Ötzi, l’ADN a parlé
L'ADN d' Ötzi, ce corps momifié retrouvé en 1991, a été séquencé (en partie) et on a pu déterminer l'haplogroupe du chromosome Y. Cet homme s'avère être de l'haplogroupe G2a2b défini par le marqueur SNP L91. Qu'est-ce que cela nous apprend ?
Ce n'est pas la première fois que la paléogénétique identifie un européen paléolithique comme étant de l'haplogroupe G . La plupart des squelettes néolithiques analysés à ce jour ont été trouvés de cet haplogroupe G . La situation est surprenante car cet haplogroupe G est tout à fait minoritaire en Europe aujourd’hui, sauf en quelques localisations comme en Corse du sud et en Sardaigne qui peuvent apparaître comme des zones refuges – voir carte :
Sans rentrer dans trop de détails il faut quand même préciser qu’une carte globale pour G mêle 2 branches bien distinctes G1 et G2 . Les G1 sont extérieurs à l’Europe et occupent aujourd’hui les hauts plateaux d’Iran, mais la concentration visible au Portugal représente le lègue Avares et peut être en quelques autres localisations. La zone qui nous occupe concerne les Alpes ; on peut penser que les plus hautes densités visibles là et en Italie centrale ont formé un seul domaine qui fut ensuite disjoint. Il faut insister sur les densités en général assez basses, en moyenne environ 3% de la population.
Cet article veut, à la fois se pencher sur les origines d’ Ötzi et faire le point sur les hypothèses concernant ce groupe G et le peuplement de l’Europe. On aura noté les fortes densités visibles dans le Caucase, notamment chez les Ossètes. Certains ont voulu y voir l’origine de vagues de migrations. Ces migrations ont eu lieu aussi vers le sous continent Indien où on retrouve d’assez proches cousins des populations européennes. Néanmoins, une analyse plus poussée montre que la majorité des Européens G2 sont G2a3b1a2-L497, un groupe spécifique de l’Europe. Voici un tableau pour situer les groupes et les relations :
Le groupe G2a2b auquel appartient Ötzi est actuellement inconnu sur le continent et on ne le trouve qu’en Sardaigne. La concentration G en Grèce (voir carte – ci-dessus) est G2a3a alors que le groupe principal en Europe est dérivé de G2a3b1 (marqueur P303). Ce sont des G2a3b1 qu’on trouve aussi en Inde (et aussi, pour partie, dans le Caucase). L’évolution en G2a3b1a1 (marqueur U1) et G2a3b1a2 (marqueur L497) semble particulière à l’Europe mais des cas isolés ont été identifiés hors Europe. Les groupes de type G2a1 sont Circassiens pour l’essentiel.
Dans le cas d’ Ötzi nous disposons d’une datation indépendante des estimations de la génétique et on nous dit qu’ Ötzi a vécu il y a 5400 ans (3400 avant JC). Pour situer, les premières traces de travail du cuivre en Europe (justement dans les Alpes) sont datées de 3700 avant JC. C’est nettement postérieur aux artefacts connus au moyen orient mais cela correspond à une seconde phase de la métallurgie du Cuivre, à la technologie améliorée qui annonce les débuts du bronze. Vous trouverez souvent que la métallurgie est nettement postérieure en Europe à ce qui s’est fait au moyen orient. A partir de cette phase, ce n’est vrai que pour l’extension, les zones sont restreintes en Europe et ne s’étendent que difficilement jusqu’à l’avènement du bronze. Si j’ai insisté sur le cuivre c’est que, justement, Ötzi était porteur d’une hache en cuivre ; la lame est en cuivre, une vraie rareté à l’époque, et son assaillant ne lui a pas pris cette hache.
Que dit la génétique, concernant la datation des groupes G en Europe ? L’analyse des G2a3b1a qui forment, de loin, le groupe le plus important, les densités dans les Alpes et en Italie étant largement attribuables à ces G2a3b1a, montre un groupe sans doute ancien mais les densités plus importantes s’expliquent par une phase d’expansion environ 1200 av JC, précédée d’une autre phase d’expansion vers 3800 av JC. En fait, ces dates semblent légèrement biaisées ; des dates plus récentes de 300 ans dans la marge d’erreur donnent une image plus cohérente. Pour faire court, on aurait eu un groupe néolithique dont un sous groupe a acquis très anciennement pour l’Europe la métallurgie (cuivre) vers 3400 av. JC, un prolongement de ce groupe donnera la culture de Villanova (à partir de 1100 av. JC), elle-même à l’origine des Etrusques. L’extension romaine a véhiculé en partie ce groupe G en Europe.
Le groupe antagoniste qui expliquerait l’absence de G dans la plaine du Pô est sans doute le groupe dit de Remedello, célèbre pour ses poignards en Cuivre. Il y aurait eu conflit entre 2 cultures du Chalcolithique.
Pour revenir à notre Ötzi, il décède dans la première phase d’expansion. L’historique qui précède suggère que le groupe avait des voisins peu enclins au développement de ces fondeurs de cuivre. Le groupe G2a2b n’a pas survécu, semble-t-il dans cette région. Impossible de dire si les G2a3b1a rescapés ont fait partie des rivaux. L’ADN mitochondrial, qui suit la lignée par les femmes a aussi été séquencé et Ötzi est de l’haplogroupe mitochondrial K1, connu par 3 lignées dans les Alpes mais la lignée particulière d’ Ötzi est inconnue par ailleurs. Les débuts du cuivre en Europe ont donc été chaotiques. Ce sont surtout les Campaniformes qui vont diffuser plus tard leurs poignards en cuivre et cette diffusion (très discutée) semble partir du Portugal, un peu comme si la piste Italienne avait été une tentative sans lendemain, en tous cas sans progression continue. On peut considérer le développement ultérieur de G en Italie comme une spécificité issue, sans doute, d’une culture cousine de celle d’ Ötzi.
C’est un cas de remplacement de populations. Nous avons suivi des populations G mais déjà la culture de Remedello, et plus tard celle des Campaniformes, représente, sans doute, les débuts du groupe R1b dont descendent aujourd’hui plus de la moitié des hommes d’Europe de l’ouest.
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