Salon de l’auto 2010 : Constructeurs, remettez des pare-chocs aux voitures !
Les premiers véhicules automobiles ne comportaient pas de pare-chocs, ce qui ne veut pas dire qu’ils étaient exempts d’accidents : en effet, avec le premier ancêtre de l’automobile, le fardier de Cugnot (1 ) ( 1769 ), survint le premier accident automobile : cet engin à vapeur, malgré sa faible vitesse ( 4 km/h ), réussit à renverser un pan de mur lors de l’un de ses essais ! Il faut dire que l’inventeur ne l’avait équipé ni de freins, ni de direction...
L’automobile est un moyen de transport dont l’une des caractéristiques principales est d’être fréquemment sujet à des chocs, la plupart du temps de faible intensité, survenant le plus souvent en ville, en particulier lors des manoeuvres de stationnement, et parfois de forte intensité, survenant plutôt sur route, rendant en général le véhicule inutilisable ( sans oublier, bien sûr, les blessures en tout genre, souvent fatales, des passagers ).
Pour la première catégorie de chocs, celle qui nous intéresse, les premières automobiles ne disposaient d’aucune protection. Jusque dans les années 20, les roues avant des voitures sont situées nettement en avant de la carrosserie, les petits chocs intéressent donc essentiellement le pneu avant des voitures, comme on peut le voir par exemple sur la Ford T (2) .
Entre les deux guerres , avec l’amélioration des performances des voitures en matière de vitesse, vint la nécessité , pour des raisons aérodynamiques, d’envelopper largement les roues par des ailes, qui devenaient donc fort sujettes aux chocs lors des manoeuvres, d’où l’adjonction de pares chocs .
Le principe du pare-choc est simple : on appelle pare-choc un équipement automobile en principe peu coûteux et facilement remplaçable, placé aux extrémités avant et arrière du véhicule ( et éventuellement sur les cotés ) dont la déformation éventuelle ne modifie en rien les qualités du véhicule, et qui protège le véhicule de dégâts coûteux sur sa carrosserie, son châssis ou son moteur lors de chocs d’intensité minime ou très modérée.
Les premiers pare-chocs, apparus dans les années 1920 à 1930 furent initialement une bande métallique souvent double placée à l’avant et à l’arrière des voitures , qui fut rapidement remplacée par le pare choc chromé muni en général de deux protubérances métalliques à l’avant ( cf documents 3,4,5,6 ) système qui régna sans partage pendant une cinquantaine d’années jusqu’en 1972 .
C’est donc en 1972 que survint un véritable bond en avant conceptuel en matière de pare-chocs automobiles, avec la sortie de la Renault 5. En effet , cette voiture inaugurait une véritable révolution puisque c’est la première voiture à avoir été équipée de boucliers en polyester armé à la place des habituels pare-chocs chromés (7). Ces boucliers débordaient de quelques centimètres les zones sensibles de la carrosserie.
Ils avaient un quadruple avantage sur les pare-chocs chromés :
1°) avantage aérodynamique : leur forme moulée offrait beaucoup moins de résistance à l’air que les pare chocs chromés et leurs deux protubérances antérieures,
2°) avantage de solidité et de protection : tout propriétaire de cette voiture et de toutes celles qui s’en sont ultérieurement inspirées pouvaient constater que , pour détruire ces pare chocs, il fallait un choc quasiment impossible a réaliser lors d’une manoeuvre de stationnement ratée. Ces pare-chocs résistaient également le plus souvent aux conséquences d’un freinage trop tardif en ville. Ils protégeaient efficacement la carrosserie et les feux du véhicule dans la plupart des chocs bénins.
Sur les voitures sorties ultérieurement (8 ), les pare chocs devinrent de plus en plus enveloppants, et se trouvèrent complétées par des baguettes de protection latérale qui évitaient pas mal de rayures.
3°) ils évitaient un ennui qui survenait au moins une fois par an avec les pare-chocs chromés : retrouver son pare choc arrière coincé par les protubérances avant du pare-choc de la voiture garée derrière soi lorsque on ratait un créneau !
4°) Enfin , ils apportaient une amélioration stylistique à la Renault 5 par rapport aux concurrentes, qui parurent immédiatement démodées avec leurs pare-chocs chromés !
Tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes du pare-choc automobile lorsque je décidai, il y a deux ans, de me séparer de ma trop vieille Renault Cio 1 après plus de 10 ans de bons et loyaux services, afin de m’acheter une voiture neuve d’un gabarit légèrement plus grand. J’essayai donc plusieurs modèles ( 10, 11, 12,13,14 ) , avant d’acheter celle-ci ( 9).
Au moment de l’acheter, le vendeur me signala la présence, dans la boite à gants, d’une petite fiole de peinture, à utiliser , me disait-il " en cas de rayures sur les pare-chocs "
"Quelles rayures sur quels pare-chocs ? " lui répondis-je , interloqué, " les pare-chocs, ça ne se raye pas, et il n’y a pas de peinture dessus " ajoutais-je. Je ne comprenais rien à ce qu’il me racontait.
Il me montra alors les pare-chocs de ma nouvelle voiture, auxquels je n’avait prêté aucune attention avant l’achat, ou plutôt ce que j’interprétai immédiatement comme une absence de pare-chocs : les pares chocs étaient tout simplement devenus une prolongation de la carrosserie, peinte de la même couleur métallisée qu’elle, et totalement dépourvus de l’indispensable bouclier de polyester armé qui équipait ma vaillante Renault Clio 1 !
D’un air horrifié, je lui demandais s’il n’y avait pas une option avec de vrais pare-chocs comme sur ma Clio. Tout ce qu’il put me proposer fut l’adjonction, pour un coût prohibitif de 130 euros environ, de garnitures en caoutchouc ridiculement petites, et ne protégeant presque rien, que j’acceptai quand-même, faute de meilleure solution.
Comme il était prévisible, le résultat de cette absence de pare-chocs ne tarda pas à se manifester au bout d’un mois d’utilisation : lors d’une marche arrière, ma voiture heurta l’une de ces innombrables bornes en forme de cylindre métallique non visibles dans le rétroviseur, que la municipalité installe malicieusement pour marquer la limite de certaines aires de stationnement. Ce choc, à une vitesse d’à peine 5 km/h , provoqua un sévère enfoncement du pare-choc, avec une déchirure d’une dizaine de centimètre qui me démontra que ce prétendu pare choc n’était qu’une vulgaire pièce de plastique moulée d’à peine 2 ou 3 millimètres d’épaisseur. Par ailleurs, comme ce pare choc était dans l’alignement du reste de de la carrosserie ( alors que les pare chocs de la Renault Clio débordaient de 3 bons centimètres ) il n’avait offert aucune protection au feu arrière droit de ma voiture, qui s’est retrouvé fortement ébréché ! Renseignement pris auprès du concessionnaire, il s’avéra que le remplacement de ce pare-choc coûtait la somme astronomique de 500 euros ( le prix que j’avais payé pour le remplacement d’une aile arrière sur une de mes précédentes voitures ! ) tandis que le bloc de feu arrière coûtait comparativement la bagatelle de 130 euros. Vu le prix, je décidai de ne pas faire la réparation ( à quoi bon dépenser une telle somme pour un pare choc neuf qui avait toutes les chances de subir le même sort en quelques semaines ! ). J’avais eu dans le passé des chocs arrière bien plus violents au volant de ma Renault Clio 1, chocs dont s’était gaussés à l’époque mes pare-chocs qui s’en étaient sortis sans la moindre rayure ou déformation ...
Pensant m’être fait avoir à l’achat d’une voiture dont le constructeur était trop stupide ou trop imprévoyant pour imaginer la nécessité de pare-chocs, j’entrepris de me documenter à ce sujet.
Je constatai en premier lieu que les quatre autres voitures que j’avais essayées auparavant étaient tout autant dépourvues de pare-chocs, ce qui atténua l’impression désagréable de m’être fait rouler.
Mais aussitôt me vint à l’esprit une question fondamentale : quand donc ont disparu les pare-chocs des voitures, et pourquoi donc ont-ils disparu ?
Une recherche sur internet des photos de voitures entre 1975 et 2010 m’a permis de rétablir l’historique de l’évolution du pare-choc, puis de sa disparition.
Vers 1975, le système de pare-choc en bouclier de polyester armé type Renault Cinq de 1972 se généralisa à la plupart des voitures neuves, toutes marques confondues, au point qu’en 1980, les pare chocs métalliques chromés avaient presque totalement disparu. Vers 1985 commencent à apparaître sur les petites voitures de sport, type GTI une sorte de customisation des boucliers en polyester, qui étaient peints de la même couleur métallisée que la carrosserie (15) .
Entre 1985 et 1995, ces pare chocs colorés comme la carrosserie devinrent de plus en plus fréquents, sauf sur les modèles de base, tandis que sur certains modèles, les boucliers de protection furent remplacés par des bandes caoutchoutées, la carrosserie redevenant visible en dessous de ces bandes, et se mettant à comprendre des éléments fragiles tels que feux et entrées d’air (16) Vers 1998 , ces pare-chocs au rabais se généralisèrent sur tous les modèles récents. Vers 2002, cette bande caoutchoutée commença à disparaître sur les nouveaux modèles, cette disparition se généralisa progressivement vers 2005 et devient totale en 2008, laissant les véhicules neufs totalement dépourvus de pare-chocs.
On voit , dans des modèles de 2010 que, non seulement il n’y a plus de pare chocs , mais que des éléments forts coûteux de la carrosserie sont exposés au moindre choc. On imagine aisément en regardant la photo (17) à quels frais de réparations astronomiques expose la moindre fausse manoeuvre !
Quelle peuvent-être les raisons de cette mystérieuse et progressive disparition des pare-chocs automobiles ?
A première vue, l’on n’y voit aucun avantage . Le conducteur de la voiture de la photo (17) doit vivre en permanence dans la crainte du moindre accrochage, qui lui coûtera au moins pour 1000 euros de réparations ( ou un préjudice esthétique certain pour sa voiture s’il renonce à la faire réparer ), et lui vaudra un malus. Il ne pourra plus se dégarer "à la parisienne" ( manoeuvre courante qui consistait, pour le propriétaire d’une voiture munie des anciens pare-chocs, à pousser par l’intermédiaire du pare-choc les voitures collées devant et derrière lui, et qui ne lui avaient laissé aucune marge, afin de s’extraire de sa place de stationnement ).
En cherchant bien, il est possible que cette absence de pare-chocs fasse gagner quelques microscopiques centièmes au Cx de l’automobile ( les pare chocs boucliers, avec leur décrochement, pouvaient occasionner quelques turbulences, donc un léger frein aérodynamique ). On peut éventuellement soutenir que cette absence de pare-choc rend la voiture plus esthétique, mais ce gain très discutable d’esthétique ne résistera évidemment pas au premier petit choc, dont les conséquences esthétiques sur le véhicule seront bien plus dévastatrices que l’existence d’un pare-choc ! On pourrait soulever l’hypothèse selon laquelle que ce sont les critères esthétiques discutables des amateurs de " tuning" (18) et de voitures " GTI " qui ont inspiré les stylistes et fait disparaître les pare-chocs.
Néanmoins , la véritable raison de la disparition des pare-chocs me paraît relever du mercantilisme le plus éhonté. En effet, depuis quelques années, on assiste à une diminution notable du prix des voitures, il n’est plus exceptionnel de voir des voitures neuves à 9000 euros, voire moins. On imagine que le bénéfice des fabricants s’étant de ce fait amoindri, ils aient décidé volontairement de supprimer les pare-chocs des véhicules afin de récupérer une grande quantité d’argent dans de fréquentes réparations ( 500 euros pour le prétendu " pare-choc " de ma voiture, qui n’est rien d’autre qu’une dérisoire et mince pièce de plastique peint ) ! Afin d’habituer le consommateur à la disparition du pare-choc, celle-ci fut, comme nous l’avons vu, progressive et insidieuse sur une dizaine d’années. Il est bien évident que si les constructeurs automobiles avait instauré brutalement cette suppression sur tous les véhicules du jour au lendemain, celle-ci ne serait pas passée inaperçue, les clients auraient protesté, de plus les associations de consommateurs se seraient immédiatement emparées du sujet et auraient imposé le rétablissement des pare-chocs sur les automobiles.
Il faut remarquer que les voitures utilitaires professionnelles n’ont pas été privés de pare-chocs contrairement à leurs homologues réservées aux consommateurs ordinaires. On peut le constater en faisant la comparaison entre le modèle familial de la Renault Kangoo, dépourvu de pare-chocs (18), et le modèle fourgonnette professionnelle qui, lui, est muni de pare-chocs particulièrement enveloppants et d’aspect robuste (19) ; En effet, les entreprises savent beaucoup mieux défendre leurs intérêts que les particuliers, et n’accepteraient en aucun cas de se voire refiler des voitures dépourvues d’un accessoire aussi essentiel que le pare-choc.
Une amélioration de la législation s’impose donc, qui devrait contraindre les constructeurs automobiles à proposer une option de pare-chocs sérieux sur tous leurs véhicules, même si l’on peut laisser la liberté à ceux des consommateurs qui n’en veulent pas d’acquérir des voitures sans pare-chocs à la détestable mode actuelle ! Personnellement, je suis d’avis que le côté fonctionnel d’une voiture restera toujours prioritaire par rapport à de discutables considérations esthétiques, et que les intérêts des consommateurs doivent être protégés par la loi.
(1) http://fr.wikipedia.org/wiki/Fardier_de_Cugnot
(2) http://fr.wikipedia.org/wiki/Ford_T
( 3 ) http://www.mercedes-damien.com/historique/historique.htm
(4) http://fr.wikipedia.org/wiki/Citroën_Traction_Avant
(5) http://fr.wikipedia.org/wiki/Renault_4
(6) http://en.wikipedia.org/wiki/Cadillac_Series_62
( 7 ) http://fr.wikipedia.org/wiki/Renault_5
(8) http://fr.wikipedia.org/wiki/Renault_Clio_I
( 9 ) http://img.turbo.fr/01493436-photo-honda-jazz-jazz-1-2i.jpg
( 10) http://fr.wikipedia.org/wiki/Renault_Clio_III
(11 ) http://fr.wikipedia.org/wiki/Peugeot_207
( 12) http://fr.wikipedia.org/wiki/Toyota_Yaris
(13) ttp ://www.carpages.co.uk/volkswagen/volkswagen_images/volkswagen-polo-match-22-12-07.jpg
( 14) http://www.clean-auto.com/IMG/jpg/CitroenC314I-GazNaturel-TroisQuart3.jpg
(15) http://www.laberezina.com/images/Ecuries/ecuries_nouveau/renault/1985_renault_5_gt_turbo.jpg
(16)http://www.carsguide.com.au/images/uploads/Renault-Laguna-1995LR.jpg
(17) http://www.thetorquereport.com/2010_alfa_romeo_suv.jpg
(19)http://www.renault.fr/gamme-renault/vehicules-utilitaires/kangoo/kangoo-express-campus/
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