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Accueil du site > Actualités > Technologies > Présentation du livre « Le théorème du jardin » de Christian (...)

Présentation du livre « Le théorème du jardin » de Christian Magnan

Les recherches de la cosmologie ont toujours retenti sur l'ensemble des sciences. Le livre présenté ici pose des questions qui devraient tous nous concerner, même si elles paraissent lointaines au regard de la méga-crise économique et politique actuelle.

Le théorème du jardin
par Christian Magnan

amds.édition 2011
présentation et commentaires par Jean-Paul Baquiast 23/11/2011
article à discuter
 
 
 
 
 
 
 
 
Pour en savoir plus
 
Page Wikipedia http://fr.wikipedia.org/wiki/Christian_Magnan
 Pages de Christian Magnan http://www.lacosmo.com/
 Présentation du livre sur le site de l'auteur http://www.lacosmo.com/letheoremedujardin.html
On trouve sur les deux derniers sites de nombreux documents qui complètent et illustrent le livre, notamment sous la forme de galeries d'images. Leur consultation s'impose absolument, pour remédier à l'austérité d'un texte qui, pour des raisons d'économie bien compréhensibles, ne fait pas appel aux illustrations ou schémas. .

Voir aussi notre article en date du 20 septembre 2006, toujours d'actualité. Les cosmologistes sont-ils des menteurs ? Pour mieux connaître l'astrophysicien Christian Magnan http://www.automatesintelligents.com/echanges/2006/nov/cosmologie.html
 
 

La comète McNaught au crépuscule en janvier 2007. Photo Guillaume Cannat

Mise en garde. Disclaimer
 
Nous avons soumis, comme il se doit, cet article à l'auteur du « Théorème du jardin ». Il a bien voulu nous adresser la réponse suivante :
" Christian Magnan a pris connaissance de ce texte et, tout en remerciant
J.P. Baquiast de son travail et de son intérêt, émet des réserves sur la façon dont sa pensée est traduite. Il estime que son argumentation est souvent déformée, même si dans l'ensemble les conclusions restent en gros préservées. Il ne valide donc pas ce que ce texte "lui fait dire", demandant au lecteur éventuel de retourner au texte du livre.
Il regrette en outre que des points centraux de son livre, comme celui consacré à la démonstration de la fausseté de l'affirmation selon laquelle l'Univers aurait été réglé de façon infiniment précise au Big Bang, soient ignorés par le compte-rendu.

Enfin il s'étonne que nulle part ne soit mentionné LE sujet du livre, à savoir le modèle d'univers de Friedmann, lequel constitue pourtant la base de la discussion des sujets traités et l'achèvement de notre connaissance du monde.
 

Le nouveau livre de l'astrophysicien Christian Magnan nous paraît remarquable, comme l'est à notre avis son oeuvre toute entière. Précisons d'emblée que ce jugement, comme tous ceux qui vont suivre, nous sont personnels. D'autres membres de la communauté scientifique concernée, sans remettre en cause les arguments scientifiques qu'il évoque, sont très partagés en ce qui concerne les interprétations qu'il en donne. Nous excluons évidemment les critiques venant des scientifiques d'inspiration spiritualiste. Ils sont par définition opposés aux points de vue présentés par Christian Magnan puisque celui-ci ne fait pas appel à une divinité ou un esprit extérieur qui serait responsable de l'organisation de l'univers et qui serait invoqué pour apporter des réponses non scientifiques aux problèmes que la science reconnaît ne pas pouvoir résoudre. Mais, même au sein des astronomes et astrophysiciens se disant matérialistes, il en est un grand nombre qui ne partagent pas les jugements qu'il porte sur les méthodes et possibilités de la science. Il s'agit d'un point fondamental, dont la discussion fera l'essentiel de cet article.
 
Avant d'aborder ces questions, indiquons à toute personne intéressée par l'astronomie, son histoire et ses perspectives que « Le théorème du jardin » constitue une lecture indispensable. Les ouvrages de vulgarisation abondent sur ce thème très populaire, les actualités scientifiques apportent quotidiennement de nouveaux éléments d'information et de réflexion. Cependant il nous semble que l'on puisse donner à ce livre (et au blog qui l'accompagne) une place privilégiée. Il ne se borne pas à présenter des faits d'observations ou des commentaires que les chroniqueurs scientifiques reprennent d'articles en articles. Il apporte concernant notamment l'histoire des principales découvertes, des détails et des interprétations qui manquent généralement aux travaux de vulgarisation. Certains de ses propos nécessitent d'ailleurs pour être bien compris un minimum de connaissances mathématiques. Il ne s'agit pas à nos yeux d'une critique. L'auteur fait montre ainsi de l'estime dans laquelle il tient ses lecteurs.
 
Ce faisant, au long des 3 premiers chapitres, il laisse apparaître la critique fondamentale des méthodes et conclusions de la cosmologie moderne qui font son originalité et qui vraisemblablement suscite l'agacement sinon l'hostilité de ses confrères. Cette critique prend toute sa portée dans les deux derniers chapitres, « L'Univers est-il fait pour l'homme ? » et « Les dérives de la cosmologie moderne » qui nous intéressent plus particulièrement et que nous allons commenter ici.
 
L'univers est-il fait pour l'homme ? Les cerveaux humains peuvent-ils comprendre l'univers ?
 
Définissons l'astronomie comme la science des objets célestes et l'astrophysique comme l'étude de ces derniers au regard des processus physiques dont ils sont le résultat ou l'illustration. Les deux approches se complètent aujourd'hui. Il faut rappeler cependant que l'astronomie, étude du ciel et des astres, est apparue sous forme empirique au sein des premières sociétés humaines. Plus généralement, toutes les espèces vivantes, sauf celles vivant dans l'obscurité intégrale, se sont adaptées aux rythmes astronomiques. Un certain nombre d'entre elles, par exemple les oiseaux migrateurs, utilisent des repères célestes avec une précision proche semble-t-il de celle de nos premiers GPS.
 
Il serait donc irresponsable, au prétexte des crises économiques, financières, environnementales contemporaines, de cesser de s'intéresser aux sciences du ciel. D'une part celles-ci sont de plus en plus utilisées par les politiques spatiales civiles et de défense, d'autre part et surtout, comme le montre parfaitement le livre de Christian Magnan, elles continuent à inspirer l'imaginaire et par conséquent les comportements des sociétés actuelles. Bien plus, elles fournissent l'arrière-plan indispensable à toute réflexion de type philosophique sur l'avenir de la vie, de l'homme et de l'intelligence. Elles retentissent donc sur l'existence de chacun d'entre nous. Mais elles véhiculent aussi beaucoup de non-sens et d'inexactitudes, souvent avec l'assentiment sinon la complicité des scientifiques concernés eux-mêmes. Une partie de la mission que s'est assignée Christian Magnan est de mettre ces errements en évidence.
 
Or Christian Magnan montre avec une grande clarté qu'un grand mythe, inspirant non seulement les religions mais aussi les politiques publiques, n'a pas de fondements scientifiques. Il s'agit de celui selon lequel l'univers serait d'une certain façon organisé pour que les sociétés humaines s'y déploient. Une des conséquences de ce mythe serait que l'univers pourrait, aujourd'hui ou demain, devenir compréhensible par les cerveaux humains. L'expérience tend à prouver le contraire. Une grande partie du livre, évoquant des faits d'observations semble-t-il incontestables, montre que les régularités ou lois que la science pensent pouvoir détecter dans l'univers ne résultent que d'observations ou de généralisations sommaires.
 
Dans le détail, les processus physiques de toutes natures, à l'oeuvre depuis le Big bang, sont essentiellement turbulents, chaotiques et par conséquent imprévisibles. Aucun astre d'ailleurs ne ressemble à un autre. L'univers est indescriptible par les modèles que nos cerveaux et notre science ont élaboré pour l'étudier. Ceci veut dire que le principe anthropique constamment évoqué par les religions pour mettre en évidence la « main de Dieu » dans la création n'a pas de valeur scientifique. Il en est de même de l'harmonie et la beauté que beaucoup d'astrophysiciens spiritualistes, comme Trinh Xuan Thuan croient pouvoir y détecter. Voir à ce sujet notre présentation du livre récent de celui-ci. 2)
 
Si l'univers est globalement indescriptible, cela signifie-t-il que les cerveaux humains doivent renoncer à le comprendre en profondeur ?. Si nous suivions Christian Magnan dans cette voie, devrions nous en conclure que, pour la première fois dans l'histoire de la science, l'astronomie devrait baisser les bras ?. On objectera que si ce postulat avait été évoqué dans les siècles précédents, elle en serait restée au mieux à l'astrolabe.
 
Mais les arguments avancés par l'auteur sont très forts. Nous ne les reprendrons pas ici. Encore une fois, une lecture approfondie de son livre s'impose. Il en est un autre fourni par les cogniticiens évolutionnistes : le cerveau et les cultures humaines se sont développées pour répondre aux exigences de la survie dans un milieu donné, autrement dit un milieu relativement descriptible par l'interaction entre les éléments de ce milieu et les organes sensoriels ou cérébraux. Si cette interaction devenait impossible au delà d'une certaine échelle de temps et de lieux, le cerveau et les concepts construits par lui deviendraient inutilisables. Mieux vaudrait en prendre acte que s'acharner. Les moyens consacrés à tenter de comprendre l'incompréhensible seraient mieux utilisés s'ils servaient à comprendre le compréhensible.
 
Cependant, l'incompréhensible d'aujourd'hui ne sera-t-il pas le compréhensible de demain ? Christian Magnan semble évoquer à cet égard ce que l'on pourrait appeler une frontière de connaissance qui serait fondamentalement infranchissable. Mais comment préjuger de l'avenir ? Comment affirmer que de nouveaux instruments, voire de nouvelles organisations cérébrales (résultant par exemple d'une symbiose entre des cerveaux vivants et des systèmes d'intelligence artificielle) ne pourraient pas étendre le domaine du compréhensible ? Christian Magnan, sans évacuer totalement cette hypothèse, répond à cela, si nous le comprenons bien, d'une façon qui surprendra. En fait, selon lui, aujourd'hui, nous connaissons déjà de l'univers, globalement (c'est-à-dire à l'exclusion de multiples détails locaux), tout ce que nous pourrons jamais savoir. Le reste nous échappera toujours, parce que les explorations dans le temps et dans l'espace dont nous aurions besoin pour répondre à des questions se situant au delà de nos moyens instrumentaux et aussi mentaux sont définitivement interdites à des terriens.
 
Pour lui – et en tant que matérialiste nous le suivons tout-à-fait - la science si elle veut rester scientifique doit reconnaître ses limites. Si elle ne le fait pas, elle laisse parler à sa place toutes les pseudo-sciences et mythologies qui tout en se prétendant scientifiques, fournissent des réponses relevant de l'imaginaire pur ou pire, de l'escroquerie intellectuelle.
 
Sans aller jusqu'à dire que les grands phénomènes cosmiques seront à jamais incompréhensibles par la science, Christian Magnan donne beaucoup d'exemples ou celle-ci, aujourd'hui, malgré d'ailleurs les prétentions de certains, n'apporte pas de réponses. Citons par exemple les conditions dans lesquelles les nuages interstellaires se condensent en galaxies et/ou en astres. Ce processus qui s'exerça à la naissance de l'univers se répète constamment aujourd'hui, sans qu'il soit clairement compris.
Mais le doute concernant la capacité du cerveau à résoudre, et même à poser les grandes questions concernant l'univers rejoint une interrogation multimillénaire beaucoup plus vaste ; comment l'univers (l'espace-temps) est-il apparu ? Existe-t-il un au delà ou un infra à celui-ci ? Certes, le calcul, comme nous l'avons rappelé, peut proposer des hypothèses. Mais tant que celles-ci ne sont pas vérifiables – ce qui est le cas de la plupart d'entre elles - mieux vaudrait ne pas leur consacrer trop de temps.
 
La présente discussion se situe ici dans le domaine du macroscopique, plus exactement du macroscopique à dimension cosmologique. Christian Magnan se refuse à étendre ses réflexions à la physique subatomique, autrement dit au monde dit microscopique ou quantique. Mais des questions voisines pourraient être posées. Il en est ainsi des limites de la connaissance. Le cerveau humain pourra-t-il jamais comprendre le monde quantique – autrement que par l'intermédiaire d'approches à grande échelle faisant appel aux probabilités. On sait que Feynman avait affirmé que ce ne serait jamais possible. Or les phénomènes ultimes envisagés par la cosmologie, Big bang, trous noirs, Big crunch, supposent des interprétations inspirées de la mécanique quantique. L'incompréhension s'attachant à celle-ci s'étend à celle qui accompagne la cosmologie. Nous pensons qu'il existe une continuité dans la nature. Même si celle-ci n'appelle pas partout des descriptions de mêmeordre, il paraît difficile d'isoler des domaines en fonction de leur échelle.
 
Régulièrement de nos jours, les physiciens formulent des hypothèses ou même proposent des expériences qui intéresseraient autant la cosmologie que la physique quantique. Citons deux récents articles dans Nature, l'un selon lequel la fonction d'onde pourrait avoir une réalité physique 3)et l'autre selon lequel les fluctuations du supposé vide quantique pourrait faire émerger des électrons 4) .Ces hypothèses pourraient semble-t-il intéresser les conjectures relatives à l'apparrion de l'univers. Encore faudrait-il, évidemment, qu'elles soient vérifiées expérimentalement. C'est loin d'être le cas, concernant notamment la première.
 
Une communauté d'approche entre la physique quantique et la cosmologie rendrait particulièrement opportune, selon nous, l'extension à cette dernière de la Méthode de Conceptualisation Relativisée de Mme Mugur-Schachter, extension que nous recommandons par ailleurs. Il s'agit de la vaste question du "réalisme" en science, que nous n'aborderons pas ici. On pourra lire sur ce sujet un de nos article récents ( http://www.admiroutes.asso.fr/larevue/2011/122/mcr.htm).
 
Quittons ce point en évoquant une objection d'ordre logique à l'hypothèse proposée par Christian Magnan, celle selon laquelle le cerveau humain, notre cerveau, devrait admettre ses propres limitations dans la compréhension du monde. Comment un système, quel qu'il soit, pourrait-il sortir de lui-même pour qualifier de l'extérieur ses relations avec son environnement ? Comment pourrait-il, en particulier reconnaître ses incompétences ? Répondons provisoirement que, aussi longtemps que le système émet des messages de blocage interne, il serait raisonnable d'en tenir compte et ne pas lui demander de dépasser les non possumus qu'il signale lui-même à son utilisateur.
Qu'est ce que la science ?

Christian Magnan donne de celle-ci une définition tout à fait orthodoxe, en conformité avec les grands postulats de l'épistémologie des Lumières : il n'est de science que lorsque les hypothèses sont validées ou à défaut validables par les expériences, autrement dit non falsifiées ou à défaut falsifiables, selon la terminologie de Karl Popper. En pratique, toutes les disciplines respectent ces postulats. Si elles s'en écartent, on leur reproche à juste titre de faire du roman ou, pire, de tromper sciemment le public en affirmant de pseudos vérités.
Un de nos lecteurs (Jean Villeroux, ancien du CEA) a repris cette définition en des termes très élégants :

« Sur la question de la cosmologie considérée comme une science, je me permettrais les commentaires suivants.
1 - L’univers fait ce qu’il « veut » et nous ne sommes que des spectateurs qui essayons de comprendre avec les outils de notre intelligence ses mécanismes. La science me semble donc simplement une modélisation de l'univers qui doit être confrontée avec la réalité pour être validée. Nos certitudes scientifiques ne sont que provisoires car elles peuvent être mises en échec par de nouvelles observations ou le résultat d’observations faites à l’aide de nouvelles expériences. Les nouvelles théories sont de nouveaux modèles à valider, la validation me semblant être la partie le plus importante de la démarche. Un modèle sans validation est peut être un exercice intellectuel excitant pour son auteur, mais pour lui seul ou ses adeptes.

2 - Toutes les théories ne sont que des modèles de notre environnement élaborés par notre intelligence pour au moins dans un premier temps l’utiliser dans notre intérêt ou au mieux éviter ses inconvénients. La réalité est ce qu’elle est, les modèles sont ce qu’ils sont. Tous les modèles compte tenu de leur complexité ont leur domaine de validité. On peut s’interroger sur les raisons qui font que l’intelligence humaine cherche à modéliser au delà de ce qui est simplement une bonne exploitation de son environnement mais c’est peut être ce qui fait le moteur (peu partagé) du progrès de l’humanité. Les mathématiques sont effectivement une science puisqu’elles comportent à priori la définition formelle d’un mécanisme pour distinguer le vrai du faux. Gödel a cependant introduit une nuance intéressante qui, malgré la rigueur de l’instrument, montre qu’il existe de l’incertitude. Leur utilisation pour construire des modèles est une aide dans la rigueur de la démarche, mai il me semble que la validation ne peut être qu’expérimentale. L’usage des mathématiques pour construire des modèles et tirer de la rigueur de mathématique une justification absolue de ceux-ci est une escroquerie hélas très répandue dans le domaine financier. « 

Or la cosmologie, depuis quelques décennies, s'est affranchie de cette limitation. Des théoriciens, au prétexte des l'impossibilité pratique d'observer, tenant aux insuffisances temporaires ou définitives de l'instrumentation, ont inventé des modèles susceptibles de répondre à certaines des questions non résolues. Ces hypothèses sont ou risquent de rester à jamais invérifiables. Christian Magnan s'est isolé de la très grande majorité de ses collègues en se refusant pour son compte à cette facilité. De ce fait d'ailleurs, il se coupe de la possibilité de parler à l'imagination du grand public. Pour celui-ci en effet, peu importe qu'une hypothèse soit invérifiable si elle excite l'imagination ou si elle soutient une mythologie à la recherche d'esprits à conquérir.
il a depuis longtemps refusé ainsi de reconnaître comme véritablement scientifiques des hypothèses, a tort baptisé de théories, telles que celles inspirant la théorie des cordes, les supputations relatives au multivers ou même celles posant que l'univers puisse être infini. Les auteurs de ces hypothèses s'appuient sur les ressources des outils mathématiques décuplées par les possibilités de l'informatique. Mais pour lui, cela ne suffit pas à donner un caractère scientifique à ces travaux scientifiques, malgré les dizaines de millions de $ qui s'y engloutissent. D'une part les hypothèses restent dans l'ensemble invérifiables et d'autre part, rien ne permet d'affirmer que l'univers obéisse à des règles mathématiques. Celles ci, rappelle-t-il, sont propres à l'organisation neuronales des humains et ne se retrouvent pas dans la nature, sauf à simplifier outrageusement les observations. De plus, le propre de l'incompréhensibilité fondamentale du cosmos, selon lui, est qu'il ne paraît pas respecter de règles uniformes. Au contraire, comme nous l'avons indiqué, il est désordonné, quelle que soit l'échelle à laquelle on l'observe.
 
Christian Magnan étend son refus des modèles théoriques invérifiables à des affirmations faisant depuis quelques années les délices des magazines de vulgarisation. Il s'agit de la matière noire ou masse manquante, qui serait nécessaire à la cohésion gravitationnelle des galaxies ou de l'énergie noire qui serait responsable d'une expansion exponentielle de l'univers, prétendument observée. Or pour lui, ces hypothèses, restées à ce jour invérifiées, sinon invérifiables, sont venues d'erreurs dans les observations. Il affirme preuve à l'appui que l'on connait très mal les galaxies et leurs dynamiques. A plus forte raison connait-on mal les distances des « chandelles cosmologiques » utilisées pour calculer les mouvements des astres par rapport à nous. Faire appel à des données manquantes, en s'appuyant sur force considérations théoriques, permet d'éviter l'effort consistant à préciser les conditions d'observations.5)
 
L'appel à des hypothèses théoriques permettant de simplifier, mathématiser et informatiser les données d'observation vient de loin. C'est ainsi que fut très tôt postulée l'homogénéité à grande échelle de la structure de l'univers et donc des lois proposées pour en rendre compte. Rien au contraire ne permet de transformer de tels postulats en règles générales. De plus en plus d'observations demandent au contraire de réintroduire dans les modèles différentes possibilités d'accidents.
 
La littérature récente évoque par exemple le cas de la gravité, qui semble s''exercer de façon modifiée selon les domaines de l'espace étudiés. Il est trop tôt par ailleurs pour dire si les observations actuelles relatives à ce que l'on a nommé des neutrinos supra-lumineux seront vérifiées. Si cela était le cas, il faudrait revoir une partie de la physique relativiste, peut-être aussi une partie de la physique quantique. Il n'y aurait là rien d'anormal, puisque la priorité devrait être donnée aux observations, si les protocoles de celles-ci étaient validées par la communauté scientifique.
 
On voit donc que des remises en cause de ce que l'on nomme les lois fondamentales de l'univers s'avéreront sans doute nécessaires, au fur et à mesure des progrès apportés par de nouveaux instruments. Cette constatation suffirait à rendre inopérant le principe anthropique fort déjà mentionné selon lequel l'univers aurait été calculé, on ne sait d'ailleurs pas par qui ni comment, pour rendre possible l'apparition de la vie et de l'intelligence. Si ces lois fondamentales devaient être modifiées, par suite d'incohérences observées par de nouveaux instruments, cela montrerait bien le caractère artificiel des modèles scientifiques censés compléter par la théorie l'insuffisance des observations ou l'incapacité de nos cerveaux à rendre compte de celles-ci.
 
Les cosmologistes théoriciens répondront aux objections de Christian Magnan que l'ambition de modèles mathématiques reposant sur des hypothèses aujourd'hui invérifiables peut pousser leurs confrères cosmologistes observationnels à mettre au point de nouveaux instruments ou conditions d'observation qui pourraient faire avancer la connaissance dans son ensemble. Sans doute. C'est d'ailleurs en partie de cette façon qu'ont progressé les sciences dans les disciplines dites dures.
 
Mais il faudrait pour cela raison garder, c'est-à-dire ne faire appel à l'imagination, mathématisée ou pas, qu'àux franges du domaine de l'observable et ceci uniquement pour expliquer des incohérences marginales de celui-ci. Construire par la théorie un multivers cosmologique qui ne sera jamais observable est tout aussi peu scientifique qu'imaginer la présence d'humains dans des astres situés aux limites de l'horizon cosmologique. Nous n'en dirons pas de même du multivers quantique qui, lui, relève du caractère étrange (weird) mais inévitable à ce jour de la physique quantique.
 
Nous pourrions ajouter que le fait d'inventer certaines hypothèses théoriques difficilement vérifiables pour rendre compte de difficultés dans l'explication des observations n'est guère plus scientifique. Christian Magnan ne mentionne pas l'hypothèse de l'inflation , imaginée par Alan Guth pour rendre compte de différents problèmes, dont l'anisotropie du fond de ciel constatée par les satellites observant le rayonnement cosmologique. Aujourd'hui cette hypothèse de l'inflation, que beaucoup de cosmologistes estiment avoir été expérimentalement vérifiée, reste contestée par beaucoup d'autres. Ceux-ci lui reprochent de fournir une solution ad hoc facile évitant d'aborder des problèmes de fond beaucoup plus importants.
 
L'homme est-il seul dans l'univers ?
 
On peut poser la question sous deux formes ; l'homme est-il seul dans l'univers ? La vie n'existe-telle que sur la Terre ? Dans les deux cas, Christian Magnan apporte une réponse affirmative. Il s'appuie pour cela sur des calculs de probabilité, rapprochant le nombre des tirages au sort favorables qui seraient nécessaires pour que la vie, l'intelligence et l'homme apparaissent, et le nombre estimé des exoplanètes présentant les caractéristiques nécessaires à ces apparitions. Il calcule large à cet égard puisqu'il estime le nombre de ces planètes non à l'échelle de la galaxie mais à celle des cent milliards de galaxies supposées constituer l'univers. Mais même en ce cas, les probabilités d'occurrence restent selon lui infimes, sinon nulles.
 
Ces considérations ne découragent pas les observateurs à la recherche de manifestations de vie et d'intelligence extraterrestre (SETI). Jusqu'à présent, ils n'ont rien trouvé. Mais des propos récente font espérer que les progrès dans les technologies de détection pourraient permettre d'étudier des planètes situées à de courtes distances au delà du système solaire 6). On verra ce qu'il en est. La recherche d'extraterrestres, de toutes façons, se poursuivra tant que la science ne l'aura pas radicalement découragée.
 
Mais comment le pourrait-elle ? D'autres arguments, relatifs au fait que nous connaissons mal les conditions d'apparition de la vie biologique ou de formes de vie non biologique soutiennent de telles recherches. On peut penser cependant qu'elles répondent à un désir quasi mystique. Certains scientifiques, ayant renoncé à être accompagnés d'une présence divine, voudraient sans doute de ne pas se croire totalement seuls dans l'univers. Ceci même si la communication physique avec de tels compagnons hypothétiques restait quasi impossible.
 
La question de la solitude de l'homme dans l'univers est abordée en d'autres termes par Christian Magnan. Ceci d'une façon autrement plus urgente. Il considère, comme nos l'avons évoqué plus haut, que la science est désormais enfermée dans des impasses, du fait d'une fuite dans le virtuel et la course à des publications ignorant délibérément la recherche de preuves expérimentales. Elle ne pourrait donc plus engager les investissements nécessaires pour continuer à approfondir l'étude de l'univers – et a fortiori entretenir la recherche d'existences extra-terrestres.
 
Lasciate ogne speranza, voi ch'intrate 
 
Sur ce point, l'enjeu dépasse très largement celui de l'astronomie. Abandonnons donc ici le livre de Christian Magnan pour élargir le regard à l'évolution actuelles des connaissances. Nous développons sur ce site, dans d'autres articles, diverses considérations de nature non directement liées aux sciences astronomiques et astrophysiques. Elles concernent l'avenir des sociétés contemporaines. Toutes ces considérations génèreraient, si on les étudiait sérieusement, un profond pessimisme.
 
En résumant un propos d'ailleurs très répandu, nous dirions que l'humanité, à très court terme, parait engagée dans des voies menant à l'auto-destruction rapide : épuisement des ressources, croissance démographique insupportable, développement des conflits. Ces divers phénomènes paralyseront progressivement les recherches scientifiques, autres que celles supportant des applications militaires et de sécurité. On ne voit pas comment la courbe de dégradation en résultant pourrait s'inverser.
 
Autrement dit, il ne serait pas nécessaire d'attendre quelques milliards d'années et que le Soleil devenu une géante rouge engloutisse la Terre. Les humains se rassurent au regard de la longueur du délai de grâce qui dans ce scénario leur est ainsi accordé. Mais l'échéance pourrait être beaucoup plus proche.
 
Un siècle pourrait suffire pour que l'espèce humaine, accompagnée en cela par de nombreuses autres espèces supérieures, disparaisse de la surface du globe. Il ne faudrait pas compter sur des systèmes robotiques pour prendre le relais. La science, de plus en plus aveugle et handicapée, ne pourrait plus alors offrir la moindre perspective de sortie. Elle serait peut-être même devenue incapable de prévoir le pire, nous entretenant dans un aveuglement factice sur ses propres ressources. On voit au contraire comment proliféreront les religions et sectes prétendant apporter aux humains d'autres consolations que celles permises par la science.
 
Alors la devise que Dante plaçait à la porte de l'Enfer pourrait être reprise par tous ceux s'efforçant, au delà des sentiers battus, d'imaginer l'avenir.
 
Notes
1) Devenue sans objet
2) http://www.automatesintelligents.com/biblionet/2011/sept/cosmos_et_lotus.html
3) http://www.nature.com/news/quantum-theorem-shakes-foundations-1.9392
4) http://www.nature.com/nature/journal/v479/n7373/full/nature10561.html
5) Les lecteurs de la Revue Sciences et Avenir, supposée éviter le sensationnalisme, seront surpris de lire le titre du n° de décembre 2011 : Premiers échos du mondes cachés. Le satellite Planck pourrait détecter des mondes parallèles. Rappelons que celui-ci est en train d'observer avec une meilleure définition l'anisotropie du fonds de ciel. Les observations sont en cours d'analyse. Y voir dès maintenant la trace d'un univers parallèle entrant en collision avec le nôtre paraît relever de l'imagination poétique.
6) http://arxiv.org/abs/1110.6181 Detection Technique for Artificially-Illuminated Objects in the Outer Solar System and Beyond.

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3 réactions à cet article    


  • georges94 29 novembre 2011 15:33

    Bonjour,
    Article intéressant comme toujours et permettant de sortir des certitudes faciles.
    J’ai été particulièrement intéressé par les doutes sur la vitesse d’expansion de l’univers à partir de marqueurs dont on peut éventuellement douter.
    Encore bravo et continuez.
    merci


    • Jean Vladimir 29 novembre 2011 19:09

      Bonjour


        Les aberrations mathématiques des scientifiques actuels les ont amenés à construire un “Grand Collisionneur de Hadrons”, “LHC”, qui, pensaient-ils, “allait enfin leurs apporter la compréhension de l’univers”. 
       Ce “collisionneur” qui a coûté plus de huit milliards d’euros, n’est en fait qu’une énorme et monstrueuse machine à pulvériser les atomes et ces scientifiques, comme des gosses qui ne pourront jamais comprendre comment est fait le jouet qu’ils pulvérisent à grands coups de marteau, ne pourront jamais comprendre ce qu’est l’univers.
       Le présent ouvrage, qui lui, explique enfin ce qu’est réellement, concrètement l’univers et comment il fonctionne, vaut donc déjà plus de huit milliards d’euros :


         Ce LHC, d’une part, n’est pas plus dangereux qu’un individu qui a décidé de pulvériser tous les grains de sable du sahara, un à un, pour réduire celui-ci en poudre fine, et d’autre part, les « trous noirs » n’existant nulle part ailleurs qu’en les cerveaux qui les ont inventés, ce LHC n’est donc capable que d’augmenter ces mêmes « trous noirs » dans ces mêmes cerveaux, et c’est tout.

      Bien cordialement   Jean Vladimir Térémetz  

      • joelim joelim 29 novembre 2011 19:20

        Il s’agit de celui selon lequel l’univers serait d’une certain façon organisé pour que les sociétés humaines s’y déploient. Une des conséquences de ce ce mythe serait que l’univers pourrait, aujourd’hui ou demain, devenir compréhensible par les cerveaux humains. 

        Je ne suis pas d’accord. On peut très bien être adapté à un environnement sans le comprendre (ou être en capacité de le comprendre). C’est le cas général.

        On peut poser la question sous deux formes ; l’homme est-il seul dans l’univers ? La vie n’existe-telle que sur la Terre ? Dans les deux cas, Christian Magnan apporte une réponse affirmative. Il s’appuie pour cela sur des calculs de probabilité, rapprochant le nombre des tirages au sort favorables qui seraient nécessaires pour que la vie, l’intelligence et l’homme apparaissent, et le nombre estimé des exoplanètes présentant les caractéristiques nécessaires à ces apparitions.

        Estimer par tirage au sort les chances pour que la vie et l’intelligence apparaissent me semble tiré par les cheveux. On n’en sait pas assez sur les processus de la vie et de loin.

        Bien cordialement.

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