulant pas accabler l’opératrice qui n’y pouvait rien, je demande à parler au responsable du service après vente. L’opératrice refuse : nous ne pouvons plus transférer les appels vers le responsable. Je demande alors comment récupérer mon numéro. Impossible, dit-elle il a été réattribué hier ! Vérification faite en appelant mon numéro dans l’heure qui suit, je m’aperçois qu’il n’a pas été réattribué et que le service après vente d’Orange, non content d’usurper le terme de service, m’a caché la vérité... Lamentable mais probablement caractéristique du peu d’intérêt que cette entreprise porte à des clients comme moi ».
Plusieurs témoignages concordant rapportent des faits identiques. Pour en savoir plus, j’ai demandé à Michel et Patrick, ingénieurs chez France-Telecom et Bouygues, respectivement, ce qu’ils pensaient de cette histoire. Réponses franches de ces cadres techniques, globalement peu admiratifs des pratiques commerciales de leurs employeurs : « les consommateurs qui achètent des cartes prépayées n’intéressent que peu les entreprises de téléphonie mobile. Beaucoup utilisent des portables anciens, dont les batteries et la conception sont plus robustes que celles des nouveaux portables. Ils ne changent pas souvent de téléphone portable, et on ne peut donc profiter de leur volonté de changement pour leur proposer des engagements de contrat de 24 mois. Ces clients envoient aussi pas ou très peu de MMS, n’utilisent pas la 3G, et ne « dépassent » par définition jamais leur forfait. Ils ne consomment rien tout en mobilisant un numéro de ligne et les installations qui permettent à leur téléphone de fonctionner. En bref, ils payent très peu pour le service rendu ; ils sont, en quelque sorte, trop astucieux... »
On comprend alors tout l‘intérêt qu’un opérateur de téléphonie mobile a à se débarrasser d’un client qui dépense 20 ou 25 euros en carte prépayée pendant 6 mois, soit 4 euros par mois. Cet intérêt est de pouvoir réutiliser la ligne ainsi « libérée » pour l’associer à un forfait téléphonique de 20 à 50 euros par mois (hors dépassement)... La légèreté de la procédure de récupération des lignes associées aux téléphones fonctionnant par cartes prépayées, les conséquences de la perte d’un numéro sont deux éléments qui ne pèsent visiblement pas grand-chose en regard des espoirs de profits réalisés lors de l’opération. L’engagement de qualité d’Orange vis-à-vis de ses consommateurs semble parfois bien loin...
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